Résultats 2020

Soutien à la photographie documentaire contemporaine

30 lauréats ont bénéficié en 2020 du soutien à la photographie documentaire contemporaine. 

Samuel Bollendorff

ÉLÉMENTS

J’ai fait le tour de la Terre en 2018. J’ai vu combien elle est petite, fragile. Et où que mon regard se soit porté, il s’est perdu dans l’obscurité. Un fleuve mort sur 650 kilomètres, des poissons déformés, des forêts radioactives, des enfants qui naissent sans yeux, des mafieux qui trafiquent des déchets nucléaires, des déchets plastique à la dérive au milieu d’un océan devenu le premier maillon d’une chaîne alimentaire dégénérée… Qu’avons-nous laissé faire ?
Je souhaite poursuivre mon travail sur les éléments, l’eau, l’air, le feu, la terre, rendus incontrôlables par les changements climatiques. Les mégas-incendies, les inondations, les tornades, les effondrements seront autant d’exemple me permettant de chercher à rendre compte et de prendre la mesure du dérèglement climatique.

Arno Brignon

Us

C'est un voyage, commencé en 2018, dans les 12 villes, éponymes des capitales historiques européennes, situées au coeur de l’Amérique. Un road trip symbolique pour parler de cette société au parfum post-démocratique, à ce moment précis où populisme et technocratie semblent s’affronter un peu partout en Occident, dans un duel où le peuple ne se retrouve plus. Regarder ce pays, né des colons venus d’Europe qui en ont chassé les autochtones, c’est nous regarder aussi, tant nos liens sont forts, et tant nos états sont unis pour le pire et le meilleur.
Dans cette route il y a forcément un peu d'une obédience à Robert Frank, Jack London, ou Wim Wenders, mais au-délà de l'initiatique il y a une volonté de raconter ce pays avec le prisme des réminiscences de mon histoire personnelle. Enfant, j’ai le souvenir des longues absences de mon père parti de l’autre côté de l’Atlantique pour des voyages d’affaires du côté de Boston puis d’Indianpolis. Des voyages dont je ne sais que peu de choses, si ce n’est qu’il adorait la Nouvelle Angleterre et sa vie à l’européenne et honnissait Indianapolis, ses seigneurs de l’agriculture productiviste... Nous ne sommes jamais allés avec lui.
A mon tour, j'ai besoin de partir sur ses traces et pour conjurer le destin, ce sera en famille. Ce travail mêlera textes et photographies, fiction, documentaire et poésie.

Guillaume Chauvin

GUERRE ÉPAISSE, des deux côtés du front ukrainien 

Comment témoigner d'une guerre contemporaine aux portes de l'Europe, tout en se libérant des contraintes propres au journaliste et à l'artiste ? Depuis 2015, G.C. se rend régulièrement dans les territoires du Donbass pour y documenter en un livre la vie de celles et ceux bloqués en cette zone de guerre civile. Après avoir traité de façon dépassionnée ce conflit depuis un camp médiatiquement vierge, celui séparatiste, G.C. compte maintenant exploiter le recul de l'histoire et réaliser l'autre moitié de sa démarche, auprès cette fois de civils vivants de l'autre côté du front.

Ljubisa Danilovic

Georgia - Une histoire des migrations

Georgia est le nom du bateau qui en 1906, emmena le jeune Ljubisa Danilovic, alors âgé de dix-neuf ans, de Trieste à New York. Originaire de Nikšić, petite ville enclavée dans les montagnes monténégrines. Cet homonyme, dont je ne sais pas si nous avons un lien de parenté, occupe mes pensées depuis une dizaine d'années. Georgia est avant tout un projet de livre, dans lequel je souhaite, sur le fond, questionner les conséquences humaines de l'acculturation et de l'exil mais également, sur la forme, explorer la relation du texte et de l’image. Ainsi, le jeune Ljubisa Danilovic écrira une série de quatre lettres à ses proches, durant son voyage entre Nikšić et Trieste livrant son expérience du départ, ses aspirations et ses craintes. Je m'efforcerai, de mon côté, de lui répondre en images.

