Gemälde 2015

Exposition
Arts plastiques
Galerie Allen Paris 03

À une époque où elles se voient multipliées, exposées et diffusées à un point que nul n’aurait pu prévoir, la valeur des images se trouve simultanément accrue et réduite à néant par leur reproduction facilitée et la négation de toute notion de propriété à leur égard. C’est précisément ce moment que Linus Bill + Adrien Horni ont choisi pour restaurer les fondements et la hiérarchie de l’image. Créant des œuvres d’art autonomes de dimensions supérieures à la taille humaine alors que la plupart des images sont aujourd’hui conçues et présentées exclusivement sur des écrans, le duo d’artistes suisses nous fait reconsidérer la genèse, la chronologie et la géographie de l’image, jusqu’à sa conclusion la plus probable.

La première collaboration de Bill et Horni s’inscrivit dans le royaume du graphisme, lorsqu’ils furent invités à apporter une touche artistique à un rapport annuel des Swiss Art Directors Club advertising awards afin de le rendre moins austère. Bien que peu de tâches puissent sembler plus arides, les artistes parvinrent à réinventer le système de valeurs de la compétition. De façon énigmatique, ils épurèrent et dégradèrent le design ayant remporté le prix, soumettant un second volume, tiré sur une photocopieuse grand public, célébrant le travail des perdants. Entaché de bruit visuel et de pages impudemment vierges, cette déconstruction et libre reconstruction du dur labeur d’autrui remporta un vif succès et poussa les artistes à pousser plus loin cette approche.

Bill et Horni ont recours à des outils tant analogiques que numériques pour créer leur matériau de base – papier, ciseaux, colle, photocopieuse, scanner, iPhones, iPad et Powerbooks, imprimantes grand public, haut-de-gamme ou d’architecte. Leurs croquis, s’ils sont d’abord jetés sur le papier, se retrouvent bientôt au format .jpeg, et les deux artistes se les renvoient comme des balles de ping-pong jusqu’à ce que « cela soit ou réussi, ou trop ennuyeux».1 Cette répétition joue un rôle capital dans le processus, tout comme l’emploi d’un matériel de base rudimentaire. Le recours aux outils numériques est lui-même limité aux fonctions les plus simples, de type copier / coller / dupliquer / changer d’échelle, de la même façon que les formats utilisés se restreignent aux standards de base - A4 pour le papier, ou le cadre d’un écran d’iPad.

S’affranchissant de la formule consciencieuse création / documentation / distribution en vigueur dans le monde de l’art, les artistes abordent plutôt leur propre processus sous l’angle de la vente par correspondance. Renversant la logique même de la notion de catalogue d’exposition, Bill et Horni le font passer avant l’œuvre d’art, du moins chronologiquement. L’impression du catalogue précède la production des pièces destinées aux cimaises de la galerie ou du musée. Les artistes insistent sur le fait que « les livres sont des genres de catalogues au sein desquels nous choisissons notre prochaine peinture.»2

Le prochain ouvrage des artistes et le plus imposant à ce jour, Gemälde 2013 - 2017 – les années déterminant à la fois le cadre chronologique des sources utilisées et la période durant laquelle les peintures doivent être réalisées –, sert de base à leur première exposition à la Galerie Allen, ainsi qu’à celles qui suivront. Tout comme la création des matériaux de base et la publication antérieure du catalogue, le processus de sélection et d’exécution d’une peinture requiert un protocole d’actions et de réactions, où chaque effort est basé sur le précédent. Les artistes agrandissent la vignette du catalogue aux dimensions d’un tableau monumental. Comme s’ils se passaient à eux-mêmes commande d’une reproduction fidèle de leur œuvre à très grande échelle, les artistes optimisent leur propre travail, recourant à des outils professionnels tels que des rouleaux, des pochoirs et du matériel de sérigraphie, se conformant strictement à l’exécution des plans imposés par le volume relié. Selon le curateur Gianni Jetzer, « le fait que les images sources n’aient pas été créées pour être agrandies [fait que] les œuvres oscillent entre la chose réelle et sa représentation ... donnant ainsi des ‘peintures’ d’une beauté irritante.»3

Le travail de Linus Bill + Adrien Horni, nés en 1982 en Suisse, a fait l’objet d’expositions personnelles à la Nathalie Karg Gallery, NY, USA, à la MJ Galerie Geneva, à l’Istituto Svizzero, Milano, Italie et au Swiss Institute, New York, USA (avec Aubry/Broquard). Ils ont participé à des expositions collectives à la Kunsthaus Langenthal, Suisse, à la Villa Bernasconi, Suisse, à l’Helmhaus, Zürich, Suisse et à la Kunsthalle Bern, Bern, Suisse. Ils ont reçu le Swiss Art Award 2013. Leurs oeuvres sont présentes dans les collections publiques de la Ville de Bienne et de la Ville de Zürich, ainai que dans plusieurs importantes collections privées.


1-2. Extraits d’une conversation avec les artistes.
3. Gianni Jetzer, Painting and Jugs, Swiss Institute, New York, 2012.
4. Extrait d’une conversation avec les artistes.

Adresse

Galerie Allen 6, passage Sainte-Avoye 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022