Résultats 2023

Soutien à la photographie documentaire contemporaine

27 lauréats ont bénéficié en 2023 du soutien à la photographie documentaire contemporaine, à la suite de la commission dédiée qui s’est déroulée le 20 juin. 

Pascal Amoyel

Centro

"Mon grand-père, mort longtemps avant ma naissance,
est mort parmi des étrangers ; et tous les vers qu'il a écrits
ont été perdus –
sauf ce qui 
parle encore à travers moi
comme étant mien"
Charles Reznikoff, À la source du vivre et du voir, 1969

Je souhaite photographier la région d'origine de mon grand-père maternel, dans le Centre de l'Italie, aux confins de la Toscane, de l'Ombrie et des Marches. À la recherche des paysages, visages, et lumières de ce pays, ce travail sera dans le même temps une description des formes que prend la vie humaine dans ce Centro, entre villages de campagne et petites villes, et une tentative de comprendre de quelles images je suis constitué. Convaincu que le regard est le lieu d'une transmission, celui d'un partage, je souhaite regarder les endroits, les choses qui ont formé le paysage vivant de mes aïeux et ont ainsi façonné ce qu'ils étaient, pour comprendre comment les voir aujourd'hui et à quelle distance d'eux je me tiens avec la photographie. 

Concrètement, cela implique de marcher dans ces lieux à longueur de journées pour photographier. Cela implique d'être disponible à ce qui arrive devant nos yeux, aux formes que prend le quotidien, constamment modelé par le hasard des lumières et l'aléa des constructions humaines, dans ce pays où l'épaisseur historique est visible partout. L'irruption des visages est alors un pont entre leur histoire et mon histoire. 

Philémon Barbier

République démocratique du Congo : le combat des enfants fantômes 

Avoir une identité c’est avoir un nom, un prénom, une date de naissance, un sexe et une nationalité, reconnus par la loi. Autant de choses qui, dans un État de droit comme le nôtre, nous semblent évidentes au point de nous faire oublier que ce n’est qu’à cette condition qu’une personne peut être titulaire de droits. Pourtant, près de 240 millions d’enfants de moins de cinq ans sont sans identité légale dans le monde selon l’Unicef. Cette enquête photographique au long cours fera état de la situation de ces enfants à travers le monde -Afrique, Asie, Amérique du Sud, du Nord et Europe-, il rendra compte des causes, propres à chaque territoire, de l’invisibilisation de ces millions de naissances. Un premier chapitre sera réalisé en République démocratique du Congo, où plus de 8 millions d’enfants n’ont pas d’existence légale. Je m'intéresserai aux réalités, responsabilités, conséquences et défis de ce phénomène en zone de conflit, où les enfants fantômes sont parfois enfants soldats.

J’irai dans la province du Maï NDombe où des massacres font rage depuis l’été 2022, et aussi dans les régions du nord et sud Kivu et de l’Ituri, où les conflits frontaliers avec le Rwanda ainsi que les guerres intercommunautaires ont pour conséquences de voir le nombre d’enfants soldats actifs augmenter. Ce projet documentera de façon journalistique, respectueuse et bienveillante la réalité du quotidien de ces enfants et de celles et ceux qui se battent pour résoudre cette problématique. 

Vincent Beaume

Chemin [Le Drac] 

Un récit photographique le long de la rivière du Drac, de sa source dans le massif des Ecrins à sa confluence avec l’Isère. Torrent impétueux, dompté par l’ingénierie grenobloise, le Drac raconte notre tension contemporaine paradoxale entre l’invisibilisation de l’eau dans les paysages et la dépendance de nos territoires à ce bien commun. Un récit territorial et une fabrique des territoires à l’épreuve du cycle de l’eau et de la notion de culture du fleuve. 