Stephen Dock

Érythrée 

L’Érythrée est un pays d’Afrique méconnu. La majeure partie des gens se sent incapable de le placer sur une carte, et, dans l’imaginaire collectif, il n’évoque que peu de choses. L’an prochain, il fêtera les trente ans de son indépendance. Ce travail vise à établir un rapport visuel à ce pays à part sur le continent africain, à construire un ensemble cohérent d’images pour rendre compte de la complexité d’un territoire. Dans une démarche indépendante, débarrassé de la pesanteur du système médiatique, Stephen Dock projette de dresser un portrait de l’Erythrée, d’aller au-delà d’une réputation dans l’excès.

Michael Duperrin

La guerre d'Algérie n'aura pas lieu 

Ce projet s'enracine dans une expérience vécue en 2002 lors d'un déplacement à Oran : face à une plaque indiquant "1954-1962", un profond trouble m'a saisi lorsque l'on m'a dit que le lieu avait été une prison. Deux de mes oncles ont fait cette guerre sous le drapeau français, et je n'en savais alors guère plus.
Tout ceci m’est revenu en m’installant il y a 3 ans à Marseille, où cohabitent les groupes concernés par le conflit (appelés, pieds-noirs, harkis, juifs d’Algérie, immigrés algériens) et leurs descendants.
J’ai compris que ce qui m’est arrivé à Oran est un symptôme d’une blessure, d’un non-dit et d’une conflictualité qui travaillent encore la société française. Ceci m’a conduit à vouloir mener, à la croisée de la petite et de la grande histoire, une enquête-action sur les effets subjectifs du conflit.

Pierre Faure

France Périphérique - Grand Este

Le titre « France Périphérique » est emprunté à l’ouvrage éponyme du géographe Christophe Guilluy qui aborde les problématiques politiques, sociales et culturelles de la France contemporaine par le prisme du territoire. Il s'intéresse à l'émergence d'une « France périphérique » qui s'étend des marges périurbaines les plus fragiles des grandes villes jusqu'aux espaces ruraux en passant par les petites villes et villes moyennes. Il souligne que désormais 60 % de la population — et les trois quarts des nouvelles classes populaires — vivent dans cette « France périphérique », à l'écart des villes mondialisée;
Économiste de formation je documente depuis 2012 la montée de la pauvreté en France. Je consacre un an à chaque région (2015 Paca, 2016 Auvergne, 2017 Normandie, 2018 Hauts de France, 2019 Bretagne) et souhaite aujourd'hui parcourir le Grand Est.

Anne Favret et Patrick Manez

Europe le plan B : BÉROIA > Grèce - TOPOGRAPHIE ANTIQUE et BENIDORM > Espagne - MIRAGE

Dans le cadre du projet au long cours « Europe le plan B » que nous menons sur l’espace européen depuis plusieurs années, nous envisageons, pour les chapitres  8 et 9, de travailler sur deux villes méditerranéennes : BÉROIA au Nord de la Grèce, en Macédoine, épicentre de la colonisation grecque du monde méditerranéen : TOPOGRAPHIE ANTIQUE et  BENIDORM en Espagne sur la Costa Blanca, symbole de l’attirance contemporaine pour la Méditerranée et de l’artificialisation de son littoral : MIRAGE. Dans les deux cas, il s’agit de paysages urbains.

Baptiste Giroudon

Les survivants de la mort blanche

Ce projet documentaire est dédié à l’histoire du Goulag russe. Parmi les milliers de camps concentrationnaires, les 18 millions d’êtres humains à y avoir séjourné et l’irracontable horreur de ce système soviétique qui a fait 4 millions de mort, que reste-t-il dans notre mémoire collective ?
Ces camps, ces routes, ces voix de chemin de fer, ces ponts, ces mines d’or et ces baraques aujourd’hui envahis par la nature, laissés à l’abandon et perdus dans l’immensité du pays ne sont pas les derniers vestiges du goulag. Il reste encore une poignée de survivants de ce système concentrationnaire ignoble.  Ceux sont eux qui seront au centre de ce projet documentaire. Des hommes et des femmes qui sont les seuls à encore pouvoir transmettre et faire vivre le passé à travers les restes matériels de ce qui fût leur calvaire. Raconter les conséquences d’une folie d’un autre d’un siècle sur l’humain d’aujourd’hui.

