MATTHIAS OLMETA

Exposition
Arts plastiques
Diem perdidi Galerie du Tableau Marseille

Letters to my grandchildren

 

Les ambrotypes intitulés « Letters to my grandchildren » approfondissent le travail réalisé par Matthias Olmeta dans le cadre d’une série de portraits d’enfants et d’adolescents (les mystiques de l’immanence) initiée en 2010 qui soulève consciemment la question de l’avenir et de l’héritage laissé aux générations futures après quarante années d’économie libérale, de capitalisme et de consumérisme, après un siècle d’histoire ponctué par des guerres.

Ces portraits, actuels, qui établissent techniquement un lien avec les origines de la photographie, naissent d’un protocole de représentation – visage mis en lumière, au regard soutenu par un cadrage serré et la frontalité de la pose – et agissent comme des « icônes » contemporaines à l’universalité cultivée par la déconnotation délibérée des sujets photographiés. Le choix technique de l’argentique et de l’ambrotype imposent dès le début de sa pratique, des temporalités permettant de ritualiser l’acte photographique (préparation du support et temps de pause, développement immédiat). La chambre volumineuse construite par Matthias Olmeta forme, par ailleurs, une cavité de travail, d’intervention, de 5 mètres de haut.

Les lettres gravées manuellement au revers des plaques de verre acrylique, sont inspirées par des lectures singulières, en histoire sociales ou en cultures spirituelles et sont composées de formules personnelles, de citations ou de bribes littéraires. Elles avouent l’état du monde à l’aune d’une actualité apocalyptique et rappelle un certain nombre de préceptes inhérents à l’ensemble des courant religieux ou spirituels pratiqués aujourd’hui en vue de transformer un destin collectif engagé ou compromis.

Matthias Olmeta est né à Marseille en 1968. Il devient photographe à l’adolescence. Pendant de nombreuses années, il s’intéresse à la folie et à l’obscurité, développant à travers ses sujets et ses explorations une perception personnelle de l’aliénation et de la maladie. Les polyptiques monumentaux, La peur du noir (2003), My second brain (2007), Forclos (2008), Quest for Hymility (2008/09), Je t’aime (2010) Tengo tantos hermanos que no los puedo contar (2013) couronnent respectivement une approche enracinée dans sa biographie.

La question du regard est, dès l’origine de la série des portraits d’enfants et d’adolescents travaillés pendant des années en marge des projets plus ambitieux, essentielle. Elle forme un espace, au delà de la problématique du regard du sujet porté par celui du photographe. Cet espace de révélation et d’incarnation, de présence est voué à accueillir un éveil des consciences. D’une manière générale, le regard porté sur l’autre – lorsqu’il n’est pas absent – sur l’enfant, est très souvent accompagné de paroles déterminantes. La qualité du langage dévoile alors ce qui est de l’ordre du conditionnement ou de la révélation. Le champ photographique devient dans la série « Letters to my grandchildren », l’espace de toutes les intentions, comme celui de l’icône sur fond d’or qui forme dans le christianisme byzantin, un espace de prières, ou chez les bouddhistes dans la composition des mandalas qui emploient la poussière d’or et créent  d’autres espaces d’intentions.

Chaque être à le devoir de naître à lui-même et de s’accomplir. Ce qui en Occident est souvent perçu comme une forme de niaiserie est pourtant porté depuis des siècles par des écrivains et des poètes, des peintres, des plasticiens et des photographes, des cinéastes. En 1849, Victor Hugo exposait à l’assemblée nationale le célèbre discours intitulé « Détruire la misère ». En 1931, Hermann Hesse écrivait « Je ne partage pas un seul des idéaux de notre temps. [...] Je crois aux lois de l’humanité, vieilles de plusieurs millénaires, et je crois qu’elles survivront à tous les modèles troubles de notre époque [...] Avec le secours de cette foi on peut supporter la vie mais encore faire triompher le temps [...] » Céline décrit l’humain dans une traversée de ses comportements les plus symptomatiques intitulé Voyage au bout de la nuit. Pier Paolo Pasolini condamne le consumérisme dans l’ensemble de ses Ecrits corsaires et des Lettres luthériennes, tout en posant la question de la légitimité des pouvoirs en place et celle, plus engageante de la manière dont il est possible d’ « être au monde ». Cette question impose de remplacer la moralité par la conscience et d’agir en conséquence, elle suppose aussi de remplacer la sublimation des idéaux par la transcendance d’une réalité comprise et entendue.

En écrivant, depuis 2015, sur le champ autrefois réservé à une matérialité produite par la texture du collodion agissant au moment du blanchissement de la plaque, Matthias Olmeta donne à ses images un sens qui permet, à travers un ensemble de lignes à peine lisibles passées à la feuille d’or, intégré dans la création photographique tout comme Matthias Olmeta aimerait voir l’humanité intégrer un ensemble de textes sacrés, religieux ou laïques, de mettre autrement en lumière ce qui n’est plus de l’ordre de la biographique mais de la destinée.

 

Charlotte Waligora

Historienne d’art

 

Tarifs :

Gratuit

Commissaires d'exposition

Horaires

Du lundi au vendredi de 10h à 12h et de 15h à 19h. Le samedi de 10h à 12h et de 15h à 18h

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Diem perdidi Galerie du Tableau 37 rue Sylvabelle 13006 Marseille France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022