Philippe Calia

Heptanesia 

Heptanesia est un projet photographique sur la ville de Mumbai, construit autour de l’idée et du geste de déplacement.
Suivant une démarche proche de la psychogéographie, ce travail scrute la charge poétique et le potentiel surréaliste de cette ville, en jouant sur les résonances entre espace urbain, expérience subjective et récits historiques. Prenant pour point de départ la rue, depuis laquelle sont documentées scènes et motifs du quotidien, je travaille ensuite cette matière à l’aune des mythes qui façonnent Bombay ainsi que de mes propres projections mentales ; j’en conçois notamment des mises en scènes d’objets ordinaires, dans des bâtiments qui eux sont chargés d’histoire. En résulte un corpus d’images hétéroclite, allant de la photo de rue classique, à la documentation d’installations éphémères ; avec entre les deux, tout un spectre d’interventions et de situations aux formats variés, dans lesquelles des objets et des signes peuvent avoir été ajoutés, réagencés voire décontextualisés. Réalisées de manière ludique, parfois en collaboration avec les personnes rencontrées sur mon chemin, ces interventions laissent aussi une place à la contingence.
À la fois pratique de la photographie et pratique de la ville, ce projet documentaire à teneur expérimentale vise autant à “détourner le réel” qu’à capturer la grammaire d’un lieu ; et plus particulièrement, à dresser un portrait kaléidoscopique d’une ville littorale cosmopolite, à première vue tentaculaire et insaisissable. 

Clément Chapillon

Dans la plaie du sel

Dans quelle époque vivons-nous ? Tout indique que nous entrons dans l’âge de la fin : quand l’humanité vit entièrement sous la menace de sa disparition. “Certains gouffres ne sont pas faits pour être mesurés ; ni certains yeux, pour scruter l’innommable” (V.Retz). Pourtant il est essentiel d’y puiser le sel de notre monde actuel, le glissement dans son point le plus profond, dans sa matière la plus friable, dans ses eaux sourdes aux lueurs incertaines. J’aimerai construire un récit photographique réaliste et poétique d’une mer Morte en longeant ses rives en voie d’assèchement, allégorie de l’instabilité d’un monde qui s’effondre doucement dans une menaçante clarté.

« Dans la plaie du sel » sera un nouveau témoignage de la terrible beauté d’un lieu mythique qui s’approche indéniablement vers sa fin. Je tenterai de construire une nouvelle représentation du lien entre les êtres et leurs territoires, à travers un langage photographique sensible très personnel. Capturer un territoire salin en mutation qui s’évapore à chaque désir irraisonné des hommes.  « Là, arrête toi, ce lieu sec et désert, là sont les portes » annonçait le poète Lorand Gaspar dans son poème Judée. Alors je partirai à la recherche de ces portes, aussi lumineuses que cruelles, pour témoigner de cette bouche salée qui statufie la terre, la creuse et la laisse s’écrouler sous le poids blanchi du silence. 

Sylvain Couzinet-Jacques

Retcon Black Mountain 

Retcon Black Mountain est un projet hybride post-documentaire qui mélange photographie, vidéo, simulations virtuelles sous forme d’installation.
Le projet est à la fois un documentaire concret et une fiction spéculative qui revisite l’existence de la célèbre école américaine Black Mountain College (1933-1957) en combinant une approche documentaire et une recherche rigoureuse autour des archives avec des principes de re-enactment contemporains.

Les archives photographiques et les documents textuels serviront de matrice à une recherche avec des outils de deep learning,
et seront ensuite rejoués par la communauté de la ville de Black Mountain en Caroline du Nord (Etats-Unis). Comment des technologies de deep learning et de synthèse peuvent-elles être utilisées in fine pour reconstruire et pour- suivre des utopies collectives d’un passé révolu ? 
L’oeuvre finale sera une installation hybride qui racontera les rencontres et les performances, en photographies, vidéos et images de synthèse. 

Alexandra Dautel

Good Night, Malaysia 370 

01h20, 8 mars 2014.

Le vol MH370 de la Malaysia Airlines, avec 239 passagers à bord, disparait dans la nuit sans laisser aucune trace.
Officiellement, le vol 370 de Malaysia Airlines, qui reliait Kuala Lumpur à Pékin, a perdu le contact avec le contrôle aérien. Toutes les traces électroniques de l’avion ont disparu. Aucun appel SOS n’a été lancé. L’incident est inexplicable. 

