Phylactères, pieds de nez, pieds de table & autres piètements

Joël Kermarrec, peintre, écrivain, contradicteur, artiste érudit, associe dans son oeuvre, l’onirique, l’analytique et le symbolique dans un jeu permanent de glissements syncrétiques de juxtapositions, qui demande un véritable décryptage et un effort d’attention de la part du visiteur.

Ses oeuvres sous une apparente simplicité sont des sortes d’arcanes complexes.

Le dessin a toujours accompagné Joël Kermarrec. Plus que des expérimentations nouvelles, il est une trace, une prise de note de la réalité à un temps donné.

Il porte aussi bien sur l’énoncé du visible que sur son énonciation. Dans les œuvres sur papier, l’image et le texte sont étroitement imbriqués, et s’associent dans un même espace que la signification elle-même. Si la construction des dessins est harmonieuse, sa création refuse la facilité et la séduction.

Dans les dessins montrés à Strasbourg, les mots créent un lien entre les éléments présents, le dessin et celui qui regarde. Les titres, eux-mêmes, choisis par l’artiste sont plutôt des indices qu’il faut savoir décoder, un sens possible, induit ou dissimulé. « Vois ce que je dis »… Quant à l’objet, réceptacle (boîte,
cannes têtes, ardoise…), pièces à poser ou à installer, ou image le représentant, il est toujours présent dans son oeuvre.

On retrouve dans son oeuvre picturale, dessinée, ses installations, des éléments souvent récurrents : plumes, lettres de l’alphabet ; la raie, esquissée par des trous ou des taches noires ; cercles, motifs graphiques, parenthèse, esperluette,damiers alimentés par des significations symboliques, ou des références à l’histoire de l’art ; combinaison de mots, de formes, de contours, de nus féminins, dessinés à la manière d’un Renaissant.

Joël Kermarrec, né en 1939 à Ostende, a baigné dans un milieu artistique et culturel éclairé par Ensor, Spilliaert, Frédéric, Permeke, de Smet, la collection de coquillages de sa mère sculpteur, des livres, le fantastique, la lecture du Paysan de Paris puis de Bataille… Puis avec De Kooning, Gorky, Matta, artistes alors non reconnus.

Il a enseigné à Vincennes Paris VIII, à l’École des beaux-arts de Marseille, puis à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris jusqu’en 2007.

Les problématiques de la transmission sont pour lui un plaisir qu’il a su partager.

Édition d’un journal d’exposition (texte de l’artiste extrait d’Exercice d’un pseudo Chiron), et coédition avec les éditions Analogues de la revue Semaine, (textes de Céline Leturcq et Marie Bonnafé, à paraître début septembre 2010).

Exposition organisée à l’initiative d’Otto Teichert, directeur de l’ESADS.

* Le phylactère, désigne en bande dessinée l’endroit réservé aux dialogues, la bulle.

Étymologiquement, le terme signifie, garder, « objet qui protège », « bandage », petite boîte contenant des passages de la Bible inscrits sur un parchemin, attachée grâce à des bandelettes au front ou au bras : de nos jours, témoins de cette pratique, les médailles représentant un saint, la Vierge, une prière, ou celles autour du rétroviseur de nos voitures.

L’objet devient un outil à prière intégrant l’homme, objet de transport et de protection.