Rebirth of the Bath House

Exposition personnelle de Ben Schumacher
Arts plastiques
Musée d'art contemporain de Lyon Lyon

Ben Schumacher est né en 1985 à Kitchener (Canada) où il a étudié l’architecture au sein de la Waterloo University. Après avoir travaillé pour plusieurs agences d’architecture, il a entrepris des études de Beaux-Arts à New York (où il vit et travaille depuis).

De sa courte expérience d’architecte, il a conservé un grand intérêt pour les schémas, notes et dessins, ainsi que pour les maquettes, les échantillons de matériaux et les multiples supports de communication plus ou moins élaborés en termes de graphisme et de technique d’impression. Mais ce qui continue de nourrir activement la pratique artistique de Ben Schumacher est également à chercher du côté abstrait du métier d’architecte et plus particulièrement de l’« exécution spéculative » qui se base sur des méthodes de production assistée voire entièrement générée par ordinateur. Cette conception de l’architecture contemporaine repose sur des logiciels d’intelligence artificielle dont les architectures de calcul ou structures programmatiques se créent et évoluent en fonction de la quantité et des types de données inhérentes à la nature de chaque projet.

“Rebirth of the Bath House” (« La renaissance des bains publics ») est un titre à prendre au premier degré puisqu’il s’agit d’une potentielle participation à un appel d’offre pour la rénovation des bains publics. Dans ce cadre, l’artiste a collaboré avec la jeune architecte Andrea Macias-Yanez, lui déléguant ainsi une partie du design, de l’aspect formel et de la réalisation technique de ses sculptures et images (par exemple les simulations 3D, maquettes ou impressions par flexographie). “Rebirth of the Bath House” constitue un nouveau chapitre de l’œuvre de Ben Schumacher et s’inscrit dans le prolongement des précédentes collaborations comme celles qui ont eu lieu avec l’agence new-yorkaise Diller Scofidio + Renfro en 2012 puis avec l’architecte de Miami John Keenan en 2013.

Dans ce nouveau chapitre, le billard, élément récurrent du répertoire de Ben Schumacher, est physiquement présent. Il s’agit d’un objet trouvé, d’une sculpture et d’une vitrine présentant les plans et élévations du projet architectural. Le billard sert aussi de point d’ancrage à la seconde partie de l’exposition qui se joue simultanément à l’Académie de Billard de Lyon et de manière immatérielle à celle que l’artiste a révélé progressivement depuis plusieurs mois sur son tumblr : http://worse.tumblr.com/.

En outre, le billard est décliné comme un motif visuel structurant et se retrouve dans certaines images de simulations 3D où il est alors utilisé comme proposition de toit végétal pour le bâtiment des bains publics de New York. Le billard évoque également le jeu et le pari, il condense le ludisme, les incertitudes et les doutes qui sont autant d’éléments scénaristiques de l’économie capitaliste et des projets architecturaux qu’elle projette. L’architecture se doit aujourd’hui d’être « spéculative »
et « exécutive » * pour le meilleur et pour le pire ; et c’est ce que sous-tend l’esthétique assurément fantasmatique et chaotique – voire apocalyptique, froide et désincarnée – de la présente installation.

Ce n’est pas sans une certaine distance critique que lorsqu’il parle de sa pratique artistique, Ben Schumacher s’approprie un jargon devenu commun à la programmation informatique, aux infrastructures ou outils de communications et à l’architecture contemporaine (par exemple le nuage, le hub, le branchement conditionnel ou l’évaluation paresseuse), autrement dit un vocabulaire qui régit de plus en plus indistinctement notre environnement qu’il soit réel ou virtuel. Le détournement de ce que les architectes et les informaticiens nomment communément l’« exécution spéculative » est un moyen pour Ben Schumacher de s’approprier un univers programmatique dont l’un des enjeux principaux est la gestion de données.

La mémorisation, le stockage et l’extraction de données sont des mouvements informatiques qui ne dominent aujourd’hui pas uniquement l’architecture mais aussi par exemple la finance ou la production du moindre objet qu’il soit produit en masse ou issu de l’artisanat de luxe. Les maquettes, impressions 3D ou flexographies de Ben Schumacher pointent également que l’exécution spéculative rejoint paradoxalement le versant délirant de l’architecture utopique des années soixante et soixante-dix qui pour des raisons idéologiquement inverses alliait imagination, anticipation, hybridation
et modulation à l’infini en réponse notamment à des flux permanents d’information.

L’un des enjeux économiques du XXI e siècle est sans aucun doute celui du traitement des données informatiques qu’elles soient inhérentes à un projet architectural ou urbanistique ou aux infrastructures de communication. Ben Schumacher aborde cette dématérialisation à grande échelle, avec humour, en établissant un parallèle entre les bains publics et la nouvelle technique de refroidissement des ordinateurs par immersion dans des bains d’huile minérale (une technique expérimentale qui est actuellement testée dans les grands centres de données en périphérie des villes aussi bien que par des « geeks » qui immergent leur PC chez eux dans des aquariums remplis d’huile minérale). Les gigantesques bâtiments qui abritent les centres de gestion de données tout comme les corps dans les saunas et autres spas sont en surchauffe. Le doublage – voire la substitution – de l’individu par son identité numérique (codes, mots de passe et identifiants) s’intensifie et de manière paradoxale, en opposition à cette dématérialisation, la fétichisation ou marchandisation du corps et les soins qu’on lui apporte ne cessent de prendre de l’importance. Dans « Rebirth of the Bath House », les corps ont cependant cédé la place à des câbles suspendus qui occupent tout le plafond. Cette représentation « hyperréaliste », à échelle 1, matérialise la canopée de ce futur lieu de relaxation fantasque qui serait le grand centre de données thermal.

 

* « exécutive » est ici à prendre au sens anglo-saxon du terme, comme un cadre structurel dominant non pas uniquement
dans la réalisation d’un bâtiment ou l’aménagement d’un territoire mais dans la chaîne de décisions qu’elle déclenche. 

Partenaires

Exposition hors-les-murs de La Salle de bains Production et Commissariat: La Salle de bains Partenaires de La Salle de bains: Ville de Lyon, Région Rhône-Alpes et Drac Rhône-Alpes

Mécénat

Centre Culturel Canadien de Paris/Ambassade du Canada en France Galeries Croy Nielsen, Berlin et Bortolami, New York Académie de Billard, rue de la Martinière à Lyon

Horaires

mercredi - dimanche 11h-18h

Adresse

Musée d'art contemporain de Lyon 81 quai Charles de Gaulle 69643 Lyon France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022