PIERRE LEGUILLON PRESENTE DIANE ARBUS : RETROSPECTIVE IMPRIMEE,1960–1971

Exposition
Photographie
Centre Régional de la Photographie Nord Pas-de-Calais Douchy-les-Mines

People Who Think They Look Like Other People. "Nova" (Octobre 1969), pp. 66–71.

Cette première rétrospective de l’œuvre de Diane Arbus (1923-1971) jamais organisée en France depuis l’exposition du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou en 1980, réunit l’ensemble des images commandées à la photographe new-yorkaise par la presse anglo-saxone dans les années 1960. Si certaines de ces photographies sont devenues des icônes de l’Amérique contemporaine et plus généralement, de l’histoire de la photographie, d’autres constituent de véritables découvertes. La présentation statue sur une forme d’”anthropologie des images” qui interroge directement leur circulation et leur économie. L’exposition présente les pages originales des magazines, notamment de Harper’s Bazaar, Esquire, Nova et The Sunday Times Magazine. Toujours pensées spécifiquement par Diane Arbus pour le support presse, ces photographies sont exposées pour la première fois dans leur format original. Cette collection privée comporte de plus de 150 photographies, qui déclinent le regard si direct de Diane Arbus à travers une grande variété de sujets: reportage, portraits d’anonymes et de personnalités (Norman Mailer, Jorge Luis Borges, Lilian et Dorothy Gish, Mia Farrow, Marcello Mastroianni, Madame Martin Luther King…), photographies de mode enfantine, et plusieurs “essais photographiques” en images, légendées ou commentées par la photographe. En présentant les magazines originaux, l’exposition met l’accent sur des choix formels de mise en page, et replace les photographies dans le contexte social ou politique de l’époque. Pierre Leguillon insère dans l’exposition quelques textes ou images d’autres photographes (notamment Walker Evans, Annie Leibovitz, Victor Burgin, Wolfgang Tillmans, la documentation céline duval ou Matthieu Laurette) qui font directement, ou indirectement, référence aux images présentées. L’accrochage dans son ensemble propose des rapprochements inédits qui viennent renforcer l’actualité de cette œuvre majeure du XXe siècle. Diane Arbus (1923–1971) a commencé à travailler pour la presse en assistant son mari Allan, dans les années 1950. Ils réalisent ensemble des campagnes publicitaires et surtout des photographies de mode, souvent prises dans leur studio, à New York. Les images ne renouvellent pas beaucoup le genre mais connaissent un certain succès, et le couple signe de nombreuses couvertures pour des magazines comme Glamour, Seventeen ou Mc Call’s, dont certaines sont présentées en introduction à l’exposition. Ce n’est que vers la fin des années 1950 que Diane Arbus développe son travail personnel. Elle se sépare de son mari et suit les cours d’Alexey Brodovitch, qui dirige alors le Harper’s Bazaar, à la New School de New York, puis ceux de Lisette Model, dont la personnalité et l’œuvre auront toujours sur elle une grande influence. Dès 1960, la presse magazine va jouer un rôle central dans la carrière de Diane Arbus, avec la publication de son premier essai photographique dans Esquire, The Vertical Journey [Le voyage verticale] – photographié au 35 mm –, qui montre des personnalités très différentes à un instant T du New York du début des années 1960. “Comme la plupart des photographes de son temps, Diane Arbus considérait les magazines comme le seul moyen de gagner sa vie en faisant des photos; ce n’était pas seulement agréable, c’était essentiel.” (Doon Arbus et Marvin Israël, New York, 1984 in préface de “Diane Arbus Photographe de presse”, éditions Herscher, Paris, 1985). Bien que la plupart de ces photographies répondent à des commandes, elles lui permettent d’affirmer le style frontal si particulier de ces portraits en pied. L’exposition adopte un point de vue singulier en présentant les pages originales des magazines, qui constituent la première – et parfois la seule – apparition de ces clichés. Elles sont directement exposées au mur. La légende de la photographie, le titre et la date de parution du magazine, figurent presque systématiquement sur la page elle-même, n’appelant donc aucun autre commentaire. La présentation, dénuée d’artifices, statue sur une forme d’anthropologie des images capable d’interroger