Richard Monnier

Exposition
Arts plastiques
Domaine de Kerguéhennec Bignan
En n’étant «pas attaché à des matériaux, mais à des processus d’apparition de la forme », Richard Monnier sculpte. Il puisa longtemps une inspiration dans le XXème siècle pour se tourner plus récement vers la Renaissance. Ses travaux sont exposés au domaine de Kerguehennec, dans un château du début du 18ème siècle, autour duquel prend place un parc de sculptures. Ce lieu à la fois site historique et laboratoire de la création contemporaine met en rapport direct patrimoine et création.

Complément d'information

communiqué de presse

21 septembre - 8 décembre 2002
vernissage vendredi 20 septembre 18.00
ouverture : mardi-dimanche : 10.00-18.00, entrée libre, restauration sur place
un voyage de presse sera organisé ; photographies sur demande

Avant d’être sculpteur et peut-être même avant d’être artiste, Richard Monnier est d’abord un chercheur. C’est pourquoi, depuis 1980, la production matérielle n’a jamais été une finalité dans son travail. Au rythme d’une ou deux sculptures ou sinon d’une photographie ou d’un dessin par an, sa productivité est en effet décourageante... Si de plus on précise que ses sculptures sont dans la plupart des cas réalisées dans des matériaux instables, on comprendra la tranquille irréductibilité de Monnier à la loi du marché, et on pourra même s’étonner de le voir représenté dans huit collections publiques !

« Je ne suis pas attaché à des matériaux mais à des processus d’apparition de la forme », déclarait-il, quand son travail présentait encore les apparences de la sculpture. Expansion, tressage, découpe, enroulement, superposition, dispersion... Dans le prolongement du Process Art, Monnier s’en tenait alors à des gestes simples et répétitifs, des gestes induits par des matériaux dont le choix était lui-même induit par l’observation de caractéristiques physiques particulières. La mousse de polyuréthane, le ciment, le grillage à poule, la colle thermo-fusible, etc. Sans oublier le matériau de l’histoire de l’art, Monnier puisant longtemps dans le XXe siècle (Brâncuþi, Max Bill, César, Serra, Hesse...) pour se tourner plus récemment vers la Renaissance, et son oeuvre redoublant d’invisibilité dès lors !

Car l’oeuvre de Monnier ne serait pas ce qu’elle est si son auteur n’était aussi un inlassable enseignant : toujours à mi-chemin de la bibliothèque et du réduit minable et encombré qui lui sert d’atelier. La recherche documentaire relève ici du réflexe professionnel, mais elle est tout aussi empirique. C’est ce qui lui permet de créer des ponts inattendus entre l’Op Art et l’Art concret. C’est ce qui donne à certaines de ses oeuvres sinon un fini du moins une silhouette minimaliste et à d’autres celle de gadgets psychédéliques. C’est ce qui le rend atypique sans être anachronique. C’est ce qui lui donne une vue imprenable, car d’expérience, sur l’art des années soixante-dix jusqu’à nos jours. L’artiste bricole imperturbablement, il s’obstine calmement. Très bien informé, il n’en préfère pas moins l’approche aléatoire (plusieurs de ses oeuvres font d’ailleurs explicitement référence au jeu de dés) et spontanée, revendiquant sans scrupule le caractère laborieux de sa démarche et s’étonnant peut-être lui-même que des gestes, des matériaux et des références si disparates puissent être à l’origine d’une oeuvre marquée par une indiscutable unité formelle et conceptuelle, et demeurant toujours ouverte et imprévisible.

