Stéréoscopie La Vie moderne

L’exposition Alphonse Guillot (1868-1962) a permis de découvrir le fonds du photographe amateur conservé aux Archives municipales de la Ville de Lorient. C’est autour de cette exposition que les étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art de Lorient ont médité, imaginé, conçu des images dans le domaine de la photographie, de l’estampe et de la vidéo. Alphonse Guillot utilisait un appareil photo d’amateur, le Vérascope Richard, qui lui permettait d’obtenir des images en relief. Il fut témoin des inventions modernes de la fin du 19e et du début du 20e siècle : l’essor du voyage automobile, les premiers films du cinéma muet ; et c’est tout naturellement que le thème baudelairien de "la vie moderne" a été proposé aux étudiants comme axe de leurs recherches. Les travaux présentés dans les différents médias explorent tour à tour la question de vision binoculaire en tentant de détruire le sacro-saint point de vue unique sur l’image par différentes stratégies : le diptyque qui oblige à regarder deux images en même temps, le panoramique qui déroule une séquence temporelle et nous force à tourner autour du sujet. Dans le passage de l’estampe à la photographie, on reconnaîtra l’utilisation des nouveaux outils numériques qui permettent de découper, monter, assembler, superposer les images dans des visions hétérogènes, complexes. L’outil vidéo est quant à lui utilisé par le biais de la projection sur des maquettes-volumes qui donnent à l’image-mouvement le véritable aspect d’une sculpture qui bouge. L’image, cette fausse évidence, est ainsi pliée, mise en doute, questionnée dans ses effets de représentation et dans ses fondements technologiques qui nous imposent de manière massive la vision monoculaire. Une école d’art est un lieu de création et de recherche. Ces travaux à la fois modestes et ambitieux montrent que la pensée ne s’exprime pas seulement par le biais des mots et des concepts. Toutes les productions proposées sont de véritables images pensives (comme les nomme le philosophe Jacques Rancière) qui nous invitent à réfléchir sur nos perceptions, nos manières de lire et de regarder le monde, de décrypter le réel. Daniel Challe, enseignant à l’Ecole Supérieure d’art de Lorient