Modèlisme

Exposition
Arts plastiques
Les coopérateurs Limoges

Kristina Depaulis, Mets-ta mémoire / maquette, 2003 (extrait d’un ensemble de 5 maquettes) Tissu, plastique, mannequin en bois, 30 x 20 cm Collection FRAC Limousin / ©A. Gatet

L’exposition “modélisme” présente un ensemble d’oeuvres-maquettes (complétées de collages et de dessins) issu pour la plupart de la collection du FRAC Limousin. Notre intention est d’éclairer, en réduction, l’évolution de la sculpture des trente dernières années à travers la présentation d’œuvres importantes de plusieurs générations d’artistes. Le point d’origine de ce projet est l’évolution de la carrière de l’artiste californien Chris Burden (né en 1946), internationalement reconnu pour son œuvre de performance radicale des années 1970 (1) qui abordera le territoire de la sculpture et de l’installation au début des années 80 en utilisant à la fois ses compétences de physicien et d’ingénieur et sa vaste collection personnelle de figurines et de modèles réduits. Ses œuvres peuvent sembler gigantesques bien que constituées de modèles réduits. Le critique Donald Kuspit commente ainsi son œuvre : “Le vaste monde est un jeu d’enfant, suggère Burden, et faire de l’art, c’est jouer le jeu avec un esprit de vengeance. Œuvre après œuvre, on voit Burden jouer des jeux avec des jouets primitifs, quelquefois avec des avions… quelquefois avec des sous-marins…quelquefois avec des villes entières... Les jouets de Burden donnent au primitivisme moderne, qui a été associé avec le jouet et avec l’éveil de l’enfant depuis son commencement, un nouvel accent socialement critique. Et une nouvelle proposition et signification émotionnelle : réduite à un jouet, à un objet pour jouer, et ainsi personnalisée, la machine – montrée comme la verrait un enfant innocent, un enfant intimidé par sa grandeur mais ne comprenant pas complètement son usage réel et sa destination sociale – devient un témoignage de survie plutôt qu’un instrument de destruction… Burden déconstruit la machine en jouet – la déshabille de son caractère instrumental, social et adulte – pour rendre sa signification émotionnelle la plus claire possible… La réduction de la machine à un jouet par Burden – sa caractérisation régressive, telle qu’elle était – insinue qu’elle n’est pas invariablement le signe du progrès social tel qu’on le pense ».(2) S’intéressant à l’espace public, il spécule grâce à la maquette sur des projets d’envergure : reconstituer l’ensemble de l’arsenal sous-marin américain à une date donnée, par exemple (3). Nous présentons une édition de Burden « Mini Scraper on Little Mesa », d’après un dessin de 1991, un projet de sculpture en forme de gratte-ciel qui peut être édifiée sans permis de construire (4). « Megalopolis » de Peter Hutchinson (né en 1932) repose sur une patiente collecte pendant vingt ans d’éléments variés, photos, minéraux, tubes à essais et autres fioles, qui sont disposés dans une vitrine. Il s’agit pour l’artiste-jardinier, d’imaginer une ville future où les énergies végétales et solaires seraient utilisées au mieux. James Turrell (né en 1943) a longuement travaillé sur un projet de réaménagement d’un ancien volcan en observatoire. L’idée générale de « Roden Crater Project » est ici montrée vue d’avion. Joan Rabascall (né en 1935) s’est beaucoup intéressé au développement et à l’influence des mass média. Son projet de « monument à la télévision » s’inscrit dans une démarche à la fois critique et utopique. Thomas Bayrle (né en 1937) est un artiste de l’image qu’il répète en quantité pour en faire émerger une nouvelle. Sa structure est un enchevêtrement de bandes de carton qui semble contenir un mouvement permanent (perpetuum mobile) et qui est une matrice pour d’autres développements d’images entremêlées. Georg Ettl (né en 1940) veut améliorer le monde visible et regrette le lien perdu entre artiste et architecte qui date, selon lui, du XVlllème siècle. Ses sculptures tentent de rétablir ce dialogue. « Flamingos » est une sculpture comme extraite d’un théâtre en plein air réalisé sur un campus universitaire. La chasse de Mgr L’évêque actualise grâce à la découpe informatisée une scène médiévale particulièrement cruelle. Au milieu des années 1980, une nouvelle génération d’artistes européens apparaît sur la scène internationale qui propose de relier espace privé et espace public par des recherches sur l’architecture et la question du monument.