SUH POUNG/Vent de l'Ouest

Soo Kyoung Lee
L'Atelier d'Estienne, centre d'art contemporain du Pays de Lorient Pont-Scorff

Crédit photo Stéphane Cuisset

 

LEE Soo Kyoung

[résidence, Domaine de Kerguéhennec / exposition, Atelier d’Estienne]

 

D’octobre à décembre 2015, le Domaine de Kerguéhennec accueillait Soo Kyoung Lee en résidence. Cette artiste, née à Séoul en 1969, a étudié la littérature française à l'Université en Corée, avant de s’installer en région parisienne où elle vit et travaille depuis plusieurs années. Les liens de LEE Soo Kyoung avec son pays d'origine demeurent très étroits, comme en témoignent ses nombreuses expositions. Sa démarche artistique se nourrit tout autant des cultures asiatiques que d’influences occidentales.

 

Travaillant essentiellement la peinture et le dessin, LEE Soo Kyoung s’est engagée dans la voie de l’abstraction avec des œuvres caractérisées par des couleurs vives et franches et par des jeux d’aplats et d’entrelacs. A propos des formes qui se déploient dans ses toiles, l’artiste parle d’« organismes plastiques », qui « cohabitent et semblent faire bon ménage de leurs différences, se bousculent et parfois s’entrechoquent, mais s’unissent finalement en surface et se figent dans leur présence. » (LEE Soo Kyoung, En premier lieu, 2011). Il y a en effet quelque chose d’immobile, de suspendu dans ces peintures que parcourent pourtant un dense réseau de lignes. Les œuvres de LEE Soo Kyoung définissent un espace frontal, quelque chose de l’ordre de l’écran, renforcé par l’opacité de la peinture acrylique utilisée. Sous le motif qui affleure, le regard devine l’existence d’étapes préalables, de prémisses ayant engendré la forme visible. « En premier lieu, explique l’artiste, je dépose une unique couleur sur toute la surface de la toile. Ce choix initial oriente le tableau à venir vers une certaine humeur et me donne à espérer une nouvelle visibilité. Les gestes qui suivent proviennent d’une longue attente, le temps nécessaire pour reconnaître ce nouveau lieu coloré. »

 

La peinture de LEE Soo Kyoung affirme sa singularité tout en s’inscrivant pleinement dans l’histoire de l’abstraction. La référence  aux artistes coréens, tels LEE Ufan ou YOO Young Kuk, est bien sûr très palpable dans son travail, mais on y perçoit également l’influence du Color Field américain – Franck Stella, Kenneth Noland, Morris Louis notamment –, de Supports-Surfaces, et avant eux, d’Henri Matisse ou de Paul Klee. De cet héritage, on retrouve chez LEE Soo Kyoung la puissance architecturale des aplats colorés et une indéniable expressivité chromatique. Dans ses toiles, l’assemblage des plans génère une tension entre émergence et recouvrement de la forme, selon une logique de rythme et de transformation. Jouant d’un chromatisme intense, ses peintures sollicitent les mécanismes de la perception visuelle, dans l’opposition entre profondeur et surface-écran.

« L’abstraction pour moi est le lieu universel, dénudé d’image, de représentation et sans la moindre interprétation, explique LEE Soo Kyoung. C'est une manifestation de la pensée libérée de tout carcan culturel, social ou identitaire. Mon souci est de montrer l'étonnement du regard qui soulève notre questionnement sur la liberté. Ce regard est le reflet des êtres libres que nous sommes. »

 

Cette liberté du regard et de la pensée étaient particulièrement sensibles dans l’exposition présentée à Eu, en Normandie à l’automne 2014. Dans la chapelle du collège des Jésuites, LEE Soo Kyoung déployait un ensemble de grandes toiles fusionnant parfaitement avec l’architecture. Ces œuvres affirmaient à la fois leur puissance picturale et une évidente capacité d’absorption du regard, rappelant s’il en était besoin que les couleurs les plus vives peuvent elles aussi inviter à une forme de méditation.

 

Si ces œuvres au chromatisme affirmé et aux lignes franches peuvent, de prime abord, paraître très éloignées de la peinture de Tal Coat, une parenté d’approche existe pourtant bel et bien entre ces deux démarches, notamment dans le travail par recouvrement et strates picturales. Et c’est précisément dans cette résonance avec l’œuvre de Tal Coat que LEE Soo Kyoung se propose d’aborder sa résidence de recherche et de création à Kerguéhennec, qui donnera lieu à une exposition du 16 janvier au 6 mars 2016 à Pont-Scorff, à l’Atelier d’Estienne, espace d’art contemporain du Pays de Lorient.

 

(texte de Florence Jaillet, historienne de l’art)

 

 

Tarifs :

Gratuit

Horaires

Du mardi au dimanche De 14H30 à 18H30

Adresse

L'Atelier d'Estienne, centre d'art contemporain du Pays de Lorient 1 rue Terrien 56620 Pont-Scorff France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022