Mara Fortunatovic, Ce qui reste

Projet soutenu par le Cnap
Exposition
Arts plastiques
Gilles Drouault, galerie/multiples Paris 03
Mara Fortunatovic, ce qui reste, 2022

Mara Fortunatovic, ce qui reste, 2022

La paresse fait partie du processus créatif, disait-elle. Et puis elle disait que la paresse, ce qu’elle appelait la paresse, était une disponibilité, une écoute, l’esquisse d’une pensée. Elle disait qu’il n’y a pas de frontière évidente entre ne rien faire et faire, entre rester allongée sur son lit et créer. Le lit se fait atelier quand elle laisse dériver ses pensées, sans contrainte, sans intention, et qu’une idée se laisse pressentir et appelle à sa réalisation. Je lui ai parlé de Malevitch, de La paresse comme vérité effective de l’homme . Peut-être pas… dans la langueur de l’été, peut-être n’en ai-je pas parlé. Mais, à un siècle d’intervalle, libéré des événements passés, le texte de Malevitch me paraissait pertinent pour parler de son projet, de l’exposition qu’elle préparait.

Elle disait, c’est l’état le plus important dans le processus créatif. Cet état où les pensées se font et se défont, dérivent et s’agrègent un instant pour se délier et s’associer en de nouvelles formes ; cet état de l’esprit libre de toute autorité. C’est dans cet état que naissent les plus belles idées, disait-elle. Je lui citais cette phrase de John Cage : « Je n’aime pas l’intention, je préfère le silence ».

Elle parlait de son ordinateur, cet espace de travail devenu partout un espace de vie. Elle disait, avec l’ordinateur, l’idée trouve sa première matérialité ; je demande des devis, je recherche des financements, des fournisseurs, j’écris un texte, je dessine… Elle parlait de l’ordinateur et de l’atelier comme espaces du processus et donc comme produisant l’œuvre mais aussi comme produits de l’œuvre, dans leur usage, puisque au service de l’idée de l’œuvre.

L’œuvre est ce qui reste d’un processus plus large dont l’atelier, le bureau, le lit, les outils sont au service de l’idée. Elle me parlait de l’atelier/bureau d’Allen Ruppersberg, devenu œuvre, avant que l’artiste ne soit obligé de le quitter. Ou plutôt, l’atelier/bureau comme espace de création de l’idée, œuvre véritable de l’artiste, dont l’archive est ce qui reste.

Elle savait que, depuis Lawrence Weiner, l’œuvre peut-être réalisée par l’artiste, mais aussi par quelqu’un d’autre que l’artiste, voire ne pas être réalisée… Ce qui l’intéressait, disait-elle, c’est ce qu’il y a avant, entre et après ces trois propositions. Elle avait conscience d’hériter de l’art conceptuel et ne fuyait pas la référence. Au contraire, elle en acceptait l’héritage, en acceptait humblement l’égide pour poursuivre, en toute liberté, les voies découvertes par l’art conceptuel.

Entre faire et faire faire, ou laisser faire, ou encore ne pas faire… le processus de création est partout présent. Mais alors, disait-elle, quelle est la valeur du travail ? Le travail totalement engagé dans un projet, quelle est sa valeur ? L’œuvre comme résultat d’un processus qui engage sous-traitants, fabricants de verre, graveurs, assistants… Quelle est la valeur du travail collectif et de chacun ? Il lui semblait que le projet, l’œuvre, dans son processus et dans son résultat, l’œuvre comme valeur du travail était une notion surannée, désuète, mais qu’elle aimait considérer encore.

Complément d'information

Cette exposition a bénéficié du soutien aux galeries/exposition du Cnap

Adresse

Gilles Drouault, galerie/multiples 17 rue Saint-Gilles 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022