Dora Garcia

«Le projet s’intéresse à la double signification de l’expression Last days ou Derniers jours utilisée à la fois dans l’univers de la consommation de masse et dans le domaine de la littérature ou du cinéma de catastrophe.
Évoquer un sentiment d’apocalypse, d’urgence et de supériorité, dans un centre commercial est très intéressant car il y a pour moi quelque chose de terrifiant dans ces espaces.
L’installation consiste en un magasin réel où les gens (clients et amateurs d’art) peuvent acheter des objets et des oeuvres d’art. Le magasin vend une variété d’articles de merchandising comme des t-shirts, des tasses à café, des stylos, logotypés au slogan «Derniers jours,» ainsi que d’autres produits liés à la notion de l’apocalypse : des livres, des fanzines, des films catastrophistes. Cette série est identifiée au moyen d’un autocollant « Magasin dystopique » et vendue par unité pour un prix symbolique…où à l’envie du client.»
Dora Garcia

« Depuis le début des années 1990, le travail de Dora Garcia consiste à mettre en place des situations qui modifient les relations traditionnelles entre l’artiste, l’oeuvre et le spectateur.
Utilisant la vidéo, l’écriture et la performance, Dora Garcia se considère comme un metteur en scène : elle imagine des scénarios et met en place des règles spécifiques, relativement simples, qui déterminent les comportements de ses sujets (acteurs ou spectateurs), non pas pour imposer un scénario, mais aussi pour s’adapter aux réactions de l’autre. Dora Garcia manifeste un intérêt pour l’espace public urbain à travers la réalisation d’oeuvres, qui engagent la participation d’acteurs et l’interaction avec le public, dans des espaces de transaction urbaine (places publiques, réseaux de transport…). »*

La question de l’espace commun et partagé est donc cruciale pour elle, précisément par ce que c’est à cet endroit que se développent les problématiques de la vie contemporaine.
Ainsi, un centre d’art contemporain intégré à un espace commercial devient, grâce aux flux de populations qui le traverse, un champ d’investigation extraordinaire lui permettant de faire du public l’objet même de l’oeuvre, et non son destinataire.
Pour l’exposition, Dora Garcia a, comme de coutume, débuté son travail par une observation intensive du lieu et de son contexte : ce sont évidemment les relations de l’espace d’art à l’espace marchand, du public amateur au client du supermarché et leurs différentes interactions qui ont motivé l’approche critique du projet.
Grâce à « Last Days », Le Parvis devient un magasin où sont vendus des objets dystopiques qui semblent faire le jeu du devenir (fictionnel ou pas ?) de notre monde.
Ainsi, des Fanzines libertaires, des CD, des DVD, des films etlivres d’anticipation catastrophistes se transforment en oeuvres à vendre, sans que l’artiste ne les ait produites, mais auxquelles elle confère, par simple manipulation ou décision, le statut d’artefact.

Quant à l’exposition, c’est une oeuvre en temps réel, une performance où il ne se passe pas grand chose et qui n’a rien de différent de ce que la réalité du magasin attenant peut produire.
Or, c’est précisément à cet endroit, dans cette limite trouble entre fiction et réalité, que se joue l’art de Dora Garcia, que s’écroule la frontière entre le monde tangible et celui que nous imaginons.
Et c’est en osmose avec cette citation de J.G. Ballard qu’elle pourrait faire sienne, que Dora Garcia scrute son époque et imagine celle à venir :
« L’équilibre de la réalité et de la fiction s’est radicalement modifié au cours de la décennie écoulée, au point d’aboutir à une inversion des rôles. (…) Nous vivons à l’intérieur d’un énorme roman. Il devient de moins en moins nécessaire pour l’écrivain de donner un contenu fictif à son oeuvre.(…) Le travail du romancier est d’inventer la réalité. »

*www.michelrein.com