Torpeur
De l’engourdissement qu’elle suggère, aux termes plus oppressants auxquels elle renvoie quand on la décompose, Torpeur évoque un état qui se dégrade entre douce quiétude et sombre tourment. Diminués, le corps et l’esprit repliés se complaisent dans cette humeur où l’on s’oublie, où l’on se réfléchit et dont il est malaisé de s’extirper.
Sur la toile, les méandres de l’âme se retranscrivent dans les variations du pli. Ce motif aux formes non-définies, constitutif de toutes choses se décline par la figuration d’objets exécutés, faits drapés, fibreux, nébuleux, froissés, ondulés, obscurité. Tous les modèles empruntés au réel, auxquels il me faut me confronter pour les faire passer dans l’espace pictural, apparaissent sur la toile dans leur frontalité au sein d’un environnement anonyme et intemporel. C’est par de subtiles variations de gris colorés, une palette réduite à trois pigments — terre d’ombre naturelle / bleu de cobalt / ocre jaune — et du blanc, que ces figures isolées s’expriment dans le fade.
Révélé par le clair-obscur ou par le contraste entre lavis transparent et pâtés nets écrasants, le sujet exhibe son intériorité. Dans une composition déséquilibrée qui met en lumière le déclin et l’affaissement, les objets amorphes s’animent d’une nouvelle vie, celle de l’effacement.
Par son aspect instable, éphémère et délicat, le pli incarne la caducité des choses, le temps qui s’écoule, le corps qui se meurt sans fin. Toutes mes toiles sont des peintures de vanité.