Cercle de mémoires

Exposition
Photographie
La Terrasse Nanterre
vue de l'exposition "Cercle de mémoires" de Mario Macilau

vue de l'exposition "Cercle de mémoires" de Mario Macilau

"Une invitation à regarder et comprendre le monde d’un point de vue africain"
N'Goné Fall, commissaire générale de la Saison Africa2020

Dans le cadre croisé d'Africa2020 et d'Afriqu'à Nanterre, La Terrasse propose une exposition personnelle de Mário Macilau, photographe né au Mozambique en 1984. Il présente une nouvelle série intitulée Cercle de mémoires, évoquant l’héritage colonial portugais de son pays.

Dans cette série, il associe dans une même photographie des portraits de familles (souvent la mère et l’enfant) avec les alentours immédiats, des lieux en ruines, notamment des bâtiments datant de l’époque coloniale. Chaque photographie a été réalisée en un même temps de pause, un temps de pause lent, qui lui permet de diriger son objectif d’abord sur les personnes, puis sur les lieux, en contre-champ.

Une réflexion sensible sur le temps et la mémoire, qui suggère à la fois la force et la fragilité de la vie des générations passées, actuelles et futures.

Avec plus d'une centaine de projets, dont six à Nanterre, la saison Africa2020, portée par l’Institut français, invite à repenser notre vision du panafricanisme, ce principe d'unité et d'émancipation basé sur l'altérité. Nanterre emboite le pas de cette Saison inédite : avec Afriqu'à Nanterre, constellation d'événements fédérant la ville et son tissu associatif jusqu'en décembre, elle apporte une lecture dynamique de la ville-monde (ses valeurs, ses ressources, ses habitants) au profit de la (re)connaissance de l'Afrique d'aujourd'hui.

Remerciement à Elvira Dyangani Ose.

Complément d'information

La justice par l’image, 
texte de Ekow Eshun, écrivain, journaliste, commissaire

 

Le Mozambique obtient son indépendance du Portugal en 1975 et dans le contexte historique encore récent de la domination étrangère, « Cercle de Mémoires » de Mário Macilau constitue une forme de reconnaissance d’un passé chargé.

La photographie a été inventée au milieu du 19ème siècle et son arrivée en Afrique s'est produite à peu près au moment où les puissances impériales européennes ont cherché à imposer de manière décisive leur emprise sur le continent. Durant la plus grande partie du siècle suivant, l’appareil photographique a servi d’outil d’oppression. Les photographes du monde occidental ont décrit le continent et ses habitants comme des populations plongées dans l’abrutissement et la sauvagerie, justifiant la présence soi-disant civilisatrice de l’Europe. Au Mozambique, où le Portugal a exercé une domination brutale avec l’exploitation des ressources et des populations, les appareils photographiques n’ont pas saisi les réalités de l’assujettissement colonial. Bien au contraire, J.A da Cunha Moraes, photographe portugais actif dans l’Afrique lusophone de la fin du 19ème siècle, a produit des images exotiques des peuples tribaux, renforçant le fantasme occidental du primitivisme africain.

Macilau situe « Cercle de Mémoires » dans des bâtiments abandonnés datant de la période coloniale. Des bâtiments qui, selon lui, ‘sont présents partout au Mozambique, même s’ils ont perdu tout semblant de fonctionnalité’.[1] Sur chaque photographie, il met en scène des personnages, souvent des femmes ou des enfants, dont l’image est en suspension devant les ruines qui les environnent. Les photographies évoquent quelque chose de l’étrangeté et de la mélancolie de vivre à côté des vestiges d’une époque à bout de souffle.  ‘Les arbres et les plantes poussent au milieu des arcades des bâtiments’, fait remarquer le photographe. ‘L’humidité s’infiltre dans les colonnes et les balcons en ruines.’[2]

La série évoque également la notion d’hantologie du philosophe Jacques Derrida qui aborde les implications politiques d’un présent hanté par les fantômes de l’histoire. Sur une photographie montrant un escalier en béton délabré, le mot ‘zombies’ gribouillé sur le mur invoque le passé mais sous une forme anxiogène et permanente. Au centre de l’image, une femme nous regarde fixement. Elle porte un foulard batik et une robe avec un motif floral bleu et blanc. En contemplant sa présence sur la photographie, on pourrait voir dans cette image la représentation de la justice en action.

Dans un projet précédent, « Growing in Darkness » (Grandir dans les Ténèbres), Macilau a décrit l’existence des enfants des rues au Mozambique, « ces fantômes de la société » comme il les désigne. Par des portraits empreints d’empathie, il a su rendre leur dignité à ces jeunes oubliés d’un système social à la dérive. [3]

Avec « Cercle de Mémoires », il jette de nouveau un regard sur ce qui doit être vu ou ne pas être vu. Ici, les fantômes ne sont pas incarnés par les personnes, mais par le spectre d’une idéologie dépassée – la pratique du colonialisme moralement répréhensible, avec la mise en œuvre de la violence au nom du progrès.

La présence de sujets, comme la femme au foulard batik, qui nous regarde avec sérénité et sang-froid, constitue une critique adressée aux photographes occidentaux, complices de la déshumanisation des individus. C’est aussi un indicateur de l’importance que revêt pour Macilau les vies ordinaires des Africains qui méritent d’être honorés et gravés dans la mémoire collective.

 

 

[1] Conversation par mail entre l’auteur et Mário Macilau, novembre 2020

[2] Ibid

[3] Cité dans Simon Njami et Sean O’Toole (éd.), The Journey: New Positions in African Photography, (Goethe-Institut/Kerber Edition), janvier 2020. Non traduit en français.

Artistes

Tarifs

Entrée libre
La date à laquelle le tarif devient valide

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

La Terrasse 57 boulevard de Pesaro 92 000 Nanterre France

Comment s'y rendre

57 boulevard de Pesaro (face au n°4)
92000 Nanterre

RER A, arrêt Nanterre-Préfecture (sortie 2 ou 3)
Bus 163, 160 et 259
à 50 m de la place Nelson Mandela (Vélib')

 

Dernière mise à jour le 19 juillet 2021