Guillaume Greff

La sente (titre provisoire)

Depuis 2018, près de chez moi, dans les Vosges, je piste les traces d’un animal : le loup. Pister c’est trouver des choses absentes, c’est lire le paysage, c’est se rendre accessible c’est chercher, c’est sentir. Cette pratique de la nature, consiste à se projeter hors de soi et devient une manière de se préparer à cohabiter avec d’autres espèces en repérant leurs manières d’habiter le territoire. Suivre le loup c’est avant tout comprendre une autre perspective sur le monde. Dans le cadre de ce projet je souhaite réaliser un travail photographique documentaire sur la pratique du pistage. Cependant dans la proposition photographique que je fais il n’est pas question de voir à travers les yeux d’un animal. Ma proposition n’a pas non plus pour objectif de photographier le loup. J’ai beau le chercher – et je ne suis pas le seul –  je ne le vois pas. Car les loups sont passés maîtres dans l’art de l’invisibilité et de l’investissement stratégique de la géographie.  C’est l’inquiétante étrangeté de cette omniprésence qui ne se donne que comme cachée ou dissimulée que je souhaite photographier. Et c’est l’imaginaire narratif de l’invasion que je désire convoquer comme pour penser notre être-au-monde et l’habitation même de la terre.  Mais qui envahit quoi ? Qui colonise qui ?

Ania Gruca

Wahajirina

Au milieu de la nuit du 11 au 12 janvier 1964, à Zanzibar, petit archipel de l’océan Indien à quelques kilomètres des côtes de l’Afrique de l’Est, débute une insurrection qui, en quelques heures, renverse le sultan et son premier gouvernement, un mois tout juste après l’indépendance du 10 décembre 1963. « Révolution » pour ses instigateurs, acteurs et sympathisants qui en ont fait le mythe fondateur de la nation zanzibarite, mais « coup d’Etat » illégitime pour ses opposants qui y voient le commencement d’une mise en dépendance de l’archipel, cet événement historique perdure dans les souvenirs et façonne les représentations du politique et de l’identité à Zanzibar aujourd’hui.
Dans ce projet, je souhaite partir à la recherche des acteurs-trices de ces mémoires non officielles de la révolution, qu’il s’agisse d’individus politiquement engagés ou de familles persécutées moins exposées publiquement, de témoins de la révolution, enfants ou jeunes adultes en 1964, ou des générations qui ont suivi, passeurs et receveurs des souvenirs de leurs aîné-e-s. Entre portraits et symboles, je souhaite poser un regard calme et serein sur les tourments laissés, établir une constellation sur la passation de la mémoire. Fictive ou réel.

Jeoffrey Guillemard

VIOLENCIA

Les branches d'un arbre exotique filtrent les rayons du soleil couchant, qui pénètrent à travers la moustiquaire de mon appartement. Je suis dans le sud du Mexique, Il est environ 19h30. Là, une pluie de détonations. Cette fin de journée entre chien et loup basculera dans une nuit sombre et opaque. Le voisin vient de se faire abattre au fusil M16, résultat d'un règlement de compte entre narcos. A travers les phares rouge et bleu des voitures de police qui éblouissent les badauds, une scène de crime comme on l'imagine dans les films chacun a son rôle, mais personne ne cherchera les coupables ; peur des représailles. Les habitants du quartier tout entier se sont retrouvés être des victimes collatérales de ce crime. Ce jour-là, j'ai compris l'incompréhensible. Au Mexique le conflit n'a pas de ligne de front, il tape aux portes de leurs victimes au moment où ils s'y attendent le moins. Comme une araignée venimeuse, il tisse sa toile et attrape le plus de proies possibles. Chacun se retrouve un jour ou l'autre affecté par cette violence, que ce soit dans son travail, dans sa foi ou dans son cercle familial.
Ce sont ces victimes là que je choisis de photographier : afin de raconter leurs histoires, leurs luttes, leurs espoirs.