Neuf ans plus tard, les familles des victimes ne savent toujours pas ce qu’il s’est passé. Mon amie Yan était à bord de l’avion. Elle avait 18 ans et était accompagnée de son petit ami, de la mère et de la soeur de celui-ci.
De nombreuses théories ont émergé, d’années en années, des plus plausibles aux plus farfelues. « L’affaire était étrange vue de loin, mais vue de près, elle était kafkaïenne : il n’était pas possible en 2014 qu’un Boeing 777 ait simplement disparu... »*. 
*Florence de Changy

Je souhaite réaliser une enquête photographique sur ce vol, à l’aide de matériel photographique disponible et fictionel que je produirai, d’archives, de documents et d’interviews. Ce projet mêlera différents points de vue des experts et des passionnés de l’affaire, les théories contradictoires du grand public et les preuves disponibles. 
Entre théories du complot et politique, dans un monde dominé par deux pays puissants comme les Etats-Unis et la Chine, ce dossier d’étude et investigation photographique explorera les questions d’un monde où l’économie est plus importante que la justice et les vies humaines.

Margaret Dearing

Distant connections 

Francfort est la seconde place financière de l’Union Européenne : plus de 200 banques ont leurs bureaux dans son quartier d’affaires en centre ville. Francfort est également en première place en U.E. sur le marché des data centers, placés aux lisières de la ville.
Alors que le télétravail reste très fréquent en Allemagne suite à la pandémie de Covid-19, Distant connections s’intéressera aux architectures tertiaires permettant le travail hybride à Francfort avec une approche anticipative. 

Laissant une grande part au hors-champ, des photographies représenteront les bureaux et data-centers comme des décors décontextualisés, pour présenter un univers urbain glacial où l’homme semble de moins en moins présent. Une bande sonore sera créée à partir de son glanés autour des bâtiments. On y entendra le souffle des climatiseurs, les rumeurs de la circulation automobile et du traffic aérien, ainsi que des sons signalant quelques présences humaines isolées. 

L’association des photographies et du son créera une dissonance entre la fermeture et la fixité des architectures montrées dans les images, et les indices sonores de mouvements dans la ville. A partir de l’expérience sensible de lieux choisis à Francfort, Distant connections interrogera en creux les mutations du travail dans le contexte de l’économie mondialisée post-pandémie, et ses impacts sur les environnements construits et les échanges humains. 

Alejandro Erbetta

Chapitre 2 : Le pays de l'oubli 

Mon projet de création photographique actuel est conçu comme une fresque entre l’Europe et l’Amérique du Sud, que je construis sur le long terme et en plusieurs chapitres : Un royaume imaginaire (Chapitre 1), Le pays de l’oubli (Chapitre 2). Le premier se concentre sur l’histoire d’un personnage méconnu de l’histoire officielle, Antoine de Tounens, français autoproclamé Roi d’Araucanie et de Patagonie à la fin du XIXe siècle, dans le contexte global du colonialisme européen. 
Dans ce Chapitre 2, je me focalise sur les événements tragiques survenus dans le Cône Sud, à la suite de la " Conquête du désert " menée en 1879 par l'Etat argentin et qui a provoqué l’extermination presque définitive des peuples originaires. 

L'aventure du Royaume d’Araucanie représente pour moi un point de départ pour articuler un passé refoulé dans le présent, afin de réfléchir à la condition actuelle des peuples du Cône sud et de porter un regard rétrospectif et révisionniste de l'histoire depuis notre présent. Que reste-t-il de ces cultures ancestrales ? Comment sont-elles intégrées dans les sociétés contemporaines argentine et chilienne ? 
Poursuivant le parcours d'A. de Tounens, il s'agira pour moi dans cette deuxième partie intitulée " Le pays de l'oubli ", d'effectuer des déplacements en France, au Chili et en Argentine, afin d'observer ces territoires isolés de la Patagonie et d'entrer en contact avec celles et ceux qui vivent aujourd'hui dans ces villages et communautés isolés. 

