Lilian Bourgeat

Excès
Exposition
Arts plastiques
Galerie Frank Elbaz Paris 03
Déstabilisation à tous les étages « Je comprends tout », est-il écrit sur la feuille de papier tenue en main par la visiteuse d’une exposition de Lilian Bourgeat, dans un dessin de Philippe Vuillemin. Les collisions entre l’intention de l’artiste, l’interprétation par les accompagnateurs professionnels de son travail et la réception par ses spectateurs mêmes donnent au dessinateur une matière inépuisable pour brocarder les us et coutumes du monde de l’art. Avec lui, l’artiste a trouvé plus qu’un critique irrévérencieux. À chaque œuvre réalisée par Bourgeat correspond un dessin de Vuillemin. Comme sorti des pages de L’Echo des savanes, le dessin prend son autonomie tout en jouant le rôle d’un cartel loufoque, mettant en abîme l’œuvre dans le lieu même de sa présentation. Les discours sur l’art, qu’ils soient érudits, pédagogiques, mondains ou communicationnels, sont mis en péril dans leur prétention à l’autorité et à la clôture du sens. C’est que l’art de Lilian Bourgeat est à double détente (voire plus, si affinités). L’agrandissement qu’il inflige à l’objet est un leurre. La modalité plastique consistant à reproduire des objets tirés du quotidien en augmentant leur échelle est si fréquemment utilisée depuis Claes Oldenburg que cela n’a plus rien d’original - s’il s’agit de la seule finalité de l’œuvre. Raymond Hains, en son temps, en avait déjà moqué la systématique. L’art unlimited est devenu une catégorie en soi de la sculpture, au service parfois de sa spectacularisation. Ce qui en détermine la justesse réside dans le programme animant les motivations de ce devenir-monstre de l’objet, par sa sortie du domaine strict de l’utilitaire pour prendre une nouvelle fonction dans le champ du monumental. Reproduites selon un coefficient de deux fois et demie leur taille normale, les chaises de jardin de son Dîner de Gulliver emplissent l’espace de la galerie jusqu’à l’obstruer, comme s’il était inadéquat à leur démesure. Sa grandiose pyramide de coupes de champagne évoque avec ironie le succès et sa célébration – quant à lui, Vuillemin y fantasme de dyonisiaques libations ! La séduction immédiate occasionnée par l’exposition d’objets géants, parfaitement reproduits dans leurs formes et matériaux, l’aspect “art rigolo pour enfants de 3 à 103 ans”, ne sont que des pièges. Le paradigme swiftien fait bien sûr perdre au spectateur de sa superbe, en le privant de sa maîtrise habituelle de l’ordre des choses. Mais plus encore, les dispositifs imaginés par Lilian Bourgeat repoussent l’individu, l’agressent, l’éjectent hors de l’espace de monstration, lui font comprendre qu’il n’y a pas sa place. S’enclenche alors le cauchemar d’une inadaptation de l’être humain à l’environnement qu’il a engendré. Lilian Bourgeat n’a aucune prétention à réenchanter le monde. Il partage avec Vuillemin un humour noir, au trait gras, féroce et jouant d’un supposé “mauvais goût”. C’est la morale d’un art désignant les vanités et s’amusant du ridicule de situations quotidiennes. En conviant la caricature au cœur même de son travail, l’artiste invite à une philosophie du doute. De cette mise à l’épreuve des certitudes, l’on sort… grandi. Pascal Beausse

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Lilian Bourgeat

Horaires

Mardi - Samedi, 11h-19h

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Galerie Frank Elbaz 66 rue de Turenne 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022