Birds Of a Feather

L’idiome et titre générique Birds Of a Feather (flock together) (qui se ressemble s’assemble ?) problématise les accointances et voisinages d’oeuvres improbables ; armée d’ambiguïté, l’exposition déroule une succession de cadres, un choix de formes et de sources hétérogènes. 

Cette expérience évolutive en trois épisodes (Melangie / A floating world / Achille et la tortue) ouvre un dialogue sur le proche et le lointain, le rôle des représentations dans la construction de notre vision du monde. 

Les artistes de la galerie et d’autres, spécialement invités viendront activer et renouveler ce processus. Au cours de ces quelques mois, certaines oeuvres disparaissent, d’autres se déclarent. De nouvelles interrogations se posent sous l’effet de l’autre ; dans ce jeu d’entre-deux se joue la transversalité des récits et des formes. 

Les oeuvres présentes dans le prologue de ce périple associent certaines représentations de la réalité à une déterritorialisation subtile, un braconnage poétique réconciliant le réel, le format, la figure à l’imaginaire, au ludique. 

Ainsi l’idée d’une nature, d’un environnement connu est mis à mal dans le vrai faux documentaire de Bettina Hutschek.. Le film-essai “Melangie” décrit le cycle de reproduction d’un peuple inconnu, où la sexualité ne fonctionne plus comme méthode de procréation... La plausibilité du récit, l’envie d’y adhérer l’emporte alors sur l’aspect fictionnel et falsificateur. 

Ailleurs, le vocabulaire de formes de Jean-Paul Thaéron est paradoxalement protubérant et bridé. D’origine minérale, végétale, les formes qu’il dessine, sculpte ou peint se multiplient de façon infinitésimale.Proches et loin de se calquer, elles évoluent lentement comme érodées. Ce chaos dans lequel le clonage différentiel des formes opère, associe l’étrangeté et la singularité de figures quasi familières quasi abstraites. L'espace pictural devient le lieu d’un questionnement géomorphique et sculptural. 

Autre ruse, autre détour. Yann Lemaitre immobilise un véhicule dans la galerie ; c’est un téléphérique « va-ou-vient » ... De loin en tout cas, car de près il s’agit d’un jouet, adulte somme toute. Le sculpteur a réinvesti, dans un changement d’échelle, son set « meccano », posant en filigrane la question de la fonctionnalité du dit-objet. 
Affranchi du confinement de la boite du jeu, mais gardant scrupuleusement ses attributs, l’oeuvre en appelle à la rémanence du plaisir infantile. (Les sculptures ont été produites dans le cadre des résidences de la station VasteMonde à St Brieuc) 

Tony Regazzoni propose pour ce premier épisode une série de dessins et une sculpture. L’abstraction immédiate de ces pièces est un leurre aussitôt remis en jeu par des titres évocateurs voire bavards. A l’économat des formes se greffent plusieurs jeux d’interprétation. « Sunset » et « Go Go » annoncent et s’inscrivent aussi dans la suite de l’exposition, plus abstraite et minimale. La radicalité n’empêchant en rien l’humour. 

Ces quatre artistes engagent dans ces pièces le souvenir et l’extrapolation d’un monde connu et néanmoins glissant. Début octobre, une installation vidéo d’Audrey Pineau, jeune diplômée des Beaux-Arts de Brest viendra compléter ce paysage savonnette et marquer le passage vers le second épisode : A floating world / un monde étrange...

Simon Gicquel