Camille Fallet

Make American Photographs Great Again

Je souhaite réaliser un « remake » du livre American Photographs de Walker Evans. Cet ouvrage contient 87 photographies montées au fil des pages par association et répétition. J'ai pu identifier 45 lieux parmi les 57 images possiblement reconductibles. Ces 57 points de vue sont répartis sur 35 lieux. Je souhaite rentrer en contact avec Lisa Sutcliffe Conservatrice du département photographies du Metropolitan Museum of Art pour pouvoir accéder 3 ou 4 jours au fonds de Walker Evans. Il s’agira de trouver les points de vue manquants, retrouver les itinéraires d’Evans grâce à ses correspondances et ses planches contacts. L’enquête de terrain et l’enquête à l’intérieur des images permettront de réaliser de nouvelles photographies. À partir de New York, je me rendrai dans le Maine, le Massachusetts, le Connecticut, l’état de New York, le New Jersey, la Pennsylvanie, la Virginie-Occidentale et la Virginie, puis je couvrirai le Tennessee, le Mississippi, la Caroline du Sud, la Géorgie, l’Alabama, avec pour finir un séjour en Louisiane. Les 30 photographies non reconductibles seront réalisées durant ces parcours. 

Anne-Marie Filaire

Voyage sur le bassin versant de la Loire 

Ce projet vise à photographier la Loire, dernier grand fleuve sauvage d’Europe, dans une itinérance à hauteur d’homme, depuis sa source jusqu’à son estuaire. 1000 kms . 
Il prendra la forme d’un voyage, orienté par le flux et le lit du fleuve, et d’une observation attentive de son territoire dans sa permanence et sa résilience face au changement climatique. 

Bérangère Fromont

République

Depuis une quinzaine d'années, références intimes, collectives et littéraires, documentaire et mise en scène, se mêlent et s'articulent autour de la notion centrale de mon travail : la notion de résistance. Résistances individuelles ou collectives, luttes politiques, quêtes de visibilité, mais aussi action de résister comme force de vie. En 2016 je me suis intéressée aux révoltes athéniennes où je regarde la place de l'humain dans le chaos de l'histoire. Cette année j'envisage la réalisation d'une série en miroir. Paris aujourd'hui ressemble beaucoup à Athènes hier. Il me paraît temps désormais de diriger mes réflexions au cœur de la ville dans laquelle je vis depuis plus de vingt ans. Plus précisément vers cette emblématique place de la République que je traverse quotidiennement, si historiquement et physiquement liée à l'idée de résistance. Cette place représente l'héritage du siècle des Lumières, la démocratie, la liberté. Pour beaucoup elle symbolise les valeurs humanistes que la France voudrait universelles. A travers elle je m'attacherai à dresser le portrait fragmenté d'une ville, secouée entre des mouvements de révolte, tels ceux que nous vivons aujourd'hui, et des moments de paix où le conflit semble toujours apparaître comme une possibilité. Mais la tranquillité aussi. J'essaierai de retranscrire ces deux forces en équilibre permanent tout en faisant le récit d’un lieu comme témoin d’une histoire collective. 

Gabriel Gauffre

Mémoires d’Exil 

Ce projet a pour ambition de documenter l’héritage des pieds-noirs italiens d’Algérie, et de sauver leur mémoire de l'oubli.

La famille Scotto di Vettimo, vivant de la pêche, part de la baie de Naples à la fin du XIXe siècle, s’installe à Stora, en Algérie, alors française. Une génération plus tard, en 1962, Robert, mon grand-père, doit prendre une décision à la hâte. On le prévient que de nouveaux moudjahidines, venus de loin, n’apprécieraient pas la présence de colons dans leurs territoires nouvellement libérés. Les Scotto di Vettimo partent en bateau pour Marseille. Ma mère a tout juste 9 ans, et ne sait pas qu’elle ne reviendra jamais.
Ce fut le destin de près de 50 000 Italiens d’Algérie, d’abord partis de leur terre natale, à la recherche d’une vie meilleure, puis se construisant une identité sur cette terre colonisée.

Ceci sera fait au travers d’une documentation de ce triangle méditerranéen rassemblant trois territoires, qui on créé mon identité, forgée dans le déracinement: L’Italie, l’Algérie, et la France.
Afin de reconstruire ce parcours, je ferais dialoguer les archives de ma famille, avec ma propre production. Cette dernière sera une série portraits, paysages et natures mortes. Des entretiens, avec les Algériens ayant connu ces pieds noirs. J’irais également en Italie, dans la baie de Naples, où les descendants de ceux qui sont restés derrière vivent encore, et dans le sud de la France, où sont concentrés une majorité des pieds noirs italiens exilés. 

