Les visages des guillemets

"On peut soutenir que l'interruption est l'un des procédés fondamentaux de toute mise en forme. On la pratique bien au-delà du domaine de l'art. Pour ne prendre qu'un exemple, elle est le fondement de la citation. Citer un texte suppose qu'on l'arrache à son contexte..." (Walter Benjamin, "Qu'est-ce que le théâtre épique ?", 1939). La violence interruptrice de la citation que Walter Benjamin repère, il faut bien commencer par la retourner contre son auteur c'est-à-dire reconnaître son autorité et la détruire dans le mouvement même de sa reconnaissance. Car telle est la contradiction de l'art de la citation et sans doute aussi sa perversion : citer, c'est transmettre un contenu, reconnaître une dette, s'effacer au sein d'une tradition ; citer, c'est aussi contester ce contenu, mettre à distance le passé et mettre en scène non pas tant l'auteur de la citation que la personne même de celui qui cite. C'est dans ce jeu de la citation que se construisent négativement l'histoire de la culture et les formes qu'elle engendre : la continuité du temps de l'histoire et de l'espace des oeuvres se brise et se reprend toujours pour se briser à nouveau. C'est dans ce jeu que l'art contemporain déploie sa créativité et sa liberté. C'est en lui qu'il manifeste à la fois sa réflexivité et son ironie de telle sorte que l'unité de l'oeuvre comme de l'histoire qui l'a rendu possible n'aient plus que la consistance du rêve. L'exposition présentera des oeuvres tirées de la collection du FRAC Bretagne (Beaugrand, Buraglio, Lublin, Richon, Vermeiren, ...). Elle sera l'occasion de réfléchir sur les opérations par lesquelles l'art contemporain réfléchit sur lui-même et sur sa propre histoire à partir du jeu de la citation qui se veut, essentiellement et tout à la fois, interrogatif, commémoratif, critique et ironique. Commissariat : Pierre Bazantay et Pierre-Henry Frangne