Off Water II

La démesure de l’espace-temps dans lequel nous évoluons nous demande l’ajustement permanent des distances avec ce qui nous entoure. Cela afin de mesurer l’envergure de nos impacts, le potentiel d’actions, leurs défaites éventuelles et l’ampleur des dynamiques qui façonnent « l’habitable ».  L’eau comme composante majeure de notre système terrestre, depuis ses surfaces océaniques jusqu’à la faune et la flore, structure nos relations. 

Off Water implique des changements d’état selon des processus métaboliques. Ces métamorphoses enclenchent des hybridations et amorcent des bouleversements. Les artistes de l’exposition déploient des territoires qui abritent la rencontre de formes et d’affects. Sortir de l’eau implique un mouvement. Métaphoriquement « être hors de l’eau » invite à prendre un temps d’arrêt. L’exposition est composée comme un parcours dans lequel les œuvres dessinent la cartographie d’un autre espace-temps possible. Cela afin de faire face à ce qui est plus grand que nous, tout en permettant des proximités et un renversement d’échelle.

Les œuvres qui se déploient dans Off Water offrent des réminiscences formelles et construisent un langage. Les surfaces céramiques de Ranti Bam alternent entre pleins et vides et suggèrent le mouvement des mailles sur l’argile, invitant au corps à corps haptique. Elles entrent en conversation avec les impressions sur tissus d’Alizée Gazeau à la surface desquelles, les plis et les ondulations des mailles de filets de pêche se confondent. Pour ce deuxième chapitre de l’exposition Off Water, Mirsini Artakianou présente une nouvelle sculpture suspendue où les fils se fondent en une ornementation sculpturale. 

Jusqu’à quand pourrons nous rester hors de l’eau ? La montée des eaux implique des bouleversements majeurs. Certaines œuvres accélèrent des processus naturels, d’autres activent des moments de contrôle absolu et de basculement possible vers une capitulation. Isabel Fredeus propose l’observation de coquillages qui se dissolvent dans de l’acide durant plusieurs semaines. L’installation lumineuse de Mariona Berenguer frôle le sol de l’espace en dialoguant avec l’ombre portée d’une plante desséchée par une chaleur aride et privée d’eau. 

Off Water présage un retour subaquatique. Les artistes de l’exposition invitent au mouvement et à la fluidité. 

Bianca Lee Vasquez présente une installation de réceptacles en verre. Le protocole d’extraction draine le flux de l’eau vers deux centres ombilicaux. L’activation du dispositif agit comme le rappel d’une mémoire aquatique prénatale. 

Les œuvres d’Hannah Bohnen initient une vibration musicale en gravant dans la surface le mouvement circulaire d’une vrille. La bouée océanique en aluminium d’Eva Gentner bouleverse les rapports d’échelle, encadrant les mouvements de la performeuse Miriam Rose Gronwald, elle-même porteuse d’un futur ambigüe archivé en broderie. 

Au sol, deux œuvres de Marina Stanimirovic extraient une vibration archaïque et la traduisent en surfaces. Telles des mues, les sculptures et les couleurs évoquent les peaux de fossiles d’anthropodes marins.

Off Water explore l’éruption progressive des corps hors de l’eau. Sur terre les réminiscences aquatiques sont nombreuses. Les petites sculptures en verre de Ghislaine Portalis et le dispositif fragmenté de Laura Sebastianes suggèrent un ajustement ultime aux espaces à la fois immenses et intimes, nous permettant de mesurer et d'évaluer notre langage et nos gestes.

Texte par Alizée Gazeau