Karla Hiraldo Voleau

Doble moral

En République dominicaine, l’avortement est illégal en toutes circonstances, même lorsque la vie de la mère est en danger. Les femmes comme les soignants sont punis de peines de prison pouvant aller jusqu’à 2 ans pour les femmes qui provoquent des avortements, et jusqu’à 20 ans pour les professionnels de santé qui les pratiquent.

Dans un climat actuel où des lois comme ‘Roe v. Wade’ passent aux USA, en Rép. Dom l’actualisation du Code Pénal créé de nouveau un débat: les ‘Tres Causales’ n’y figurent toujours pas. Il s’agit des 3 circonstances basiques sous lesquelles les femmes pourraient avorter : inceste/viol, vie de la mère en danger, foetus non viable.
C’est un débat extrêmement polarisé, sous couvert de christianisme misogyne et de patriarcat tout puissant.

Après avoir échangé avec des activistes dominicaines, je me suis vite rendu compte qu’en fait, en RD, l’avortement est une pratique très courante – que ce soit par les femmes ou dans les hôpitaux. Et cette pratique courante fait que le dilemme éthique de savoir comment, quand, et jusqu’où et dans quelles circonstances l’avortement est autorisé dans le pays, doit être résolu. 
Ce qui devrait arriver, c’est que la loi reflète l’accord social auquel ils sont parvenus. Avec ce projet Doble Moral, je souhaite remettre cet accord social au centre : Je souhaite présenter des histoires d’avortements, racontées par des femmes dominicaines, mais aussi représenter ces femmes à travers des portraits empouvoirants. 

William Keo

Syrie : la guerre de l’eau 

La Syrie est devenue un champ de bataille réunissant des pays comme l'Iran, la Russie, la Turquie, mais aussi des milices chiites, arabes et kurdes. Plus récemment, le niveau de l'Euphrate, qui court sur 2800 km et coupe le pays en deux, baisse de manière significative. Il prend sa source en Turquie, qui en contrôle le débit. Un ancien accord datant de 1987 prévoyait que la Turquie devait fournir 500 m3/s d'eau à la Syrie — ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Les conséquences environnementales sont déjà visibles, transformant le paysage agricole en désert, et l'impact social pourrait se transformer en catastrophe humanitaire dans une région où 60 % de la population dépend de l'agriculture, dans un pays où le prix des denrées alimentaires a triplé en raison de la loi César, un embargo américain.

Je me rends dans la région depuis des années en développant un réseau de confiance pour travailler dans le pays avec des traducteurs, producteurs et chauffeurs.
Je voyagerai de la frontière turque jusqu’à la frontière Irakienne, de Jarablus à Abu Kamal, suivant l’Euphrate et documentant l’impact environnemental et social de la baisse du niveau de l’Euphrate avec un mélange de paysages, de reportage et de portraits. Le long du parcours, des enfants travaillent dans des raffineries, l’agriculture est impactée par la sécheresse et les villes telles que Raqqa et Deir-Ez-Zor se reconstruisent après la guerre contre Daech pendant que des opérations antiterroristes sont toujours menées. 

Marine Lanier

L'Habit de Naufrage, chapitre II, Les Iles Robinson 

Le chapitre II de cette fresque se situerait sur l’archipel Juan Fernandez à 674 km des côtes chiliennes, au large de Valparaiso, composé de trois îles déclarées réserve mondiale de la biosphère par l´Unesco. D’origine volcanique, l´île Robinson Crusoé,  a été découverte par hasard en 1575 par le navigateur portugais Juan Fernandez. L’histoire du marin écossais Alexander Selkirk, abandonné seul 4 ans et 4 mois sur cette île déserte, a été largement médiatisée dès son retour en 1711 en Angleterre, et aurait inspiré le célèbre roman Robinson Crusoé de Daniel Defoe, paru en 1719.

