Flying House

Texte de Anne Malherbe destiné à accompagner l’exposition Flying House de Jeanne Susplugas à l’église des Trinitaires, Metz (31.03 – 15/05.2023).

Qu’emporteriez-vous dans l’urgence, si vous ne deviez jamais revenir ? C’est par cette question posée à ses modèles que Jeanne Susplugas a renouvelé, lors d’une série de dessins, le genre du portrait. Ne pas représenter les traits mais ce qui tient à cœur, l’important, l’indispensable. Chacun avait sa propre réponse. Ce sont certains de ces objets-fétiches qu’entraîne dans son envol la Flying House. Défiant la gravité à la façon d’une montgolfière, elle emporte avec elle crayon, raquette de tennis, médicament, revolver, un ensemble disparate, anecdotique pour certains, crucial pour d’autres. Démesurés par rapport à la maison, ils pourraient symboliser cet état d’hallucination issu de l’enfance qui fixe à jamais notre attachement à certains objets. La maison à laquelle ils s’accrochent est de celle que dessinent les enfants, universelle, lisible, rassurante : toit rouge, cheminée, porte bleue, deux fenêtres carrées et symétriques. Qu’elle soit en verre, en bois ou dessinée, la maison d’enfance hante le travail de Jeanne Susplugas. Elle en est la matrice. Souvent close, ainsi la Flying House dont on ne perçoit rien de l’intérieur — ses fenêtres renvoient une couleur bleu-gris, froide comme le ciel. Des murs, un toit : ce peut être une simple boîte —un ensemble de cubes à partir duquel on bâtit un village, l’église et les habitations qui s’y accrochent. La maison préserve nos rêves tout en les enfermant, enfouit nos peurs tout en les nourrissant. Mieux vaut faire un jeu de cette forme modulaire et primordiale, dont parfois s’échappe, comme un soupir, un objet banal, inquiétant, drôle ou extravagant.