Léa Habourdin

Image-forêt : des mondes en extension

Nous avons vu les promesses d’effondrement, les abeilles disparues, les feux insatiables et les tremblements inattendus de la Terre. Nous les entendons quotidiennement nous raconter ce monde en ruine et notre incapacité à changer. Voilà plusieurs années maintenant que je développe une observation du vivant, de la fin des mondes et des besoins de reconstruction.
« l’Image-forêt : les mondes en extension* » est un projet de réparation, une ouverture vers les derniers espaces naturels protégés de France. Ce travail part d’un constat relaté dans l’article “Where are Europe’s last primary forests**” de Diversity and Distribution : les forêts primaires n’existent plus en France, subsistent les "forêt à caractère naturel" qui sont les lieux les plus intouchés de l'hexagone. L’homme endosse alors le double rôle de destructeur et gardien, nous héritons de reliques que nous nous efforçons de protéger à tout prix en en interdisant l’accès sous peine de ruiner leur naturalité. La forêt ne sera jamais plus vierge, Noli me tangere semble-t-elle dire à l’humain qui vient.

*titre inspiré des travaux de recherche d'Axelle Grégoire
**publiée le 24 mai 2018, référent : Francesco Maria Sabatini

Laura Henno

The Chocolate Mountain

« The Chocolate Mountain » est le deuxième chapitre d’un projet au long court que j’ai commencé aux USA en 2017. Il complète une vaste fresque photographique et filmique au travers de laquelle j’interroge la société américaine en partant de Slab City, un territoire déchu pour tisser des fils entre l’Histoire des États Unis, l’histoire de la photographie et la politique américaine actuelle. Slab City est un squat, un campement de caravanes enclavé au sein de The Chocolate Mountain Aerial Gunnery Range (CMAGR), la plus grosse base militaire aérienne des États Unis qui s’étend vers le Mexique. Les montagnes désertiques qui bordent Slab City, servent de base d’entrainement aux Marines s’apprêtant à partir en mission au Moyen Orient. Paradoxalement, la population de Slab City, compte de plus en plus de jeunes vétérans revenus d’Irak et d’Afghanistan. Ils échouent dans ce no man’s land faute de pouvoir se réinsérer dans la société. Mon projet se focalisera sur ces parcours de vie militaire. Il explorera également les interférences entre la population de Slab City et l’environnement sécuritaire qui l’entoure.

Lynn S.K.

Twentysomething

Depuis 2014, j’explore l’idée de sororité à travers l'Algérie contemporaine. Après avoir amorcé cette démarche par le prisme autobiographique et par la capitale, j'ai suivi le quotidien de plusieurs femmes, depuis la banlieue jijelienne, au nord, jusqu'à Tamanrasset, au sud. A travers ces allers-retours entre terre natale et terre d'adoption, j'ai construit des séries qui travaillent les questions de la mémoire, de l’identité, du féminin.
Mon intention est cette fois de parcourir la côte méditerranéenne afin de photographier les jeunes Algériennes : celles qui ont entre 20 et 30 ans, celles qui participent de cette génération du hirak et de l'après-Bouteflika, celles qui se réapproprient leur histoire depuis le mouvement de contestation populaire survenu en février 2019.
Il s'agit alors de traverser les mondes féminins par-delà des stéréotypes post-coloniaux, et de capter quelque chose de cette période de transition, celle de ces twenty-something comme celle de l'Algérie.

Yohanne Lamoulère

MANGER TES YEUX

MANGER TES YEUX raconte le parcours de jeunes personnes que je photographie pour la plupart depuis longtemps, dans les replis populaires des villes. Après l'effondrement de plusieurs immeubles rue d’Aubagne, à Marseille, la ville n’est plus que l’ombre d’elle-même, mais elle est aussi une cité universelle : est-ce un décor ou une ville réelle, et pour quels habitants ? Faudra t-il mentir pour raconter la colère qui s’est emparé de chacun d’entre nous depuis ? On y voit des corps sensuels, loin de la résignation, campés dans le petit théâtre qu’est la rue. A ces personnages s’ajoute mon propre mensonge ainsi que les mots de ceux qui font les images afin d’établir une narration globale, fictionnelle, où la photographie serait la grande médiatrice.

