LA NUIT DES LIVRES-PIERRES

Séverine BASCOUERT & Sammy STEIN Sérigraphies, céramiques, livres
Exposition
Arts plastiques
Galerie MIRA Nantes
Crédit photo: Nicolas Frühauf

Reçus en résidence sur l’île de Nantes au mois de février dernier, les artistes Séverine Bascouert et Sammy Stein, invités par l’espace MIRA ont investi un atelier au Pôle des Arts La Joliverie sur l'île de Nantes. Durant trois semaines le duo a créé des pièces en céramique sérigraphiées pour la préparation de leur exposition La Nuit des Livres-Pierres.
Ce temps de création céramique s’est déroulé en partenariat avec l’Atelier Millefeuilles pour l’émaillage et les cuissons des pièces.

La Nuit des Livres-Pierres présente une nouvelle série de sérigraphies, des livres, revues et zines, un foulard en sergé de soie est édité par MIRA éditions pour cet évènement.

Nous remercions vivement :
François Guibert, Directeur du Pôle des Arts La Joliverie et toute son équipe.
Caroline Lesaux, Evor et Hélène Delépine de l’atelier céramique MilleFeuilles.
Pierre Verdon pour la mise à disposition de matériel pour impression à l'atelier de la Bonneterie. 
Eva Prouteau et Pascal Lebrain pour leur soutien et bienveillance.

 

LA NUIT DES LIVRES-PIERRES
Le titre de l’exposition de Séverine Bascouert et Sammy Stein résonne comme une promesse
d’aventure : amorce d’un scénario énigmatique, il suggère les temps anciens, les messages secrets
gravés dans le roc et les hallucinations vespérales. Cela pourrait être le nom d’un film du
cinéma bis fantastique, ou d’une série télévisuelle légendaire, comme les Mystères de l’ouest,
dont le titre de chaque épisode commençait par La Nuit : La Nuit de l’oeil mémoire,
La Nuit de l’élixir de diamant, La nuit de la ville sans voix… Bref, avec un tel titre, on s’attend à
quelques frissons, des effets spéciaux vintage et de la sensualité.

DANS LA PYRAMIDE, ENTREZ SANS FRAPPER
Au centre de l’exposition se dresse une pyramide à degrés, construction pyramidale à faces
en forme d’escalier géant. On trouve traditionnellement ces architectures chez les anciens
Égyptiens ou les peuples précolombiens : écrins funéraires ou temples solaires, elles étaient
conçues comme une sorte d’ascenseur céleste, qui devait faciliter le passage dans l’au-delà
et la renaissance. Cette monumentalité est reproduite à échelle réduite dans l’espace Mira,
un geste à la fois mégalo et modeste, un peu comme si on entreprenait de refaire la grotte
de Lascaux dans sa cave. Cela renseigne sur un certain état d’esprit, DIY et empirique, qui n’a
pas peur de s’attaquer aux symboles. Ici, la pyramide devient une étagère. Y sont disposées
de nombreuses céramiques, réalisées pendant la résidence de Séverine Bascouert et Sammy
Stein sur l’île de Nantes.

OÙ SOMMES-NOUS
Les oeuvres tracent les contours d’un continent imaginaire cohérent, constitué entre autres :
D’espaces souterrains, enfouis ou cachés
De territoires oubliés
De refuges qui n’en sont pas
De silence
De phénomènes météorologiques simples
De métamorphoses de la matière
De sentiments humains projetés sur les éléments naturels
De musique tellurique
De légendes sylvestres
De gestes de modelage
De multivers
De temporalités géologiques
De mélancolie.

