Emotions : Sudaporn Teja et la sculpture khmère

La Galerie Jean-François Cazeau prolonge jusqu'au 23 mai rue sainte-Anastase, l'exposition "Emotions: Sudaporn Teja et la sculpture khmère" organisée dans la galerie de l'hôtel Royal Monceau du 5 au 29 mars. 

Sudaporn TEJA vit à Chiang Mai en Thaïlande où elle est née en 1986. Son nom de famille, « Teja » (un vieux mot Lanna dérivé du pali), a une longue lignée artistique qui remonte au règne de Rama V. C’est le nom de l’arrière grand-père de Sudaporn, « Noy-Teja » (Noy est un préfixe désignant une personne instruite) qui fut adopté comme nom de famille (avant la modernisation de la Thaïlande, les Thaïs n’avaient pas de nom de famille). Noy-Teja était un musicien accompli qui maniait si bien le violon à trois cordes qu’on l’appelait « Noy-Teja qui perd le buffle ». Dans les rizières, sa musique fascinait les gardiens de buffles au point qu’ils en oubliaient leurs animaux. Jouant à de nombreuses cérémonies officielles comme privées, notamment à la cour, Noy-Teja s’imposa comme l’un des meilleurs musiciens de son pays et de son époque. Les grands-mères de Sudaporn excellaient dans l’argenterie et dans diverses formes de tissage et sa mère perpétue encore cette lignée d’artisans accomplis dans la tradition des Dai. Le génie de Sudaporn Teja coule ainsi au plus profond de ses veines. 

Ses peintures abstraites, car tel est le mode d’expression qu’elle a choisi en tant qu’artiste, sont de véritables appels de l’intérieur. À l’image de ses émotions, ses coups de pinceau gagnent en assurance à mesure qu’elle grandit et qu’elle mûrit. Associés à son sens exact des couleurs et des gestes, ils lui permettent de raconter ses voyages émotionnels, passés et présents, d’exprimer ses profondes émotions de joie et de peine en même temps que de les purifier. Ils sont les manifestations de sa conscience et de son travail sur elle-même. 

« La vérité est que l’art doit être l’écriture de la vie. » Édouard Manet 

L’œuvre de Sudaporn Teja est à la fois sincère et spirituelle. Bien que sa peinture semble s’inscrire dans la suite de l’abstraction lyrique, voire de l’expressionnisme abstrait, Sudaporn n’en a pas subi l’influence. On retrouve dans ses tableaux une part d’automatisme gestuel, où l’artiste se libère et exprime en toute spontanéité ses émotions intérieures directement sur la toile, par la couleur mais aussi par la texture, en célébrant le fait de peindre comme un acte de communication en soi. 

« Ce qui est pour vous abstrait, est réel pour moi... Les toiles sont les pages des journaux intimes des peintres. » 
Zao Wou Ki 

À travers ses peintures, Sudaporn Teja cherche à exprimer ses sentiments sur le paysage comme sur le monde qui l’environne, ainsi que ses émotions les plus intimes. « Mon art me sert à exprimer des sentiments qui me viennent de mon expérience de la vie et des situations de transition ainsi que de mon interaction avec les gens que je rencontre. Ces œuvres me sont venues du plus profond de ma conscience, elles sont nées de mes émotions de joie et de peine que j’ai libérées et purifiées par mon art. Mes peintures sont autant de représentations symboliques de ma vie passée et présente, les histoires qu’elles racontent me rappellent qui je suis et où j’ai vécu. Mon art est aussi fortement influencé par ma spiritualité en tant que bouddhiste. Il donne à voir les convictions que j’ai tirées de ces enseignements. L’importance qu’il y a à travailler sur soi pour accepter au plus profond de son coeur le bien comme le mal dans la vie joue un rôle capital dans mon travail artistique. » 

« La peinture est un art, et l’art dans son ensemble n’est pas une création sans but qui s’écoule dans le vide. C’est une puissance dont le but doit être de développer et d’améliorer l’âme humaine. » Wassily Kandinsky 

Dans ses peintures Sudaporn Teja écarte les suggestions figuratives, privilégiant l’acte physique de peindre. Elle réalise ces œuvres abstraites en peignant, égouttant ou projetant de la couleur sur la toile. La structure du tableau résulte de son intuition, mais aussi des divers comportements de la couleur. L’énergie vitale et la psyché qui animent son corps constituent le moteur, la ressource et le sens de son travail. Peindre apparaît alors comme un moment d’existence irréfléchi et pulsionnel. L’œuvre est un témoignage du corps vivant, en action et en mouvement dans l’instant. 

« Chaque forme, chaque espace qui n’a pas la pulsion de la chair et des os, la vulnérabilité au plaisir et à la douleur n’est rien. Toute peinture qui ne témoigne pas du souffle de la vie ne m’intéresse pas. » Mark Rothko 

Sudaporn Teja a étudié les beaux-arts à la Faculté des Beaux-Arts et d’Architecture de la Rajamangala University of Technology Lanna (RMUTL) jusqu’en 2008 et la peinture à la Faculté des Beaux-Arts de l’Université de Chiang Mai jusqu’en 2013. Depuis, elle s’est associée au programme de résidences soutenu par la fondation Thaillywood, organisme indépendant fondé par Marie et Hugues Taittinger. 

La Fondation Thaillywood développe un programme de résidences d’artistes dans la province de Chonburi en Thaïlande. Par ses efforts de mobilisation et de diffusion communautaire, elle promeut les pratiques artistiques contemporaines et stimule le dialogue interculturel par-delà les distinctions de race, d’âge, et d’expérience artistique. Elle crée des espaces de rencontres et d’expositions en partenariat avec des galeries de renom à Bangkok et outre-mer où peuvent s’épanouir les valeurs fondamentales d’ouverture, de liberté, d’expérimentation et de collaboration de la fondation. Elle cherche à soutenir et à promouvoir des artistes thailandais émergents dont les techniques artistiques et les œuvres sont solidaires de ces valeurs. 

« L’art est le fruit de la créativité des gens libres. » John Fitzgerald Kennedy