Museum of Peripheral Collections
L'exposition "Museum of Peripheral Collections" de l'artiste anglais Graham Dunning explore les liens entre archives personnelles, musées amateurs, accumulation compulsive d'objets de consommation de masse et collections de disques. Une exposition qui célèbre et érige la collection au rang d'acte créatif.
A la marge des musées officiels, répondant à des normes muséographiques et scientifiques définies, pousse tout un jardin de broussailles où s'épanouissent des espaces d'expositions fondés par des particuliers. Souvent regroupés sous l'étiquette des musées insolites, ils sont le plus souvent composés de gadgets et bibelots, d'une accumulation d'objets liés à la société de consommation. Du musée de la tondeuse à celui de la lessive ou de la lunch box, ce que racontent au final ces lieux surchargés tient plus de la biographie personnelle et du portrait en creux délinéé par les objets collectionnés, versions contemporaines des portraits d'Arcimboldo, que du musée de société. Alliant savamment la monomanie à la syllogomanie (accumulation compulsive) avec une bonne dose d'affect, les musées insolites sont comparables à une forme d'art brut, ou mieux de "musées brut".
"Museum of Peripheral Collections" fait le rapprochement entre ces collections hétéroclites aussi touchantes qu'amusantes et la collection de disques amateur. En effet, cette dernière a comme point commun de s'appuyer sur l'accumulation de produits issus de la culture de masse, à laquelle les musiques populaires sont affiliées en ce qu'elles reposent sur la production en série d'objets destinés à la vente (disques, cassettes, livres, etc.) et dont la promotion repose sur des médias (radios, télévision journaux, blog etc.) de plus ou moins large audience.
Le disque et tous les dérivés de la musique (magazines, gadgets, tickets de concerts etc.) se prêtent à merveille à cette accumulation compulsive. Une bonne collection est d'ailleurs souvent digne de ce nom quand elle rejoint un nombre minimum d'items. Elle gagne encore en noblesse si elle contient quelques raretés, la discographie complète d'un artiste, pochette signées et ainsi de suite.
Elle partage également cette dimension sentimentale, le fait de raconter quelque chose de son propriétaire. La forme de la collection évolue également au fur et à mesure des années et se fait le miroir du parcours de vie du collectionneur. Souvent initiée à l'adolescence la collection de disque commence à se constituer dans les murs d'une chambre, pour par le suite occuper une pièce entière qui lui est dédié, la "record room", ou envahir une pièce commune quand le collectionneur a quitté le célibat.
Le personnage de Seymour, incarné par Steve Buschemi dans l'adaptation à l'écran de la bande-dessinée "Ghost World " par Terry Zwigoff, dresse un portrait assez fidèle du discophile légèrement compulsif et de sa relation à sa collection. Obsédé par la musique américaine des années 40 et 50, il accumule disques et memorabilia qu'il expose dans sa chambre pour reconstituer une époque révolue, dans laquelle il se réfugie afin d'échapper à son incapacité à sociabiliser. Entre nostalgie, création d'un univers personnel, échappatoire au temps présent, accumulation, fétichisation de l'objet, la "record room" de Seymour réunit tous les traits caractéristiques du musée personnel
ayant pris la forme d'une collection de disques.
Si l'exposition "Museum of Peripheral Collections" tire son inspiration de la culture musicale DIY, des collections de disques, elle n'est cependant pas une exposition de disques et de leurs pochettes comme par exemple ce fut le cas avec "The Record as Artwork : From Futurism to the Conceptual Art", présentée aux Etats-Unis et Canada entre 1977 et 1978, et proposant de découvrir l'impressionnante collection de Germano Celant entièrement dédiée à des disques d'artistes, ou encore plus récemment, en 2010 à Maison Rouge, l'exposition "Vinyl, disques et pochettes d'artistes, la collection de Guy Schraenen".
A la frontière du musée insolite, de la chambre d'adolescent garnie de disques et posters, de la "record room" du collectionneur et du home studio, "Museum of Peripheral Collections" propose la visite d'une version imaginée par Graham Dunning de l'un de ces lieux surchargés où se tissent des liens secrets entre boitiers de cassettes, collages en vue d'une future mixtape et objets divers dont seul le voisinage, et parfois l'hybridation, permet de supposer l'existence d'une forme d'affinité. Une invitation à faire en quelque sorte un nouveau "Nouveau Voyage autour de ma chambre".
Graham Dunning (né en 1981) est un artiste londonien autodidacte aussi bien musicien que plasticien. Impliqué dans la culture musicale DIY, il réinvestit les codes qu'elle génère dans son travail de plasticien avec un intérêt particulier pour les technologies obsolètes, le détournement, l'utilisation de matériaux pauvres ou ayant déjà vécus plusieurs vies. Il publie régulièrement son travail sous formes cassettes en éditions très limitées et aux pochettes photocopiée sur son propre Bandcamp.
Tarifs :
Entrée libre et gratuite