directement leur circulation et leur économie. Un livret mis à la disposition du public permet par ailleurs de lire un résumé des articles que les photographies viennent illustrer, en les replaçant dans le contexte social ou politique de l’époque, et parfois au sein de l’œuvre de Diane Arbus. En privilégiant leur contexte de publication, l’accrochage met l’accent sur la qualité de la mise en page de magazines comme Harper’s Bazaar, Esquire, Nova ouThe Sunday Times Magazine dans les années 1960. Les belles marges ménagées autour des images jouent dans l’exposition comme autant de passe-partout, comme si les photos étaient naturellement – déjà – encadrées… La composition des titres et chapeaux, et la hiérarchie des multiples signatures, renvoient pour leur part plus directement à la tradition de l’estampe. Pour la première fois, ces photographies ne sont donc pas dissociées de leur contexte rédactionnel. Diane Arbus travaillait en effet en étroite collaboration avec certains journalistes, et plus encore, avec les directeurs artistiques de ces magazines. À de rares exceptions, les photos ne sont pas recadrées, et publiées à un format d’environ 30 x 30 cm – proche, voire plus grand que les tirages d’exposition de musée –, ce qui légitime pleinement de les présenter de façon si directe. Paradoxalement, la pauvreté du support renforce le soin collectif apporté à la diffusion de ces clichés. En effet, journalistes, graphistes et photographes travaillent alors de pair à une diffusion précise et soignée de l’information. Cette vigilance et cette créativité sont à l’époque leurs seuls moyens pour lutter contre la domination galopante de la télévision. L’apparition presque systématique de “signatures”, que ce soient celles des photographes ou des écrivains qui publient des articles ou des nouvelles inédites, marque un tournant amorcé dans les années 1950, qui voit la presse magazine américaine devenir le théâtre de véritables enjeux culturels et esthétiques. L’exposition réunit une centaine d’images différentes. Parfois, l’accrochage ménage quelques intrusions ou “percées” contemporaines pour montrer le regard que d’autres photographes ou artistes ont, directement ou indirectement, porté sur ces images: Walker Evans, Victor Burgin, Annie Leibovitz, Wolfgang Tillmans, Matthieu Laurette, la Documentation Céline Duval… Ces photographies sont elles aussi présentées dans leur contexte de publication. Si ces rapprochements viennent confirmer la fortune critique de l’œuvre de Diane Arbus, ils soulignent aussi la prégnance de certaines photographies dans l’inconscient collectif américain. La photographie du “Jeune patriote avec un canotier, des badges et un drapeau, attendant pour marcher dans le cortège de la manifestation pro-guerre [du Vietnam] à New York”, en 1967, est ainsi, dès 1969, commentée par Walker Evans, dans un livre intitulé: Quality, Its Image in the Arts. Puis elle fait la couverture d’Art Forum en 1971, et a très récemment été l’objet d’un pastiche dans une caricature publiée par le New Yorker, où George Bush porte le fameux canotier et des badges anti-Obama. La mythologie qui entoure le personnage de Diane Arbus, interprété à l’écran par Nicole Kidman en 2007, est volontairement mise à distance au profit d’un regard plus neutre sur une partie aujourd’hui moins connue de son œuvre, bien qu’ayant fait l’objet d’une diffusion de masse. Beaucoup des personnages qui figurent dans ces sujets de commande semblent moins sensationnels au premier abord que les “ freaks ” qui ont rendu le travail de Diane Arbus si célèbre, depuis la rétrospective que lui consacra le MOMA de New York en 1973, deux ans après son suicide. Pourtant, en “feuilletant” l’ensemble de ses contributions pour la presse, la “ méthode ” de Diane Arbus, sa façon si particulière d’installer le modèle dans son environnement, ressort très distinctement. De longues séances de poses, parfois répétées, intimaient au modèle de “lâcher prise” alors qu’il ne cesse jamais de fixer l’objectif, droit devant. C’est sans doute la rigueur de leur construction qui permet à ces images de garder, aujourd’hui encore, toute leur actualité. Interview de Sarah Schulmann avec Pierre Leguillon, numéro de Particule n° 22, décembre 2008 - janvier 2009, p.7

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Dernière mise à jour le 2 mars 2020