Anne Leroy

Des héritages sans héritier(s) ? Maintien et disparition des fermes dans une zone rurale de l'est de la France

Cette recherche photographique porte sur les recompositions à l’œuvre dans le monde agricole. En France le nombre de fermes s’effondre. Parallèlement la taille de celles qui se maintiennent ne cesse d’augmenter. Dans ce projet, je me propose de mener de front des questionnements artistiques et sociologiques : comment, au moyen de la photographie, parler des enjeux prégnants en agriculture et notamment ceux liés à la transmission des exploitations agricoles ? En partant des expériences vécues par les agriculteurs et les agricultrices sur les fermes dans un territoire rural de l'est de la France, je documente les transformations en cours dans les modes de production ainsi que dans les collectifs de travail. J'aborde également la fatigue des corps. Quelles marques et empreintes un environnement de travail fortement marqué par la chimie et la mécanisation laisse-t-il sur ces derniers ?

Andrea Mantovani

Racines

Depuis 2017, je travaille sur la dernière forêt primaire de plaine d’Europe de l’Est : la forêt de Bialowieza en Pologne. Convaincue de l'importance de sensibiliser aux situations des forêts sur le continent européen, j'ouvre un second opus sur la chaîne de montagne des Carpates. Mon projet est de réaliser un conte contemporain pour adultes. Cette démarche est documentaire et s'attache à réaliser un état des lieux d'un territoire en empruntant les codes d'écritures propres aux contes pour tisser un récit documentaire. Le conte n’étant pas « réaliste », il permet à l’auditeur de se projeter dans l’histoire, de s’identifier au héros et de vivre toutes les difficultés fondamentales rencontrées jusqu’au dénouement. Le dispositif a ainsi pour but d’inventer des espaces de libération, de projection et de création entre le géopolitique et l’artistique.

Sandrine Marc

Archipels

Le projet s'inscrit dans des micro-territoires, des interstices cachés dans les plis de la ville. Ces parcelles délaissées ou peu urbanisées sont ménagées plutôt qu’aménagées par des gestes qui passent par l’expérimentation, l’autoconstruction et le jardinage. Ces îlots de verdure forment des réserves de biodiversité, des mondes à part, habités par des communautés humaines et non humaines. Je souhaite tisser des liens entre les archipels pour montrer la poésie et l’imaginaire dont ils sont porteurs. Je veux penser le paysage comme un espace de relations qui soient des occasions de métaphores et de métamorphoses.

Nina Medioni

Le Voile

Le Voile est un projet documentaire photographique en cours sur la ville de Bnei Brak en Israël où réside une partie de ma famille, juive orthodoxe. Depuis plusieurs années, je suis l’évolution de ma cousine et de ses enfants au sein d’une des cités concentrant la plus grande population de ceux que l’on appelle aussi Haredims. Durant mon dernier séjour, j’ai passé un certain temps à développer un travail de portraits, intimiste, sur ma famille et particulièrement les jeunes gens qui la composent. Débute alors une réflexion sur la jeunesse et le quotidien de ces adultes en devenir, réglés par une somme importantes de lois. Une vie d’autant plus réglée, qu’elle semble faire barrage face à une autre réalité se jouant à quelques centaines de mètres de là. Conjugué à un travail de portraits, j’ai souhaité questionner ce qui se joue autour et hors de la ville ; ce qui l’unie et surtout la distingue de ce qui lui fait face : Tel Aviv, festive et libérale. J’ai vu se dérouler ainsi de multiples frontières qui composent une société fragmentée, à l'image du pays

Camille Millerand

Bled Runner

En janvier 2015, avec Leila Beratto, journaliste radio et preneuse de son, je décide de documenter la question migratoire vue d’Algérie. Nous faisons la connaissance de Fabrice, camerounais, qui nous présente la communauté migrante installée à « Derwisha », une maison «sans toit » (située en périphérie à 30 km d’Alger) dans laquelle réside une trentaine de migrants pour la plupart camerounais mais aussi ivoiriens. Femmes, enfants, hommes, tous sont clandestins, planqués là, le temps de gagner un peu d’argent à envoyer à leur famille ou pour financer la traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Derwisha était une étape de vie pour tous ses résidents.

Depuis 2017, cinq d’entre eux sont installés en Europe. Prince au Touquet Plage, Pascal à Naples, Anne et ses enfants à Clermont-Ferrand…D’autres ont décidé de rentrer chez eux. Yvette et Rodrigue au Cameroun. Michelle et Mira en Côte d’Ivoire. C’est l’ensemble de ces parcours migratoires que le projet Bled Runner a pour ambition de raconter, dans leurs spécificités.
Je souhaite documenter l’histoire de Michelle et sa fille Mira qui sont rentrées en Côte d’Ivoire en janvier 2020, après avoir passé 10 mois à Nouakchott et 3 ans en Algérie. Elles se sont installées dans la famille de Michelle, à Yopougon, un quartier populaire d’Abidjan.

