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Exposition
Arts plastiques
La Vitrine Paris 11
Pour sa dernière exposition personnelle chez Jousse Entreprise, Julien Prévieux s’attaquait déjà à plusieurs monstres. Monstres technologiques quand il reproduisait la coquille vide du premier ordinateur imaginé par Seymour Cray en 1977 pour la NASA, transformé dans la galerie, en un simple mobilier tout en bois et banquette cuir noire. Aux monstres économiques aussi, quand il appliquait à des textes issus du Capital de Karl Marx tout un système de décryptage usité par les moines du moyen âge pour des textes sacrés. Au monstre historique enfin, pour La Soufrière, quand il associait nos chères petites têtes blondes à des desseins moins angéliques, transformant l’air de jeu en atelier clandestin : les cocottes en papiers qu’il leur donnait à plier contenaient les répliques des sentences distribuées par la CIA au Nicaragua dans les années 80 contre le gouvernement sandiniste. En se parant d’une méthode rigoureuse ultra balisée, les œuvres de Julien Prévieux s’attaquent à des sujets sensibles en toute impunité, finissant par retourner comme un gant l’approche elle-même employée. A la Vitrine, entre une cartographie, des archives de gestes futurs pseudo didactiques et des mini ovnis pseudo scientifiques, l’exposition affiche de faux airs de science fiction. Sur le mur, un gigantesque diagramme retrace l’histoire contemporaine des films de « sécurité nationale » via son interprétation cinématographique. La méthode empruntée est singulière – l’artiste se dote d’un « logiciel d’aide à la décision » traitant les synopsis de dizaines de films de guerre de 1960 à nos jours, de tous genres confondus (comédies, science fiction, comiques). De La somme de toutes les peurs, à Invasion USA, en passant par Ultime décision, WarGames, Le jour d’après, ou encore Armageddon, les films passent en revue tout type de menaces - politique, militaire, ou naturelle – et de stratégies guerrières, d’infiltration ou d’invasion. Le résultat est décapant : un imbroglio de lignes et de mots d’où émergent quelques nœuds significatifs. Du coup, la (soit-disante) intention première de clarification aboutit finalement à son effet contraire - l’illisibilité du graphe proposé. Comme si l’artiste, après s’être contraint à un intense lavage de cerveau, finissait par prendre pour agent comptant les fictions visionnées et par reproduire leur vision paranoïaque. A cette fausse grille de lecture née répond un film d’animation "What shall we do next?" en forme de mode d’emploi de gestes à effectuer dans l’avenir. En réalité, des gestes associés à des brevets déposés récemment auprès de l'USPTO, l'agence américaine chargée de la délivrance des titres de dépôts de brevets. Pour beaucoup inventés avant même la machine qu’ils sont censés manipuler, les gestes semblent ici planer, immatériel, à l’écran – l’« archive de gestes futurs » devenant une sorte de chorégraphie abstraite. Contrebalançant les deux premières pièces, les petits engins qui tourbillonnent au fond de la galerie nous embarquent dans un univers faussement poétique qui pourrait bien constituer la seule menace de l’exposition. Sauf que si leur forme rappelle celle des drones munis de micro caméras censées surveiller les camps ennemis – un projet conçu par la CIA mais encore non réalisé - les machines sont ici troquées par de simples hélices d’érable distribuées en pure perte dans l’espace. Là encore, le projet initial est comme renversé en cours de route, la menace militaire débauchée au profit d’un phénomène de prolifération et de gaspillage. En empruntant une méthode de recensement, de gestes ou de synopsis de films ici, des empreintes digitales de Sarkozy et de petites annonces d’emploi ailleurs, Julien Prévieux jette des ponts entre le générique et le spécifique, entre la commande et l’appropriation, et finit par transformer les tentatives de contrôle en pure abstraction.

Complément d'information

Signature le même soir du nouveau livre de l’artiste : « Lettres de non motivation », à 18h au bar à côté de La Vitrine.

Autres artistes présentés

Julien Prévieux

Horaires

du mercredi au samedi de 15h à 19h

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

La Vitrine 24 rue Moret 75011 Paris 11 France

Comment s'y rendre

M°7, arrêt Aubervilliers - Pantin Quatre Chemins 
Bus 170 arrêt Hôpital la Roseraie

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022