Odd or even

Cécile BART
Exposition
Chez Valentin Paris 03

Cécile Bart est née à Dijon, elle vit et travaille en Bourgogne. Présente sur la scène artistique française depuis la fin des années 80, elle façonne au fil de ses installations un vocabulaire formel doté d’une forte identité visuelle. Ses œuvres abstraites aux contours géométriques alimentent le regard par de multiples évocations sensorielles, composant une véritable poétique de l’espace. Organisée autour de leitmotivs, des mises en scène de plans de couleurs, sa pratique s’attache à requalifier le champ du visible au moyen d’œuvres picturales capables d’être littéralement « traversées » du regard. En définissant les termes d’une approche phénoménale de la peinture et de ses épanchements dans l’espace, le travail de Cécile Bart, montré pour la première fois à la galerie Chez Valentin, agence des territoires d’expérience perceptive. Déployées en volumes ou en aplats, ces formes se propagent à travers les vides et les pleins de leur environnement. Ces oeuvres agissent sur la structure même du visible dont elles élancent les courbes et dynamisent les contours; mettant à jour une multiplicité de points de vue à partir desquels le spectateur est encouragé à penser sa position pour trouver l'équilibre entre une approche frontale ou oblique. Ici, les surfaces peintes sont réactives à la lumière. Alternant entre l'éclat et le mat, elles jouent sur des effets de relief et de vibration optique. Aussi, pour s’accorder avec ces « oeuvres-apparitions » le spectateur entre alors dans une démarche physique qui l’engage à trouver la bonne distance pour « voir ». Pour cette exposition, l’artiste investit l’espace de la galerie et propose une série de peintures/écrans fixées verticalement au sol ainsi qu’un ensemble de peintures murales. Les peintures/écrans sont des artefacts réalisés à partir de voile Tergal, textile translucide usuellement destiné à la confection de rideaux, que l’artiste peint puis essuie autant de fois que nécessaire jusqu’à l’obtention de la densité de couleur recherchée. Au final, la toile ainsi peinte est collée sur un châssis aluminium. La mise en relation de ces deux éléments – peintures/écrans et peintures murales – pensés et réalisés pour le lieu d’exposition mais distincts par leur technique et aussi par le traitement de l’espace qu’ils opèrent, joue sur des effets de planéité et de relief tout en questionnant leur statut équivoque de « peintures ». Les peintures/écrans entretiennent une proximité avec les murs, sans pour autant y adhérer, tandis que les peintures murales épousent totalement l’architecture de la galerie. En jouant sur des effets de cadrage et de profondeur de champs, de variations d’intensités de couleurs et de textures, d’alternance et de superposition de motifs, l’unité visuelle des images ainsi produites cède sous le coup de la dispersion, diffractée en séquences puis invitée à être reconstituée par la vision selon son propre choix. Ces oeuvres « écrans » mobilisent donc tour à tour le principe unificateur de la vue, renvoyant à un processus physiologique, et celui, beaucoup plus relatif et individuel de l’imagination. Et c’est par ce truchement entre des modes d’appréhension de l’objet artistique parfois antagoniques, que le spectateur est amené à faire une expérience « totale » qui renforce son acuité et met en éveil toutes ses facultés.

La particularité de l’œuvre de Cécile Bart tient donc dans la nature expansive des formes qu’elle produit et fait se rencontrer au sein de la galerie, questionnant l'élasticité de ses murs pour ouvrir le regard à reconsidérer la densité même du vide. Ainsi, leur abstraction géométrique, anti-naturaliste, renoue avec un mouvement naturel où la couleur semble aspirée par la lumière, et où les formes s'animent, irrésistiblement, projetées aux marges de leurs contours par une sorte de poussée atmosphérique. A travers elles transitent simultanément le visible et sa doublure ; fond et forme s’entremêlent dans une chorégraphie sensorielle, étirant les limites matérielles de l’objet pour en questionner l'arrière-plan. L’œuvre compose harmonieusement avec l’architecture, s'accorde à son rythme naturel tout en lui apportant un nouveau souffle. En effet, ces peintures agissent sur l'espace par "contamination", oeuvrant avec lui sans pour autant l'asphyxier, laissant la matière filtrer à travers ses pores afin qu'elle puisse rebondir et résonner sur les différentes faces et arrêtes du "White cube". Cette scénographie confère alors à l'espace "vu" et "senti" une nouvelle profondeur perspective et émotive. Par là, Cécile Bart sonde les mécanismes de la perception et intègre le corps du spectateur au cœur même de sa mise en scène, l’invitant à éprouver par les voies de la sensation la distance qui le sépare de l’œuvre d’art.

Clara Guislain

Artistes

Adresse

Chez Valentin 9 rue Saint Gilles 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020