Cet archipel est donc fascinant pour plusieurs raisons, parce qu’il relie les légendes, la littérature, et l’histoire maritime et botanique. En effet, depuis des années, Philippe Danton et Christophe Perrier, botanistes du muséum national d'histoire naturelle de Paris, effectuent des expéditions dans les îles de Robinson Crusoé pour y dresser l'inventaire des plantes et mieux comprendre leur écologie et tenter de les protéger contre les plantes invasives qui ont colonisé l’île au moment de sa découverte. Je réaliserai des images de la flore, des portraits des scientifiques et des habitants de l’île qui se mêleront à des images d’archives, des cartes maritimes, des fragments d’herbiers, et des extraits d’un journal de bord. Passé, présent, futur s’entrelaceront dans une forme de voyage intemporel. Leur interaction permettra de nouvelles et multiples lectures de l’histoire intime et collective. 

Jean Larive

La Réunion à l’heure du changement climatique : portrait d’une île par ses eaux 

A l’heure d’un bouleversement climatique global et mondial, où l’eau est partout fortement impactée dans ses cycles, sur tous les continents et dans tous les océans, prendre pleinement la mesure de l’impact de ce changement ne peut se faire que localement, en portant un regard sur les hommes, les rivières, les vallées, ce qui change, ce qui se crée, ce qui meurt ou demeure. 

A La Réunion, dans une période de déséquilibres et de renforcement des aléas climatiques, l’eau apparait comme un enjeu, sinon un risque environnemental et social majeur, tout à la fois trait d’union et catalyseur de singularités socioculturelles. Car ici, dans un contexte postcolonial, « la relation avec l’eau sert à se positionner dans cette société complexe. (...) Les représentations, discours et pratiques locales autour de l’élément aquatique apparaissent comme un révélateur de la pluralité réunionnaise » (Marie Sherrer, « Pratiques récréatives aquatiques à La Réunion »
2013). 

Ce travail documentaire et sensible entend ainsi dresser un portrait de la société réunionnaise et de son environnement à travers une multiplicité de sens et de pratiques (agricoles, pastorales, environnementales, religieuses, de loisir, de pêche…) liés à l’élément aquatique et aux phénomènes qui en sont les vecteurs naturels (rivières, océan, pluies, nébulosité, cyclones). 

 

 

Marie Maurel de Maillé

Bâtir un Monde 

"Bâtir un Monde" constitue le deuxième volet d’un projet commencé en 2022 lors d’une résidence au Carré Amelot de La Rochelle, intitulé "Faire voile".
Entre 1663 et 1683, près de 800 jeunes filles firent voile depuis les ports de La Rochelle, Dieppe, Le Havre, jusqu’en Nouvelle-France. « Les filles du roy » dotées par Louis XIV, avaient pour mission de peupler cette colonie française d’Amérique du Nord.
D’origine modeste, veuves ou orphelines, elles font partie de ces plis de l’histoire recouverts par les grands noms, en grande majorité masculins, et pourtant grâce à elles la population triplera en dix ans.
"Faire Voile", évoque l’exploitation de leur corps, de leur condition, mais également la portée onirique de ces destins traversant l’océan pour l’inconnu tout en faisant écho aux flux migratoires actuels où les femmes tiennent une place essentielle.
"Bâtir un Monde" retrace l’arrivée de ces jeunes filles au Québec. Là-bas, on les appelle les « Mères de la Nation », car presque chaque québécois compte au moins l’une d’entre elles dans sa généalogie.
Il s’agira de construire un corpus d’images composé de paysages, des milieux naturels dans lesquels ces jeunes filles vont débarquer puis bâtir un monde, ainsi que de prélèvements dans des lieux patrimoniaux ou de mémoire.
En arpentant ces territoires presque 4 siècles plus tard, je souhaite également réaliser des portraits de leurs «descendantes». 

Nina Medioni

Hatikvah 

Je souhaite mener un travail de portraits et mettre en lumière le quotidien méconnu d’une société faisant face à Tel Aviv, en pleine expansion urbaine et économique. Hatikvah est un quartier par défaut, construit autour d’une énorme gare de bus obsolète, dont la destruction - repoussée chaque année - signera peut-être la fin de cet endroit. On a placé là pelle-mêle une partie de la communauté éthiopienne, érythréenne, des philippins, quelques russes, des indiens. Il y a aussi une petite communauté juive orthodoxe et des gens qui n’ont pas de revenus, pas de papiers, pas de droit de posséder un business ou de vraiment s’installer. Beaucoup de commerces sont alors clandestins, aux maisons et aux immeubles de deux-trois étages se mé-langent des abris de fortunes. Le provisoire devient permanent et un quotidien se passe, que je ne comprends pas totalement, que j’ai envie d’observer davantage, comme si c’était aussi mon quartier. 

