Conférence de Boris Gobille
Pour André Breton et les surréalistes, comme pour d’autres avant-gardes des années 1960, « transformer le monde » (Marx) et « changer la vie » (Rimbaud) constituaient un seul et même mot d’ordre. Les années 1960 ont été cette époque où la politique, l’art et la vie ont été intimement liés. En quoi le cinéma a-t-il participé de cette reconfiguration du « partage du sensible » (J. Rancière) ?
La conférence reviendra sur cette articulation entre esthétique, éthique et politique à partir de deux films de Jean-Luc Godard. À travers la figure de la vie vécue à bout de souffle et celle de la cavale délinquante et amoureuse, À bout de souffle (1960) et Pierrot le Fou (1965) mirent en question les assignations sociales et symboliques qui empêchaient les individus d’être maîtres de leur destin. Ils peuvent être analysés comme des « récits perfectionnistes » (S. Cavell) en ce sens qu’ils appelaient chacun à interroger les discordances entre la vie réellement menée et la « bonne manière de vivre », entre la vie vécue et la vie désirée. Il faut croire qu’un tel appel, dans la France d’alors, n’était pas anodin puisque ces deux films ont suscité d’intenses controverses à la fois esthétiques (est-ce vraiment du cinéma ?) et politiques (Pierrot le Fou est taxé d’anarchisme moral à sa sortie). Ils ont soumis leur époque à une inquiétude dont on sentait qu’elle avait un certain pouvoir de désordre. En tant qu’« affaires publiques », ils doivent donc être appréhendés non plus seulement dans leur forme et dans leur contenu, mais aussi à travers leur réception, chez les critiques comme chez les individus ordinaires. En procédant ainsi, la conférence interrogera la façon dont deux œuvres cinématographiques singulières, quelques années seulement avant Mai 68, ont déchiré le consensus et lancé un défi à l’ordre établi. Ce qui s’entend aussi comme une réflexion sur le pouvoir d’émancipation des œuvres artistiques.
Boris Gobille est maître de conférences de science politique à l’École Normale Supérieure de Lyon.
Sur une invitation de Dean Inkster et de Florence Lazar, enseignants à l’ÉSAD •Valence.
Tarifs :
Entrée libre