Richard Pak

L'île naufragée

Le projet photographique s’intéressera à Nauru, île du Pacifique qui fût le pays le plus riche du monde il n’y a pas quarante ans avant de devenir aujourd’hui l’un des plus pauvres. Naufrage économique et désastre écologique, l’île est en ruine, littéralement dévastée au propre comme au figuré. Le travail documentaire constitué de portraits et de paysages évoquera un conte moderne allégorique, mais pourtant bien réel, d’un exemple d’effondrement tant économique qu'écologique.

Julien Pebrel

Conflit gelé, frontière à vif

La guerre de 2008 entre la Géorgie et la Russie a marqué une rupture dans la vie des territoires géorgiens jouxtant l’Ossétie du Sud. Cette région, appartenant officiellement à la Géorgie, a déclaré son indépendance au début des années 90, mais son statut n’est reconnu ni par Tbilissi ni par la communauté internationale. Pour les frontaliers qui n’ont pas été déplacés dans les nouveaux villages construits par le gouvernement, les conditions de vie n’ont cessé de se dégrader. En cause, le processus dit de borderization entrepris par les autorités sud-ossètes avec l’appui total de la Russie. Il consiste en la matérialisation de la frontière sud-ossète avec le reste de la Géorgie. Jadis simple démarcation administrative entre régions de la Géorgie soviétique, cette frontière, est maintenant érigée en ligne coupante, fortifiée, intraitable. Là où elle n’est pas encore construite, on arrête ceux qui la franchissent par erreur, là où elle vient de l’être, elle se traduit par le creusement de tranchées, l’installation de barbelés et de barrières rendant impossible tout passage. Tracée de façon autoritaire elle traverse et divise plus de 30 villages géorgiens et bloque l’accès des habitants aux églises, cimetières, vergers, pâturages. C’est à ce processus, à cette frontière et à ses conséquences sur les populations locales que je souhaite m’intéresser.

Antoine Picard

L'air est devenu eau

Dans les années 60 le ruisseau du Salagou dans l'Hérault est transformé en lac de barrage afin d'irriguer les cultures en aval. De nombreuses terres sont noyées. C'est un traumatisme et une lutte pour toute la région. Mais alors que la montée des eaux devait se dérouler en deux étapes, la dernière phase n'a jamais eu lieu. Le village de Celles qui a été évacué n'a finalement jamais été inondé. Il est aujourd'hui en ruines, enfermé derrière des grilles protectrices. Grâce à l'acharnement des anciens habitants, le bourg est petit à petit réhabilité, les premières familles sont accueillies à l'automne 2019 pour restaurer leur maison.
A l'image de l'histoire de ce village, c'est toute une vallée qui a été modifiée. Le paysage s'est transformé, de nouvelles espèces animales et végétales se sont acclimatées, les usages du territoire ont évolué. Le projet photographique L'air est devenu eau a pour objectif de documenter ces mutations 50 ans après la création du lac.

Laura Quinonez

Ananses (titre provisoire)

Ananses est un projet photographique guidé par l’oralité d’une communauté, riche en témoignages et récits, composant la mémoire historique des peuples afro-colombiens. Depuis plusieurs générations les communautés afro-colombiennes nomment leurs coiffures par rapport à des éléments spécifiques au lieu où ils habitent: certaines plantes, un animal, des outils de travail. Ainsi, ils dressent un inventaire unique du quartier ou du village à travers des éléments choisis. Suivant la parole des femmes les plus âgées, les Ananses de la communauté, je souhaite documenter ces éléments, dessinant un paysage qui parlera de la force culturelle du tressage et dressera en creux un portrait des coiffures afro-colombiennes.
Ce projet vise la conservation d’un savoir fragile mais surtout la représentation d’un territoire pour lequel ces communautés se battent au prix de leur propre vie et ce depuis la période coloniale.

