Maurice Blaussyld

Projet soutenu par le Cnap
Exposition
Arts plastiques
Galerie Allen Paris 03

Vernissage de l'exposition le 16 novembre 2016 de 18h30 à 20h30.

« Fermons les yeux pour voir. »
– James Joyce, Ulysse, 1922

Dans le travail de Maurice Blaussyld, il n’y a pas de répétitions mais des reprises et des retours. Pour cette seconde exposition personnelle à la galerie Allen, certaines œuvres présentées lors de la première réapparaissent autrement. Elles sont des présences autonomes, des êtres qui appartiennent à un même ensemble. Ce dédoublement et redoublement ne font qu’accentuer une recherche infinie de la perfection pour manifester l’illimité, l’indéfinissable, l’inconnaissable.

L’artiste a notamment commencé à produire à partir de 1987 de grandes enceintes acoustiques en bois recouvertes de peinture noire sur leur partie externe. La première est pour lui un « archétype matériel » dont l’amplification sonore et le silence ont été remplacés par plusieurs béances [1] d’apparence géométrique : cercle, rectangle horizontal et superposition de cercle et carré. Ces formes ouvertes donnent à voir une bipolarité, une rencontre des contraires, celle d’une peinture-sculpture mais aussi d’un silence-voix ou d’un visible-invisible. Autre œuvre souvent associée à la précédente : un grand panneau de chêne, teint par l’ammoniac dont la première version date de 1998. Posé contre un mur, il ne donne à voir qu’une de ses faces, laissant apparaître une grille dodécapartite, une structure qui fait référence au temps cyclique. À l’instar des œuvres d’Anton Webern, de John Cage ou de Joseph Beuys, la symbolique des chiffres, des mots et des matériaux est essentielle pour Maurice Blaussyld et est provoquée par l’intuition d’une « force incréée d’avant le monde.[2] » La dimension philosophique et mystique, parfois téléologique, du travail ne saurait toutefois être décryptée car elle transcrit une poétique qui « ne dit ni ne cache.[3] » Car au-delà de l’analyse existentielle adviennent des formes et des formules qui semblaient préexister comme dans les textes sans ponctuation qui relèvent d’un monologue intérieur, un écho mystique aux déambulations dédaliques d’un personnage de Joyce à travers un flux de conscience qui mêle recherche, incantation et poésie.

À travers l’œuvre de Maurice Blaussyld apparaît l’archétype d’une vanité. Cette présence d’un memento mori est confirmée par la monstration de la reproduction d’images d’autopsie. « Là, le regard s’affronte à l’ « être ». La mort est à l’image crue de l’existence dans toute sa réalité, dans toute sa durée ; c’est ainsi que la vie se manifeste en une terrible apparence.[4] » Le regard affronte le cri, sublime et sourd comme dans les Peintures noires de Goya représentatives d’une crise de leur auteur, d’un changement subjectif qui rompt avec la fiction et le langage. Si le geste de peinture est au départ celui de recouvrir une surface par une matière, dans l’œuvre de Maurice Blaussyld tout est peinture, y compris ses textes, une suite de phrases dactylographiées en noir sur du papier blanc. À l’illusion de notre monde, l’artiste oppose un réalisme pictural radical qui magnifie les interstices comme les intervalles et déconstruit les images et les origines afin que peut-être : « Là, un astre confus, indéterminé, se manifeste dans son avènement.[5] ». Ainsi comme l’écrit Georges Didi-Huberman : « nous devons fermer les yeux pour voir lorsque l’acte de voir nous renvoie, nous ouvre à un vide qui nous regarde, nous concerne et, en un sens, nous constitue.[6] »

– Marie Bechetoille

La galerie Allen a bénéficié pour cette exposition de l'avance remboursable du Cnap.

Complément d'information

1 Une traduction du mot grec chaos
2 Texte de Maurice Blaussyld, 1er juin 2016
3 Titre de l’exposition personnelle de Maurice Blaussyld, Galerie Allen, 2013
4 Texte de Maurice Blaussyld, 10 octobre 2016
5 Texte de Maurice Blaussyld, 1er juin 2016
6 Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. Critique, 1992, p. 11.

Adresse

Galerie Allen 6, passage Sainte-Avoye 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 17 juin 2021