Jean-Claude GUILLAUMON : Souffler c'est jouer

Exposition
Arts plastiques
Galerie José Martinez - 69001 Lyon

Souffler n'est pas jouer, photographie couleur, 2004, 60x140cm, 3 exemplaires

[...] Jean-Claude Guillaumon se tient, souriant, pas dupe, au carrefour des images, des couleurs, du noir et du blanc, de la fixité et du mouvement, du dit et du non-dit dans une sorte de valse-hésitation, tel un balancier qui, traversant le cadre du regard, le ferai revenir d’une échappée vers des oeuvres anciennes, classiques, aussi des scènes et des portraits impraticables. Il piège la familiarité que semble offrir l’image au regard hâtif pour emmener ailleurs le regardeur qui espère, devant le cadre vide, que revienne du hors-champ, pour le surprendre, l’étonner, celui qu’enfin l’objectif fige, un certain Jean-Claude Guillaumon qui s’avance masqué. [...] Michel Le Bayon Juin 2004

Complément d'information

La boîte à chaussures

Longtemps j’ai cru que les photographies devaient rester dans les boîtes à chaussures, être en noir et blanc, n’en sortir que lorsque les grand-mères voulaient raconter à leurs petits enfants comment c’était bien avant. Forcément. Les photos, c’est ça.











Et puis le "marché de l’art" fut à court, on accrochait certes mais il devint vite évident que ça n’était plus ça, on osait à peine parler de peinture, on devait faire dans l’installation, le grand, le muséal, et ça coûtait la peau du cul. Les murs restaient vides et les caisses aussi, le temps des vaches grasses n’était plus, il fallait occuper les murs, on ouvrit les boîtes à chaussures, on mit sur les murs et l’on proclama : c’est de l’art ! D’aucun se dirent : non, sans doute pas, pas encore, mais... Jean-Claude Guillaumon est de ceux-là.











J.C. Guillaumon n’a pas de boîte à chaussures.











Cependant, il n’avait plus envie de "faire" de la peinture, il avait "installé" en son temps, il s’est tourné vers "la mise en scène". Ça coûte cher. Alors pour le casting il a trouvé guillaumon; pour le décors, un drap de velours noir qu’il tendait dans sa cuisine ; pour la durée, l’instantané. Voilà, il ne fait plus de peinture, plus d’installations, il s’autophotographie en noir et blanc, parfois en couleur, peu. Maintenant J.C. Guillaumon met en scène guillaumon, il fallait y penser.











J.C. Guillaumon est de la race des grands comiques figés, j’ai nommé Lloyd, Charlot, j’ai nommé l’immense Buster Keaton ; guillaumon est lui aussi un personnage qui ne sourit jamais, qui accepte d’être mêlé à des histoires graves qui font marrer J.C. Guillaumon. Contrairement aux apparences, il ne fait pas d’autoportrait, il prend ce qu’il a, un guillaumon, c’est plus commode, il photographie celui qu’il met en face de lui. Ça lui ressemble mais si l’on croit que c’est lui, c’est tout aussi faux que de penser : "ceci est une pipe". Et quand J.C. Guillaumon a besoin de personnages supplémentaires, quand la production se complique, il y adjoint des individus qui ressemblent étrangement, clôniquement, à des guillaumons... comme un écho démultiplié, altéré, bondissant. C’est de ce matériau qu’il tire des histoires instantanées, faites de multiples guillaumons, juxtaposés, multipliés, saisis en quelque situation impossible, figés en ces histoires que vous devrez découvrir, inventer à compte d’auteur, que ces compositions suggèrent.











Ses photos ne "disent" pas. C’est du muet, elles racontent avec la précision du muet, la distance, la dérision ; un faux autoportrait permanent qui nierait la représentation à force de reproduire l’image. Un narcisse caché derrière un multiple s’auto-ironisant sans jamais perdre la face. Absurdement et noblement baroque. Parce que jeu, gratuité, impossibilité. Paramètres qu’il souligne comme les "cartons" venant ponctuer les seize images par seconde du muet. Les cartons se faisant cartels, ça donne, au hasard : Guillaumon ou les affres de la peinture ; Se peindre, S’émouvoir ; L’homme abandonne sa destinée à quelques-uns (Jonas et la baleine de béton) ; L’amour en HLM ; L’artiste faisant la roue... une sorte de "belgitude" : on insiste un peu pour être sûr de l’effet, en réalité ça fait loupe, ça déstabilise ; un goût de littérature canulardeuse comme pouvait, sans l’avouer, le revendiquer Duchamp et les peintres surréalistes. Il n’a rien à "dire", n’était l’envie de raconter des histoires improbables. Cette gestuelle fixée par l’objectif a suffisamment de "dit" pour qu’il corse le jeu de quelques fausses pistes qu’on a la tentation d’emprunter.











J.C. Guillaumon se tient, souriant, pas dupe, au carrefour des images, des couleurs, du noir et du blanc, de la fixité et du mouvement, du dit et du non-dit dans une sorte de valse-hésitation, tel un balancier qui, traversant le cadre du regard, le ferai revenir d’une échappée vers des oeuvres anciennes, classiques, aussi des scènes et des portraits impraticables. Il piège la familiarité que semble offrir l’image au regard hâtif pour emmener ailleurs le regardeur qui espère, devant le cadre vide, que revienne du hors-champ, pour le surprendre, l’étonner, celui qu’enfin l’objectif fige, un certain J.C. Guillaumon qui s’avance masqué.











Laissons les boîtes à chaussures aux petits n’enfants et à leurs bonnes-mamans. Regrets éternels. Bernard Lamarche-Vadel écrivait : "Le seul grand artiste d'aujourd'hui est celui qui apporte les preuves de son inexistence et de sa survie qui sont les conditions ordinaires mais occultées de quiconque a le coeur battant".



















Michel Le Bayon



Juin 2004

Horaires

ouvert du mercredi au samedi de 15h à 20h et sur rendez-vous

Adresse

Galerie José Martinez - 69001 28, rue Burdeau 69001 Lyon France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022