Sandra Mehl

Bottom of the boot (titre provisoire) 

Le projet "Bottom of the boot" (talon de la botte) propose de documenter le quotidien des communautés côtières du Sud-Est de la Louisiane, dans le Delta du Mississippi, menacées par la constante érosion du littoral, et des cataclysmes écologiques répétés (ouragans, marées noires).  Chaque heure, c'est l'équivalent d'un terrain de foot qui disparait dans cette région, où la disparition des terres est l'une des plus rapides au monde. 
Je me rendrai dans trois Paroisses ("Parish", l'équivalent d'un comté), celles de Terrebonne, de Lafourche, et de Plaquemine - toutes situées face au Golfe du Mexique, à l'extrême Sud-Est de la Louisiane, dans la région des bayous - soit un territoire de 16 000 km2 pour 250 000 habitants. 
Je documenterai l'impact du dérèglement climatique et de l'exploitation pétrolière sur le paysage, les infrastructures collectives, l'habitat et les trajectoires résidentielles des populations, l'économie, et enfin la fragmentation culturelle de ces communautés de vie. 

André Mérian

"PAUSE" titre provisoire 

Documenter le paradoxe entre les mises en scène de l'humain et les paysages du dérisoire, en Bretagne et dans la région PACA. 

Marie Quéau

FURY (Titre provisoire) 

Le projet FURY souhaite documenter les forces qui traversent le corps, et explorer la notion de limites. Le comportement de groupe, mais aussi l'expression de la colère et ses directions. La mise en scène de l'expiation par la douleur, et l'excès. La tension individuelle pour faire groupe donc corps. Lors de mes cessions d'observation et de recherches visuelles à l'école de formation cascadeur, j'ai pu définir plusieurs axes que je souhaite explorer dans ce projet : le rapport aux pulsions, à l’instinct et à la catharsis, penser cette formation comme une succession de rite de passage moderne. Actes et gestes qui matérialisent le changement de statut dans un groupe définit, mais lequel ? Je souhaite également me rendre à Piornal en Espagne pour suivre la fête des Jarramplas, fête populaire qui représente le châtiment d’un voleur de bétail expulsé du village, et qui  incarne aussi tout le mal et les aspects détestables du passé et du présent. FURY est l'espace de convergence entre l'enseignement de l'extrême (cascadeur) et l'expression du châtiment (Jarramplas). Ce projet documente également la notion d'incarnation. 

Bertrand Stofleth

Méditerranéen (titre provisoire) 

Ce projet interroge les paysages français sous influences méditerranéennes, dans leurs enjeux climatiques, environnementaux, politiques et sociaux actuels. Il questionne l’habitabilité de ces paysages tant en front de mer qu’à l’intérieur des terres. Il explore l’occupation et l’exploitation des sols, la perméabilité des frontières naturelles et politiques, les différents flux migratoires qui les traversent, la désertification comme la salinisation croissante des sols, l’exposition aux risques (incendie, sécheresse …), mais aussi l’évolution et la place de la faune et de la flore, quel que soit le caractère sauvage ou artificiel, naturel ou culturel de ces derniers. Il s’agit en effet d’observer les résistances et les résiliences tant des espèces endémiques que celles nouvellement introduites et la capacité d’adaptation ou de réinvention de ces espaces. Cette approche sur la zone géographique française soumise au climat méditerranéen permet de mettre en relation des enjeux, des formes et des histoires et de nourrir des dialogues ou des confrontations. J’interrogerai en amont des spécialistes de diverses disciplines interagissant avec les paysages tout comme les « habitants » des territoires concernés. Cette phase d’enquête et de collecte d’histoires préalable, diffuse dans les images, agit comme une ossature au projet venant alimenter les nouveaux récits collectés lors de l’arpentage de ces paysages contemporains. 