Sandra Rocha

Waterline

Entre février 2012 et août 2013 j’ai commencé le projet Waterline dans six pays points de sortie ou d’entrée pour l’immigration illégale maritime vers l’Europe. S’éloignant de toute interprétation narrative, chaque image de ce projet dessine une frontière, une limite entre visible et invisible de même que la ligne de l’horizon sépare le formel de l’informel et analogiquement la vie de la mort. Waterline a pour objet de laisser une trace dans le temps, de dessiner une cartographie possible des lieux en rapport avec ce passé, un aperçu de ce qui persiste. Je prévois de me rendre dans treize nouveaux lieux : Liban (Aarida), Chypre, Malte, Grèce (Lesbos, Kos, Chios), Egypte (Alexandrie), Italie (Pantelleria, Sicile), Turquie (Dikili, Çesme, Esmirna) et Lybie (Tripoli).

Axelle de Russé

L'Arctique sur des charbons ardents - Partie 2 : l'embrasement

Au Nord du monde, à seulement 1000 km du pôle, se trouve la petite ville de Longyearbyen, la plus septentrionale de la planète. Perdue au milieu de l’Arctique, elle est peuplée d’aventuriers, mineurs, scientifiques, et vit au rythme des deux saisons polaires : le Jour et la Nuit.

Elle est aussi la sentinelle du réchauffement climatique. C’est ici qu’il est le plus important au monde, 6 fois plus que partout ailleurs. Qui sont-ils, celles et ceux qui vivent en première ligne face à l’inévitable, et qui semblent avoir notre destin entre les mains.
Le travail documentaire que je propose vise à étudier la capacité d'adaptation de l’homme face aux climats extrêmes, à l’isolement et à la catastrophe écologique annoncée. Cela à travers les deux saisons polaires, le Jour et la Nuit.

Chloé Sharrock

Sugar Girl, le fléau des cannes à sucre

Chaque année en Inde, des milliers de femmes travaillant comme coupeuses de canne à sucre sont victimes d’hysterectomies (ablation totale de l’utérus) forcées.
Elles sont en effet dupées par des médecins du secteur médical privé qui les forcent à penser que l’opération leur est nécessaire. Si jusqu’aux années 70 l’avortement représentait l’opération la plus lucrative pour ces médecins, la démocratisation des méthodes contraceptives et de la stérilisation les a poussé à chercher une nouvelle manière de capitaliser : c’est à ce moment-là que la pratique des hystérectomies abusives s’est répandue dans le pays.

Michel Slomka

Birkenau, une écologie de la mémoire

Le projet Birkenau se propose de réfléchir à la transmission de la mémoire de la Shoah après la disparition des derniers témoins vivants des camps d’extermination. En partant du lieu lui-même, en parcourant la diversité des mondes qui le composent - les ruines et les vestiges, les archives, les objets, le paysage, les forêts, le sol, la faune et la flore - l’enjeu est d’inviter à une archéologie des traces où le passé et l’enfui se révèlent bien présents. Traversé de temps, tissé de la multitude des liens qui le fait émerger, le lieu est en lui-même une mémoire vivante. Élargir notre conception de la mémoire à cette écologie naturelle, culturelle et symbolique permet ainsi de penser nos héritages et nos histoires en mouvement, comme autant de moyens d’engagement pour le temps présent.

Patrick Wack

Minor Differences

En Bosnie, l’espoir de réconciliation des années d’après-guerre a aujourd’hui fait place à la résignation. L’establishment politique actuel, héritier des factions nationalistes post-yougoslaves, semble indétrônable ; les divisions idéologiques se creusent à nouveau, alimentées par la radicalisation des discours religieux et populistes ; la jeunesse et les élites émigrent, n’espérant plus trouver leur salut dans un pays rongé par le marasme économique.
L’expérience yougoslave nous a montré, parmi tant d’autres, que si les racines d’une guerre civile ne sont pas traitées, et que si un récit historique commun n’est pas construit en profondeur, la réconciliation est impossible et l’histoire risque de se répéter.  « Minor Differences » nous replonge dans les yeux et les cœurs de la Bosnie, celle-là même qui m’a accompagné pendant mon adolescence et qu’on a depuis oubliée.

Dernière mise à jour le 21 décembre 2021