Depuis plusieurs années qu’il se penche sur l’approche empirique de la perspective par les peintres de la Renaissance, Monnier s’est peu à peu détourné de la pratique du volume et même de la photographie au profit du dessin et de l’outil informatique. Il fait ainsi l’économie du matériau et entre dans un espace ou les mathématiques et la programmation mènent leur enquête sur l’espace livré à notre perception. Les processus cèdent aux procédures : de projection, de rabattement. Ce ne sont plus des actions exercées directement sur des matériaux mais la stricte application de règles de géométrie ou de programmation cuisinées maison, avec leur lot d’erreurs volontaires ou involontaires, qui, sous les yeux étonnés de l’artiste, produisent des vues de sous-bois, des interludes cinétiques ou qui relèvent en trois dimensions certaines figures qui n’aspiraient qu’à rester désespérément planes ou, mieux encore, à disparaître. Le dessin, si aérien et si subtil soit-il, parfois, n’advenant en vérité que comme la dernière conséquence d’une chaîne de décisions incorporant force repentirs et démentis subjectifs en guise de méthodologie. « Mes derniers dessins, écrit Monnier, introduisent dans des systèmes de projections des procédures qui produisent des formes aberrantes (Piero et Leonardo) ou des sortes d’hybrides (Sous-bois). J’ai [aussi] réalisé une oeuvre informatique dont le code génère beaucoup plus de résultats imprévisibles que si j’avais introduit volontairement une fonction aléatoire. En fait c’est une erreur dans le calcul de dégradés de couleurs qui anime Dégradés dégradés. »

Richard Monnier est tout sauf un artiste dilettante soumis à la fascination régressive des « nouvelles technologies ». (Un vieux PC lui suffit !) S’il développe les compétences relatives de plusieurs amateurs (épistémologue, archéologue, astronome, mathématicien, historien), c’est toujours dans le fil des recherches exigeantes qu’il a débutées au début des années 80 en tant que sculpteur... Le temps passé à concevoir ou à revisiter ces méthodes à produire de la forme en plan ou en trois dimensions est un matériau flexible et réversible à volonté, qui exclut toute idée de vitesse, de progrès et de répétition, et qui pourrait s’assimiler au temps de l’écrit, dans ce que celui-ci peut avoir de plus désintéressé, de plus précis et en même temps de moins « productif ». Il serait donc trop simple de conclure qu’au temps instable de la sculpture s’est substitué le temps implacable de la formule.

L’exposition réunira des travaux de 1985 à aujourd’hui : sculptures, photographies, dessins, oeuvres informatiques, projections provenant de diverses collections privées, du Musée d’art contemporain de Marseille, du Fnac, des Frac Limousin et Pays-de-la-Loire. Elle a aussi été rendue possible grâce au soutien apporté à l’artiste depuis 1979 par Didier Larnac.

Frédéric Paul

« Sur un mur de ciment gris sans fenêtre, des coulures d’eau apparaissent à chaque nouvelle pluie. Seuls signes à la fois aussi austères, et volatiles affichés sur les murs de la ville. Je remarque que pour les mêmes conditions météorologiques la même forme qui, à première vue me paraissait aléatoire, se reproduit à des moments différents de l’année. Les photographies de ces coulures dont le dessin évoque la crête d’une chaîne de montagne (spécialement sur un mur de la rue où j’habite), sont tirées à un seul exemplaire, non pas pour créer arbitrairement de la rareté mais pour préserver la singularité de ce phénomène qui se reproduit lui-même. Ainsi chaque photographie Belledonne est l’exemplaire unique d’une reproduction (elle a pour titre la date de la prise de vue).
Parallèlement à ces photographies, j’ai réalisé une oeuvre informatique qui peut se situer entre l’économiseur d’écran et l’animation. Un programme génère des coulures qui se figent sous la forme d’une ligne brisée au-dessus desquelles s’accumulent des points lumineux, leur empilement et leur chevauchement aléatoires créent une sorte de perspective atmosphérique. Intitulée également Belledonne, cette oeuvre utilise toutes les ressources du dessin et exécute finalement le plus classique des programmes : point, ligne, surface. »

Richard Monnier



Le Domaine de Kerguéhennec est subventionné par le Conseil général du Morbihan, le Conseil régional de Bretagne et le Ministère de la culture, D.A.P., DRAC Bretagne.

Artistes

Horaires

de 10.00 à 18.00 tous les jours sauf le lundi

Adresse

Domaine de Kerguéhennec Kerguéhennec 56500 Bignan France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020