(5) Cette génération est évoquée dans l’exposition par la présence d’œuvres de Thomas Schütte (né en 1954), des espagnols Juan Muñoz (né en 1953, mort en 2001) et Jordi Colomer, certes plus jeune (il est né en 1962), mais très influencé par cette génération. Ces trois artistes partagent un même intérêt pour la mise en scène de l’espace intime et personnel. Jean-Pierre Uhlen (né en 1959) a aussi beaucoup utilisé la maquette pour visualiser des projets de sculptures. Le cas de Didier Marcel (né en 1962) est à part. Il s’est fait connaître en systématisant un travail de sculptures composées essentiellement de maquettes scénographiées parfois motorisées. Partant de l’observation de son environnement, il reconstitue des fragments de paysages qu’il redonne à voir selon des angles inédits. Stephen Marsden (né en 1962) collectionne les figurines et autres statuettes pour s’en faire un répertoire de formes (ou une bibliothèque d’outils) dont il extraira des sculptures en les agrandissant méticuleusement. La démarche de Miguel Palma (né en 1964) est celle d’un bricoleur extrêmement ingénieux qui fabrique des maquettes en vue de projets à grande échelle. « Follow me » est une maquette de sculpture pour aéroport et « Platform », une représentation figurée de l’insatiable exploitation de la planète. Héritiers des générations précédentes, les artistes nés à la fin des années 1960 et au début des années 70 sont tout à fait à l’aise avec les logiciels informatiques mais ont cependant toujours recours à la miniaturisation. Nombreux sont les artistes reconnus sur la scène internationale qui, depuis les années 1990, font appel aux modèles réduits (les frères Dinos et Jake Chapman revisitent les Misères de la Guerre de Francisco Goya) et assez souvent à la marionnette (Maurizio Cattelan, Pierre Huyghe, Rirkrit Tiravanija, Philippe Parreno,…). Tatiana Trouvé (née en 1968) a acquis une reconnaissance internationale (6) pour son travail de sculpture basé sur la réduction d’espaces administratifs. Le changement d’échelle est ici propice à faire de la sculpture un espace mental en trois dimensions. Mathias Le Royer (né en 1968) a régulièrement recours au modèle réduit dans sa recherche de sculpteur. Avec le dessin, ce passage par une échelle réduite lui permet une vision du détail. Andrew Lewis (né en 1968) fait aussi souvent appel à la maquette (et aussi au dessin et au collage), à une échelle plus ou moins grande, pour rendre concrets ses souvenirs personnels. Delphine Coindet (née en 1969) travaille tous ses projets de sculptures sur écran et essaie ensuite de restituer les qualités de lumière et de couleur en choisissant des matériaux adaptés (placages de bois, plexiglass, métaux, skaï, etc.) Norton Maza (né en 1971) développe un travail de reconstitution d’images (que ce soit de tableaux célèbres ou de revues d’aménagement intérieur) à partir de matériaux de rebuts et de figurines qu’il donne à voir la plupart du temps uniquement en photographie. Jean-Marc Berguel (né en 1971) a fait des études d’architecture. Très à l’aise avec les logiciels informatiques, il a cependant souvent recours au modèle en trois dimensions pour concrétiser ses recherches sur l’espace domestique et vital. Pour Kristina Depaulis (née en 1972), la maquette est une étape préparatoire à des œuvres à l’échelle du corps humain et de l’architecture. Ses sculptures, une fois réalisées, peuvent être habitées par le corps du spectateur. Sylvain Bourget (né en 1980) est le benjamin de cette exposition. S’appuyant sur des recherches par internet, il a recensé