Des Hauts et des Bas

Adrien Fricheteau - solo show
Exposition
sobering Paris 03

« Ce que l’art est tout d’abord, et ce qu’il demeure avant tout, est un jeu. » disait Georges Bataille en 1955.

Pour sa première exposition personnelle à Paris, Adrien Fricheteau, peintre français diplômé des Beaux-Arts de Paris, propose une réflexion originale sur la tradition picturale classique et une remise en question de la fonction de la peinture dans nos sociétés contemporaines, tout en formant un travail spontané et singulier, à la limite du jeu et de l’impertinence.

Il travaille la peinture à l’huile, un médium qui lui permet l’exploration d’une technique qui représente à la fois un moyen pictural en soi, et un objet à valeur artistique, inscrit dans un contexte social particulier : celui de la grande peinture de la Renaissance, des maîtres flamands, qui nous évoque les toiles monumentales contemplées dans les musées. En explorant différents registres artistiques, il interroge le statut de l’image. Son œuvre se base sur une réflexion sur l’Art en tant que système de représentation. Adrien Fricheteau possède un esprit spontané lui permettant de s’éloigner du formalisme et de tourner en dérision le mythe de l'Artiste et du génie créateur, par exemple dans son Autoportrait à 30 ans. Il puise son inspiration dans les poncifs des genres pré-établis de l’histoire de la peinture et questionne la mythologie de la peinture dans son rapport aux sociétés. Il désire s'éloigner d’une peinture qui “écrase le regardeur” et explore diverses figures de l’artiste afin de produire une peinture décomplexée, à la dimension “héroïquement modeste” tout en explorant un rapport sensible à l’intériorité et à l’intime.

Une partie essentielle de son travail est fondée sur l’encadrement de ses œuvres, dont il exploite pleinement le potentiel en explorant par exemple des cycles. En utilisant des cadres aux formes originales, il confère à l'œuvre une dimension d’objet. Toutefois, en encadrant des objets communs, il les élève paradoxalement au rang d’art.

En mettant en scène l’Artiste sous une position moins glorieuse que celle qu’on lui connaissait, par exemple dans des autoportraits de Dürer, il se joue des codes traditionnels de la peinture de chevalet, tout en explorant les différents genres de la peinture classique, comme le paysage. Il détourne la position de médium privilégié de la peinture à l’huile dans une histoire de l’art bien spécifique, en réutilisant notamment des photographies provenant de banques d’images. 

Ionesco disait en 1962 “L’œuvre d’art n’est pas le reflet, l’image du monde ; mais elle est à l’image du monde”, et de la même manière, Adrien Fricheteau propose des clins d’oeils à l’actualité afin de toujours insérer ses œuvres dans le présent et le quotidien, et de proposer une lecture sous-jacente à ses œuvres. C’est par exemple le cas de son œuvre La flambée de l’essence, dans laquelle le sujet fait référence à des enjeux actuels, qui est accompagnée par les vignettes dans l’encadrement représentant la flambée mentionnée par le titre. Ces vignettes évoquent aussi les prédelles utilisées par les peintres de la Renaissance italienne pour accompagner des tableaux de grands formats, et accompagnent cette démarche de déconstruction des lieux communs de la grande peinture. Toutefois, l'œuvre d’Adrien Fricheteau ne se résume pas à une recherche conceptuelle sur la redéfinition de l’art, il explore aussi la peinture en tant que médium à proprement parler. Il apprécie par exemple travailler la couleur, les dégradés ou les aplats, ou encore s’amuser de la profondeur, des jeux d’ombre et de lumière. Tout en affichant un caractère désinvolte et critique vis-à-vis de la grande peinture classique, l’artiste français ne cache pas son inscription dans la continuité de l’Histoire de l’Art. Le fond monochrome bleu nous évoque notamment les toiles d’Yves Klein et les roses et verts pastels de certains paysages convoquent les peintures des nabis. 

Les sujets absurdes et singuliers sont toujours ancrés dans le réel et rappellent le quotidien de chacun. Adrien Fricheteau confère à des objets banals  - la montre, le thermomètre ou encore les clés - une valeur d'œuvre d’art, lui permettant de déconstruire la hiérarchisation des thèmes et archétypes en peinture mis en place dès la Renaissance. Le thermomètre est ainsi inscrit sur un fond de collines bleues surnaturelles, baignées de lumière dorée qui lui donnent un caractère dépouillé mais spectaculaire. Il apprécie aussi la représentation d'événements marquants pour notre société. Le décollage d’une fusée est par exemple indirectement rattaché au premier pas de l’Homme sur la Lune, en 1969. Toutefois, les sujets sont toujours placés dans une forme d’atemporalité et de décontextualisation où aucun élément ne permet au regardeur d’identifier un moment ou une action spécifique, laissant ainsi une grande place à l’interprétation personnelle du spectateur.

Cet humour caractéristique, cette appropriation d’images banales participant d’une culture populaire commune et cet esprit détaché permettent à Adrien Fricheteau d’offrir une vision neuve et déconstruite de l’état actuel de la peinture, qui passe par une remise en question des codes traditionnels de l’Histoire de l’Art. Ses œuvres sont singulièrement fascinantes, et l’on se plaît à se perdre dans la profondeur des couleurs ou encore à réfléchir à la banalité étrange d’une course de polo ou d’un vol d’hommes écureuils.
 

Inès Molière

 

Adresse

sobering 87 rue de Turenne 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

 Adresse :
sobering galerie
87 rue de Turenne
75003 Paris
 Metro :
Saint-Sébastien-Froissart ( ligne 8 )
Filles de Calvaire ( ligne 8 ) 

Dernière mise à jour le 11 juin 2022