Vue de l'œuvre OK de Marika Dermineur et du collectif RYBN

Marika Dermineur et collectif RYBN,OK, 2010 (Achat par commande à l'artiste en 2010, Inv : FNAC 10-950). Réalisé dans le cadre de la commande intitulée Pop Up.

Vue de l'œuvre Keywords de Samuel Bianchini

Samuel Bianchini, Keywords, 2011 (Achat par commande à l'artiste en 2010, Inv : FNAC 2011-035). Programme informatique sur clé USB réalisé dans le cadre de la commande intitulée Pop Up.

Berdaguer et Péjus, Maisons sans clé, 2010

Berdaguer et Péjus, Maisons sans clé, 2010 (FNAC 10-852)

Vue de la vidéo This is it de Valéry Grancher

Valéry Grancher,This is it…, 2010, (Achat par commande à l'artiste en 2010, Inv : FNAC 10-828). Vidéo réalisée dans le cadre de la commande intitulée Pop Up.

Photographie d'Agnès de Cayeux pour la série Beyond California Sex Offenders

Agnès de Cayeux, Beyond California Sex Offenders, 2010 (Achat par commande à l'artiste en 2010, Inv : FNAC 10-829). Photographie réalisée dans le cadre de la commande intitulée Pop Up.

Conçu par le Cnap, le projet Pop Up 2011, placé sous l'égide des nouvelles technologies de l'image (le pop-up est cette petite fenêtre informative qui s'affiche parfois sur votre écran d'ordinateur lorsque vous naviguez sur internet) a consisté à passer une commande à dix artistes contemporains dont l’œuvre témoigne d’une appropriation singulière de ce nouveau territoire de la création. Chacun d’entre eux a imaginé un projet prenant forme et place dans l’espace d’une clé USB, suscitant par là un discours critique sur les nouvelles technologies.

Dix artistes, dix clés USB

Dans cette perspective, Maisons sans clés de Christophe Berdaguer et Marie Péjus constitue un catalogue, une base de données liée à une histoire d'architectures vernaculaires, sous la forme d'un diaporama activé lors de l'utilisation de la clé. Cette œuvre a été conçue par les deux artistes comme une proposition ouverte : la banque d'images pourra s'augmenter de données relatives à l'architecture vernaculaire du lieu où elle sera utilisée.

Le programme chargé par Samuel Bianchini sur une clé USB fait de Keywords une œuvre « piège » : le pacte ludique auquel l'artiste convie l'internaute consiste à lui proposer des suites de mots et notions issues du vocabulaire de revues scientifiques liées à l'intelligence artificielle, qui apparaissent à l'écran déformés par un système de protection informatique connu sous le nom de « Captcha ». Une opacité progressive du langage s'instaure au fur et à mesure que l'internaute tente de saisir le fonctionnement de ces «  mots de passe » que constituent ces étranges signes anamorphosés.

Tour de clé de Mathieu Briand consiste à faire de la clé USB un objet sculpté. Proche d'un objet votif primitif issu d'une civilisation imaginaire, sa clé a été réalisée par la technique de frittage de polymère à partir d'un fichier en 3D original ; la partie mémoire du projet Tour de clé contient la suite de la représentation du fichier 3D. L'utilisateur peut ainsi visiter « l'intérieur » invisible du programme et de cette architecture imaginaire.

Avec Sex Offenders, California Department of Justice's Internet, Agnès de Cayeux développe un projet audacieux et rigoureux qui interroge l'image publique de délinquants sexuels donnée à consulter par le Ministère de la Justice de l’Etat de Californie, mise ainsi à la portée de chacun. A partir de ces archives du présent, l'artiste a sélectionné 5000 fichiers qui correspondent à l'occurrence des dix noms de famille les plus fréquents en Californie, formant dix sous-fichiers « JPEG ».

Comptabilité (Accountacy) de Claude Closky a l'apparence d'un tableur, d'une feuille de calcul. Celle-ci fonctionne sur le modèle du jeu du Pong. La quantité «1,00 » circule sur les cases de la feuille de calcul et rebondit sur les bords comme une balle de tennis. L'utilisateur est invité depuis son clavier à augmenter son résultat en empêchant le chiffre de sortir par le bas de l'écran. L'expérience de Comptabilité (Accountacy) renvoie à l'usage de l'outil informatique, au calcul, mais surtout « à l'occupation du temps. L'avoir, le prendre, le passer, le gagner, le perdre, le jeu demande de troquer son adresse contre de l'endurance » (C. Closky).

Marika Dermineur et le collectif RYBN ont conçu le projet OK, qui instaure une relation d'interactivité avec l'écran de l'ordinateur : lorsque le programme se lance, l'écran devient noir, rendant la sortie hors du programme impossible. Un message apparaît, proposant à l'usager de répondre aux questions contextuelles : « Souhaitez-vous effacer le contenu de votre ordinateur ? » avec les deux choix de réponses : « Oui », « Non ». En cliquant sur « Oui », un nouveau message apparaît : « Etes-vous certain de vouloir effacer le contenu de votre ordinateur ? ». Des boîtes de dialogues alternent avec des conditions à accepter, des informations à fournir, déclinant à l'infini le motif du message d'alerte. La persévérance de l'usager lui permet cependant de quitter le programme.

Le programme Reclus de Benoît Durandin avec Katerina Chryssanthopoulou consiste à permettre la transcription de textes de nature scientifique en agencements graphiques, de façon à extirper de ces textes les formes qui sous-tendent leurs structures.

This is it... de Valery Grancher est une vidéo composée de mots, programmée en démarrage automatique lors du branchement de la clé USB sur un ordinateur. L'œuvre questionne le statut de l'image en mouvement, stockée dans la clé, non en tant qu'image mais en tant que donnée (data) ; le défilement des mots constitue un texte que l'on construit mentalement. En bande sonore, un « bruit blanc » souligne l'expression tautologique et minimale du programme.

Ihmekalu de Stéphane Sautour désigne le nom d'un logiciel. Son projet consiste à donner l'impression à l'usager de la clé USB que son espace libre ne connaît plus aucune restriction. Au fur et à mesure qu'il enregistre des données, un programme active un procédé de nettoyage agressif en sous-main, éliminant l'information de façon subreptice, alors  même que le programme simule la procédure d'archivage.

Grey Writing de Cédric Scandella est un programme qui permet littéralement à ses usagers-contributeurs d'écrire sous une image ou de placer une image sous un texte. L'œuvre rappelle les opérations de la mémoire qui interviennent au souvenir d'une lecture : les références à des images viennent en premier lieu, devant les mots. Ici la « surface de projection » étant constituée par l'écran de l'ordinateur, c'est tout un nouvel imaginaire qui est convoqué, une sorte d'inconscient qui serait en voie de totale numérisation.

De nouveaux territoires pour la création

Les nouveaux médias constituent un secteur à la fois fédérateur et transversal à tous les domaines de la création. Si les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont inventé la notion de réalité augmentée, la création contemporaine elle-même se caractérise par ses espaces-temps partagés et ses territoires augmentés.

Repenser celle-ci pour le présent consiste à prendre la mesure d’un nouveau régime des images ainsi que de la singularité d’une économie de l’immatériel : tels sont les enjeux que cherchait à soulever un tel projet.

 

Pascale Cassagnau, Responsable des collections audiovisuelles, vidéo et nouveaux médias
Centre national des arts plastiques

Dernière mise à jour le 2 mars 2021