Laurie Karp & Philippe David
Après des années de dialogue sur la créativité et leurs créations, ces deux amis, elle plasticienne, lui designer textiles, se sont demandés « What if… » « Et si… ». Ce jeu à 4 mains, se veut plus qu’un simple dialogue, ou une confrontation de créations venant d’univers distincts. Ils ont cherché à aller plus loin dans leurs pratiques, par des dédoublements de sens, et des mises en abimes complexes de leurs œuvres, dans une logique de décloisonnement stimulante et joyeuse.
La pratique de Philippe David repose sur la peinture, et plus particulièrement la gouache sur papier, qui grâce aux techniques digitales et la broderie va être reproduite sur du tissu. Son vocabulaire décline des références larges à l’histoire du textile, et aux voyages, à travers des motifs, végétaux, floraux, ou des techniques trompe l’œil, indiennes, réinterprétées sur un mode à la fois gestuel et organique, laissant place à des suggestions fortement sensorielles et sensuelles.
Laurie Karp a toujours privilégié la confrontation, que cela soit à des lieux chargés d’un patrimoine fort comme au musée de la Chasse et de la Nature lors de son exposition monographique en 2018, ou dans le cadre de cette exposition où la rencontre avec le travail de Philippe David, l’a amenée à s’interroger sur les modalités d’une exposition commune, créer de nouvelles pièces, et même intégrer l’impression d’un textile de Philippe David dans certaines céramiques. Car l’expérimentation est la base du travail plastique de cette artiste, qui plus que tout recherche l’hybridation. Hybridation des techniques à travers la céramique, la broderie ou la vidéo, mais aussi hybridation de la narration.
Ainsi, ces objets en céramiques, faussement ornementaux, organiques et humains, balisent un récit fait de peurs, fantasmes, et répulsions, où barbarie et prédation prennent des formes multiples.
Pour cette exposition, ces deux artistes vont conjointement dessiner les contours d’une nouvelle Arcadie, dans laquelle la nature harmonieuse et préservée, serait étrangement déréglée et victime d’hypertrophie, sans retour en arrière possible.
Un univers de métamorphoses, et de turbulences intempestives, où les fleurs d’une indienne deviendraient vulves, les tiges se transformeraient en tuyauteries, les déesses devront affronter des tempêtes diluviennes sur de fragiles embarcations, et les ours vivraient leurs dernières heures sur une banquise à la dérive.
Car sous l’apparente séduction de cette rencontre, se cache un véritable jeu de massacre, auquel se livrent avec jubilation les deux artistes.
Philippe Zagouri