Adrienne Surprenant

La menace des vagues 

Le continent africain pourrait voir 86 millions de personnes forcées de migrer à cause des changements climatiques causés par l’activité humaine, selon la Banque Mondiale. Alors que sa population et les entreprises qui s’y trouvent ne produisent que 2 à 3% des émissions de gaz à effets de serre mondiales, les pays du continent subissent de plein fouet les impacts des dérèglements planétaires. 

En Afrique de l’Ouest en 2017, la dégradation des côtes a coûté 3,8 milliards de dollars (5,3% du PIB) et les impacts du changement climatique sur la région ont causé la mort de plus de 13 000 personnes. Au Bénin, petit pays du Golfe de Guinée qui perd chaque année 4 mètres de terrain sur plus de 60% de sa ligne côtière, je documenterai les impacts sociaux, économiques et environnementaux de la montée des eaux. 

Ce projet fait partie d’une série au long cours sur le changement climatique sur le continent Africain. L’évocation poétique permise par la photographie y est source d’empathie, nécessaire afin de faire face à la plus grande problématique mondiale actuelle. 

 

Elliott Verdier

Tomorrow's gone 

Le détroit de Béring a été un passage primordial pour l’Homme dans la grande histoire des migrations de l’Ancien et du Nouveau monde. Cette région est devenue au fil des siècles et des millénaires une porte incontestable de l’humanité. Un isthme comme un creuset de rêves glacés, sauvages, mythologiques, et de convoitises brûlantes, dont l’apparent silence éclipse le grondement bien réel de ses enjeux.
L’ancienne Amérique Russe, cédée aux États-Unis au milieu du XIXème siècle, porte effectivement certaines des crispations majeures de notre époque : relents de guerre froide, post colonisation et environnement. À la frontière de la ligne de changement de date, Little Diomede, rocher américain habité par une centaine d'âmes et cerné par les eaux froides au centre de ce pont de l’Évolution, en cristallise tous les symptômes. 

Céline Villegas

Rapa Nui, Ile de Pâques : essai photographique sur les défis écologiques et patrimoniaux de l'île de Pâques 

Je propose la réalisation d’un travail photographique sur les espoirs de changement de modèle socio-environnemental de l'Île de Pâques induits par la fin de l’ère Covid.  Pendant la pandémie, les indigènes de l'île chilienne Rapa Nui ont en effet décidé de retrouver un mode de vie ancestral, de protéger leur île et résister à la tentation d'un retour au monde d’avant marqué par un tourisme de masse, facteur de destruction du patrimoine et de l'environnement.  Mais qu’en est-il aujourd’hui alors que le Chili connaît une transition politique importante et plus soucieuse des enjeux environnementaux ? Deux années après la fin de l’ère covid, je propose une enquête photographique sur ce retour à des pratiques  respectueuses de l’environnement, porté par les habitants d’une île au passé mystérieux. En tant que franco-chilienne, j'ai choisi ce territoire dans un processus global de quête de mes origines. 

Mélanie Wenger

Nulle part où aller 

Une personne sur dix en âge de procréer aux États-Unis vit au Texas, mais l'État est mal préparé à une augmentation des naissances après la restriction de l'accès à l'avortement et la fermeture d'hôpitaux. Le manque de soins obstétriques est particulièrement criant dans les zones rurales où la plupart des hôpitaux n'ont pas d'unité de maternité. Les sages-femmes connaissent une résurgence aux États-Unis, mais elles ne sont pas encore reconnues comme un soignant de première ligne. « Nullepart où aller » est un travail documentaire au long cours, portait d’une sage-femme texane, Silvia Esparza, qui parcourt le Panhandle à l’Ouest du Texas et fournit des soins de maternité dans un des déserts médicaux les plus importants de Etats-Unis. A l’heure de l’annulation de Roe vs Wade, le travail interroge l’intime, plonge dans un microcosme d'une société américaine en déliquescence. En questionnant la place de la maternité dans la société texane, il explore la manière dont elle assure sa propre survie et par-là même sa continuité. 

Dernière mise à jour le 6 décembre 2023