Gilles Saussier

Le Tableau de chasse
Exposition
Photographie
L’artothèque, Espaces d’art contemporain Caen

Gilles Saussier est né en 1965 à Suresnes. Il vit et travaille aux Andelys (Eure). «Il ne suffit pas d´être au cœur des grands événements et de les photographier pour écrire l´histoire. Dans « le tableau de chasse », je reviens sur mes propres photographies de la révolution roumaine, prises entre le 23 et le 26 décembre 1989 lorsque j´étais reporter à l´agence Gamma. Parmi ces photographies, un instantané dramatique de soldats roumains pris sous le feu a été publié dans Time, Stern, Paris-Match et bien d’autres journaux. Il m’a valu la reconnaissance de la profession et de nombreux prix dont un World Press photo. Souvent reprise pour commémorer les riches heures du photojournalisme et de l’agence Gamma, cette image symbole permet-elle pour autant de penser au présent l´histoire des événements de la révolution roumaine ? Je suis retourné à plusieurs reprises enquêter à Timisoara et soumettre à des acteurs de la révolution roumaine mes photographies. Elles ne les ont que peu intéressé. Les moments clefs de l’insurrection ont eu lieu entre le 16 et le 20 décembre 1989 avant que n’arrivent les reporters étrangers et que ne soient prises la plupart des photographies aujourd’hui disponibles dans les archives des médias. Cet exemple parmi tant d’autres contredit l’idée reçue selon laquelle l’actualité serait couverte à profusion. Aujourd’hui comme hier, nous n’avons bien souvent que peu ou pas d’image des événements historiques les plus tragiques : des camps de concentration jusqu’à Guantanamo en passant par le génocide cambodgien, la guerre du Golfe, ou Srebrenitsa. Ceci devrait inciter à plus de modestie, tous ceux qui parmi les photographes de presse se prétendent nos peintres d´histoire et les dépositaires de notre mémoire visuelle collective. A Timisoara, aucune photographie n´a permis d’établir la responsabilité de l’armée roumaine dans le meurtre de 146 civils et les blessures infligées à 400 autres personnes. On sait cependant que c’est l’armée roumaine qui en décembre 1989 a tiré sur la foule désarmée et non pas la Securitate qu’aucun reporter étranger n’a pu voir ni photographier. De mon point vue, la photographie que j’ai publiée en 1989 en couverture de Stern pose au moins autant de questions que les images controversées du vrai-faux charnier. Parce qu’elle montre des soldats de l’armée roumaine victimes de tirs, que les journaux ont systématiquement attribué à la Securitate, cette photo a symboliquement dédouané l’armée de ses crimes envers les civils. Vingt ans après les événements, on ne sait toujours pas qui tirait sur ces soldats mais on continue de publier ma photographie. Pour la profession, elle reste une excellente image de guerre. Pour tous ceux qui cherchent à penser la révolution roumaine, elle est une image dont il faut travailler l’actualité. C´est ce que je propose dans le Tableau de chasse en confrontant ces photographies de 1989 à des séries d’images prises depuis 2003 qui sont une méditation sur le rapport des images à l’histoire, à la mémoire au monument. La monumentalité des images symboles, affranchie le plus souvent des exigences minimum de contextualisation, fige la pensée et le questionnement de l´histoire. Mes séries proposent au contraire d´autres lectures et interrogent la manière dont l’héroïsme des reporters peut recouvrir celui des acteurs des événements eux-mêmes.» Gilles Saussier Exposition réalisée en partenariat avec le Point du Jour Centre d’art-Editeur de Cherbourg, le Centre Photographique Nord Pas-de-Calais et la galerie Zürcher Paris.

Artistes

Adresse

L’artothèque, Espaces d’art contemporain Palais Ducal 14000 Caen France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022