VISITE GUIDÉE
Dans l’exposition, le texte accompagne souvent l’image, dans les céramiques comme dans les
sérigraphies. Il est lapidaire, elliptique, laconique. Il s’en tient fréquemment à l’énoncé d’un titre
programmatique. Ces présences succinctes orientent pourtant la lecture des objets, et invitent
à imaginer des récits plus amples, à compléter. Dans un article publié dans l’ouvrage De nouveaux
sillons, l’artiste Louise Aleksiejew s’interroge sur la voix off que l’on pourrait imaginer
pour ces textes qui accompagnent les images de Sammy Stein : « Les voix de Sammy Stein
sont bienveillantes. Agentes de médiation, elles canalisent notre attention et nous guident dans
l’exploration d’un paysage, l’histoire d’un individu, la visite d’une exposition.
Elles sont posées et assurées, elles savent de quoi elles vont nous parler, nous qui ne savons
rien. Nous lâchons prise ; nous faisons confiance. […] Les phrases courtes et poétiques, hypnotisent
doucement. […] Le récit s’émancipe de son besoin d’action, d’aventure, de progrès. Il ne
relate plus l’évolution d’un corps physique dans un espace concret, mais devient le support de
déambulations métaphysiques. »1

MÉMOIRE CÉRAMIQUE
La pratique de la céramique est une aventure nouvelle pour Séverine Bascouert et Sammy
Stein, qui s’y adonnent expérimentalement depuis une année. Technique ancestrale qui a
traversé les couloirs du temps, la céramique est affaire de température, d’une certaine météorologie:
du chaud qui produit du froid, une matière en fusion qui se fige dans le souvenir
d’un processus. Formellement, les objets qui peuplent La Nuit des livres-pierres demeurent
assez primitifs, ébauches bosselées fidèles à leurs origines telluriques et brutes. A contrario,
leur surface brillante, issue d’un émaillage laiteux aux reflets colorés délicats, les dotent d’une
préciosité paradoxale. Sérigraphié sur cette couverte, le texte leur assigne parfois une autre
dimension temporelle : celle des livres imprimés ou des objets-souvenirs, patinés et surinvesti
de référents culturels. Entre tradition et folklore, ces souvenirs de voyage précieusement choisis
cristallisent un éventail d’émotions visuelles et transmettent les perceptions de l’exotisme,
spatial ou temporel. Ces objets ne peuvent pas être trop lisses, trop bien façonné ou aux couleurs
trop franches : imparfaits et fanés, ils ont plus d’authenticité. Et leur corps de céramique
les leste d’une mémoire supplémentaire.

PIERRES PLANANTES
Dans les sérigraphies sur papier, des récits se composent en écho ou en miroir : on y recroise
des toiles d’araignée et des fossiles, des livres et des parchemins, des paysages souterrains
et des architectures en ruine. Des cordes enchevêtrées relient les étapes du voyage ou les
embrouillent, au choix. Le processus de composition des dessins de Sammy Stein est caractéristique:
dans l’espace bidimensionnel de la feuille, il insère des vignettes rectangulaires
ou ovoïdes, similaires aux pop up qui s’affichent en superposition d’une première fenêtre de
navigation internet. Ces formats surgissants introduisent des effets de perspective et animent
le rythme de lecture, en cassant toute routine linéaire. En filigrane, ces superpositions de plans
flottants rappellent le mouvement musical de la vaporwave 2, dont le pendant visuel fut surnommée
A E S T H E T I C : une esthétique techno-surréaliste, pur produit de la contre-culture
internet, hypnotique et virtuelle, flottant dans les limbes qui séparent la conceptualisation de la
création. Dans cette ambiance onirique que la fragilité du trait de Sammy Stein amplifie, même
les pierres paraissent flotter.
Quant aux couleurs, qui combinent les encres mates et pailletées, elles enrichissent la profondeur
des compositions : Séverine Bascouert en travaille la complémentarité, pour des circulations
chromatiques qui gagnent en douceur.

