Christine Laquet
Chaque année, le centre d'art invite un artiste à travailler autour d'une question liée à la zone géographique du nord des Deux-Sèvres. Pour cette neuvième édition, c'est le thème des rivières qui a été retenu. Le travail de Christine Laquet accorde un intérêt tout particulier à la nature. Son approche et sa capacité à s'imprégner d'un environnement pour en donner sa vision singulière la désignait assez naturellement pour mener cette recherche.
Invitée à s'intéresser aux rivières du nord ,des Deux-Sèvres dans le cadre de la résidence d'artiste Figure imposée, Christine laquet est partie du constat que l'activité sur ces rivières était essentiellement consacrée aux loisirs. Elle s'est alors prise à rêver à des temps anciens où les drakkars Vikings conquéraient les voies navigables de l'Occident au haut Moyen-âge.
Également inspirée par l'omniprésence sur les territoire de vestiges géologiques d'un passé lointain, Christine a adopté une démarche d'archéologue, excavant et réinventant, entre réalité et fiction, des traces anciennes et futures de nos rivières. Elle élabora ainsi une archéologie du banal quotidien où la terre cuite, qui induit la présence de l'eau, tient une place majeur.
Cette rêverie produit un parcours dans la Chapelle Jeanne d'Arc métamorphosée en un curieux musée archéologique, parcours rythmé par une succession d'étapes évoquant, non sans humour, le monde de la rivière. L'ensemble participe d'une muséographie imaginaire et fantasque qui relie les éléments les uns aux autres.
Protéiforme dans sa mise en œuvre, de la terre cuite à la vidéo, de l'installation détournant objets ou usages à la réinterprétation de motifs caractéristiques de la rivière dans ses diverses réalités anciennes et actuelles, tels le canoé, la canne à pêche ou le moulin, ce parcours contient une dimension résolument baroque.
Mur de terre au sommet duquel brille le titre de l'exposition: "Riviera" - clin d’œil au film "Pierrot le fou" de Jean-Luc Godard - ; assemblage de fragiles morceaux de cagettes posés sur des piètements rappelant une forme de bateau protohistorique tout en évoquant également la roue d'un moulin ; drakkars et canoés se mêlant et constituant les mêmes vestiges d'une archéologie rêvée ; figures de proue qui viennent orner la chapelle néogothique telles des gargouilles... cette pérégrination s'achève dans le transept et dans le chœur où l'on retrouve la rivière aujourd'hui avec des araignées d'eau géantes en terre cuite posées sur le sol, comme elles sont posées sur l'eau, puis avec une monumentale canne à pêche tournante ornée d'un hameçon customisé sous laquelle se trouve un renard naturalisé.
Tout en évoquant la pêche en rivière, Christine Laquet s'amuse à rejouer un épisode local autour de la création d'un apéritif dont l'étiquette exhibe un homard en donnant forme à une improbable pêche, non pas au homard, mais au renard.
Au sous-sol, pour terminer ce voyage, c'est le crocodile, animal ancestral et inquiétant, qui réapparaît au moyen d'une vidéo et d'une installation réutilisant un leurre. Rappelons nous qu'il y a 150 millions d'années, et plus récemment encore, il y a 50 million d'années, des sauriens vivaient ici.
Jean-Luc Dorchies