Claire COLIN-COLLIN
photo atelier / C.Colin-collin
e pars d'un fond. Un espace de couleur, dont il s'agit d'interroger la profondeur. Ou la vacuité. C'est une peinture abstraite. Une confrontation à la surface. Une tension entre ouvrir et obturer : ouvrir, si c'est un mur; obturer, si c'est un vide. Je répète des actes envers cette surface : remplir, vider, percer, entamer. Le trait la découpe et s'y inscrit en même temps. Il la tient et la nie, il zone, cerne, se noue. Il la peigne ou s'y dépose comme par erreur. Est-ce que ça devient un lieu ?
Un geste couvre le précédent : l'annule-t-il ? En l'altérant, que crée-t-il ?
Je barre. La rature dessine. Ce qui se perd donne lieu à ce qui reste. Une apparition est permise par la destruction de ce qu'il y avait dessous. Une errance se dessine, autour d'une absence. (Les gestes de peinture, à force, révèlent peut-être un corps, dans sa puissance et sa pauvreté.)
Arrivent des masses, des êtres. Des noyaux durs deviennent des spectres. Des spectres deviennent des noyaux durs. L'empilement des couches, les recouvrements, les retraits, luttent avec la disparition. Obturation, masquage, dévoilement, sédiment, oblitération, stratification, résurgence, effacement.
La peinture refuse de ne pas durer. Elle est cette tentative tenace et illusoire de fixer quelque chose pour toujours. Le faire tenir sur la toile comme sur la paroi rocheuse.
(Ce "quelque chose" peut être un sujet mais ce "toujours" est peut-être le seul.)
Est-ce que ça tient en face de moi pour toujours ? Ce qui était devant passe derrière ce qui est devant. Et ainsi de suite. Pour toujours. Et parfois ce qui était derrière repasse devant. Et ainsi de suite. Pour toujours. Et caetera.
Claire Colin-Collin, avril 2014