des objets-records ayant été réalisés pour des fêtes ou, plus prosaïquement, par esprit de compétition. En montrant les vrais objets à leur échelle commune, il restitue ces records en travaillant l’échelle des figurines qui les contemplent. La question de l’échelle en matière de sculpture est une donnée fondamentale. Si la maquette a souvent été utilisée par les sculpteurs comme idée plus ou moins concrète d’un projet, il semble qu’aujourd’hui, elle ne remplisse plus tout à fait la même fonction. L’utilisation de la maquette chez Didier Marcel et Tatiana Trouvé par exemple favorise surtout des points de vue inhabituels, en contre-plongée presque « métaphysique » pour l’un, comme une extension mentale pour l’autre. Il serait tentant d’y entrevoir les effets de la modélisation et des espaces virtuels. Le modélisme n’est pas un nouvel isme de l’art, mais une tendance actuelle importante à laquelle cette exposition souhaite apporter un éclairage et des perspectives. Y. Miloux, octobre 2009 (1) Parmi les œuvres historiques de sa collection, le FRAC Limousin possède un classeur qui documente toutes les performances réalisées par Burden entre 1971 et 1973. (2) Donald Kuspit : « L’homme pour et contre la machine », In Chris Burden : « Beyond the limits » MAK Vienne 1996, p. 59. (3) Parmi ses œuvres importantes, on peut citer « The Citadel » 1978, où 500 vaisseaux spatiaux miniatures extrêmement détaillés sont suspendus dans une pièce très noire et environnés d’une bande sonore, « Scale Model of the Solar System » 1982, un système solaire où toutes les planètes et leur distances sont à l’échelle, « Tower of Power » 1985, une pyramide constituée de 100 lingots d’or, « All the Submarines of the United States of America » 1987, à savoir 625 sous-marins en carton suspendus depuis le plafond, « Pizza City » 1991-1996, une vaste maquette de près de 8m x 4m qui reconstitue au 1/220ème une ville idéale où pourraient vivre 100 à 200.000 personnes. (4) Small skyscraper, dessin 1991. « Le code de construction du Comté de Los Angeles permet l’édification de petites constructions comme des granges, des garages, des abris de jardin, etc. dans la limite de 400 pieds carrés et de 35 pieds de haut, sans permis de construire. La proposition de mon « petit gratte-ciel » remplit cette définition, car chaque étage mesure 100 pieds carrés et sa hauteur maximum est de 35 pieds. L’application littérale des règles de construction permet théoriquement de construire de telles structures dans le Comté de Los Angeles. » (cat MAK Vienne, p. 110). (5) Ses plus illustres protagonistes se nomment Thomas Schütte, Ludger Gerdes, Thomas Huber, Wolfgang Luy, Reinhard Mucha, Harald Klingelhöller. Ils seront mis en lumière (avec l’artiste américain Scott Burton) lors de l’exposition « Konstruirte Orte » (lieux construits) à la Kunsthalle de Berne en 1983. (6) Elle a reçu le prix Marcel Duchamp en 2008.

Complément d'information

> Lectures de l’exposition : de 18h30 à 19h30 - entrée libre
le jeudi 10 décembre par Yannick Miloux, directeur du FRAC Limousin
le jeudi 14 janvier 2010 par Kristina Depaulis et Mathias Le Royer, artistes
le jeudi 18 février 2010 par Stephen Marsden, artiste

Autres artistes présentés

Thomas Bayrle / Jean-Marc Berguel / Sylvain Bourget / Chris Burden / Laurent Chambert / Delphine Coindet / Jordi Colomer / Kristina Depaulis / Georg Ettl / Peter Hutchinson / Mathias Le Royer / Andrew Lewis / Didier Marcel / Stephen Marsden / Norton Maza / Juan Muñoz / Miguel Palma / Joan Rabascall / Thomas Schütte / Tatiana Trouvé / James Turrell / Jean-Pierre Uhlen

Horaires

de mardi à samedi 14h - 18h, les jeudis 24 et 31 décembre de 14h à 17h. Fermé : dimanche, lundi & jours fériés, ainsi que le 26 décembre 2009 et le 2 janvier 2010. Visites commentées sur rendez-vous

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Les coopérateurs Impasse des Charentes 87100 Limoges France

Comment s'y rendre


 

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022