Cornelia Eichhorn, a·souffler

Exposition
Arts plastiques
Galerie L'Œil Histrion Caen
Cornelia Eichhorn, Hermine, 2022

Il y a quelque chose à l’orée du travail, avant.

Quand l’horreur me sidère, le cerveau brise
I freeze
Cela vient derrière comme une main, celle des
ancêtres, qui tient la nuque qui, elle, avance
figée
stiff
avance figée en ligne droite avec la main
derrière, ancestrale aux doigts fins, se déploie
entre chacun un voile, une palme

Il faudrait revenir à la formation des pierres :
surgissement vert de la matière,
épanouissement en lumière, sève, pluie, cela
s’éteint, se comprime, mensonge uniforme du
brun, temps infini
incompris
du temps encore
la putréfaction devient pétrification, se
condense, l’humidité disparaît – avec elle ce
qui, de la vie, pourrit – reste le fossile que la
main, jeune cette fois, ramasse, palpe, que l’œil
libre parcourt, qui renseigne et déploie.

Dans l’atelier de Cornelia Eichhorn, une autre
main, dans les premiers temps de la matière,
agit. Dessine d’abord, elle conçoit, à partir du
corps, l’autre chemin, celui accidenté des
malformations, saturé d’informations,

proliférant. Le trait est une coupe dans la chair du papier, doublée par celle du scalpel sur un autre papier.
Le geste de tracer se fige, ambivalent, entre la chaleur du lien et la rigueur de la scission : de
rien, l’espace devient cartographié. Magma. Ligne splendide d’arcade, petit pli de nez, lèvres douces,
pleines, délicates – pétales denses et fragiles que l’œil vient toucher.

Les dessins de Cornelia, leur méticulosité, convoquent la vie saisie par la ligne : elle fait croire sur la
feuille, constitue une béquille, déploie, dans la fausse continuité d’une surface qui se compte en
grammes, une scène telle qu’elle a réellement été.

A un moment, la couleur
tranche.
Saturée, en crayons, drame.
Frontale, leurre enfantin, plane.
Les découpages ramènent l’autre réel, celui du support, de la composition, disent ainsi quelque chose
à·de la restitution.
Ponction, Détour, L’échine, le sujet altéré par la mise à distance, poussé dans ses retranchements : ce
n’est plus le crayon qui compose, mais l’enchevêtrement de couches pensées en amont puis déléguées
à la neutralité industrielle des couleurs du papier. De là, la main qui, sans fin, avec le plus délicat des
acharnements, coupe et assemble, agit libérée de toute conscience d’elle-même. Libre, enfin, de voir ce
qui se mon·s·tre comme un phénomène de seule altérité.

chapelet
une clochette sourit, la pulpe du doigt
égraine encore, suit les courbes
la voix récite
quelque chose du temps revient -
du présent surgit. Cela est dans le balancement. Regardons partout : ce sont des couches, des nappes,
c’est entre que cela se joue. Tout est déjà quelque chose. Tout l’était.
Unheimlich, uncanny, des mots
forgés pour le dire. Une texture, un membre, un mythe, un corps, l’histoire, des liens, un
enchevêtrement de mémoires. Le miracle des interstices, la prouesse du vide. Organique : le transfert,
oublions le divan. Savoir cela, le voir.

Clare Mary Puyfoulhoux, membre AICA-France, mars 2022.

Complément d'information

Vernissage le vendredi 1er avril à partir de 18h

Adresse

Galerie L'Œil Histrion 3 rue saint Michel 14000 Caen France
Dernière mise à jour le 31 mars 2022