KALÉIDOSCOPE SOYEUX
Conçu à partir d’une oeuvre originale de Sammy Stein, un nouveau carré de soie vient enrichir
la collection de foulards d’artistes initiée par Mira Éditions. L’artiste a imaginé une composition
cloisonnée : elle rappelle les vues kaléidoscopiques, qui se réfléchissent sur un jeu de miroirs,
et produisent d’infinies combinaisons de motifs. Peuplé de paysages tout droit sortis des objets
en céramiques présentés dans l’exposition, ce foulard synthétise le périple parcouru dans La
Nuit des livres-pierres. Lisible dans tous les sens, ce grand tableau décrit la saga du mouvement,
de la métamorphose de la matière et des récits épiques qui l’accompagnent. La succession
rapide et changeante de couleurs travaillées en dégradés subtils renforce la sensation
d’une lumière ondoyante et fantastique, qui fait définitivement basculer chaque scène représentée
dans le domaine du rêve et de la fable visionnaire.

Notes :
1 – De nouveaux sillons, Ensad Nancy, 2021. Direction éditoriale : Jean-Philippe Bretin.
2 – Née dans le bouillonnement de la scène musicale électronique expérimentale des années
2000, la vaporwave s’affilie à l’artiste Daniel Lopatin, aussi connu sous le nom d’Oneohtrix Point
Never, qui publie en 2010 l’album Eccojams Vol. 1 sous le pseudonyme de Chuck Person: un
assemblage étrange et hypnotique de samples des années 1980, 1990 et 2000, ralentis, répétés
en boucle et parsemés de bruitages typiques des technologies de l’époque.

Séverine Bascouert et Sammy Stein collaborent sur de nombreux projets.
En 1997, Séverine Bascouert fonde l’Institut sérigraphique, un atelier qui a privilégie l’expérimentation de la technique sérigraphique, en collaboration avec de nombreux artistes. Son expertise l’a progressivement amenée à diversifier les formats et les supports (papier, bois, tissus, céramique) et à préciser la finesse des nuances permise par la sérigraphie. Dans l’élaboration de transparence ou de dégradé, dans les superpositions de couleurs ou la fabrication des encres et des pigments, elle innove en quête de solutions techniques. Cette créativité lui confère depuis des années un statut particulier : dans le partenariat et la recherche, elle devient co-créatrice des images, dans l’hybridation d’une technicité artisanale et d’une réflexion artistique.

Quant à Sammy Stein, il lie une pratique intensive du dessin à une remise en question persistante du système graphique ou narratif propre à la bande dessinée. Dans ses récits, la forme fluctue en fonction du fond : qu’il aborde le thème du paysage, de l’espace et du temps, des objets, il poursuit une recherche attentive sur la lecture des images, la narration, la composition.
Publié dans de nombreuses revues et auto-éditions, il affectionne les résidences et l’inspiration née in situ.
Il est également éditeur de Collection, revue consacrée au dessin contemporain, et co-fondateur de la revue de bande dessinée Lagon, avec Séverine Bascouert, Jean-Philippe Bretin, Alexis Beauclair et Bettina Henni.

À l’issue d’une résidence initiée par l’espace Mira, Séverine Bascouert et Sammy Stein dévoilent un ensemble de pièces inédites réalisées à quatre mains, à l’occasion de l’exposition La Nuit des livres-pierres. Sur place, une série de publications sera également disponible au public, dont le tout dernier livre édité par le duo : Puntorrent, le récit en mots et en images d’une turbulente épopée estivale

Eva Prouteau, critique d’art

 

Complément d'information

Pour la soirée de vernissage le duo The Brain sera aux platines, DJ set dès 18H !

The Brain - Eva Prouteau & Pascal Lebrain - deux hémisphères pour un même couple de DJ curieux de musiques incongrues.
Une émission de radio culte depuis plus de 20 ans, la formidable The Brain Radioshow !
Electro-pop outsider, curiosités vintages, tracks inclassables mais fun, tubes insidieux, versions inédites ...
Sur le dancefloor ou dans les Superboum qu'ils organisent, ils concentrent ce mélange en y ajoutant une bonne dose d'euphorie contagieuse.

Horaires

Du mardi au samedi de 10H30 à 19H

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Galerie MIRA 1bis rue Voltaire 44000 Nantes France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022