Art&Language et Toni Grand

Cette exposition de deux singularités artistiques repose sur le fait que Toni Grand (déjà exposé à l'école d'art du Mans en 1998) appréciait la pensée critique et la production de Art&Language et qu’il détenait un tableau de Art&Language intitulé Attacked by Unknown Man in a City Park. Cette oeuvre de 1981, copie d'un tableau de Louis David, fût peint avec la bouche par les membres Art&Language, Mel Ramsden et Michael Baldwin. Une seule sculpture de Toni Grand sera exposée. Elle est une oeuvre majeure des toutes dernières années de sa production. Elle fut réalisée en 1999, spécialement pour l'exposition de Renaissance Society of Universty à Chicago en 2000. S’étirant sur une verticalité d’environ 5 mètres, elle se présente comme un entrelacs de lignes courbes fermées en bois, recouvert de peinture acrylique blanche, rappelant vaguement la forme ou l’informe d’un cocon. Cette masse ligneuse repose sur les fourches d’un élévateur américain bleu qui donne son nom au titre de la sculpture, Genie superlift advantage. D’une apparente légèreté, cette offrande en apesanteur, tenue entre le haut et le bas et oeuvrant par la même contre la gravitation, est un espace autant mental que physique. La production artistique polymorphe de Art&Language, installée sur plus de 40 années, rend complexe son approche car elle ne peut se soumettre, à l’instar de l’œuvre de Toni Grand, à une forme stylistique identifiable. La sélection des oeuvres aura donc reposé sur un singulier principe de mise en œuvre de la peinture, puisqu’il s’agit d’un ensemble de 34 tableaux peints avec la bouche entre 1981 et 2008. Particularisme o combien révélateur de l’humour d’Art&Language et de cette adéquation entre le moyen et le titre même de ce groupe d’artistes anglais revendiquant, au-delà du simple aspect formel de l’œuvre, l’incidence du discours qui l’accompagne ou la produit. Cette incidence du langage et de la pensée sur la peinture, en l’occurrence celles produites avec la bouche - lieu d’émission de la parole - revêt ici symboliquement le sens du débat contradictoire lancé par Art&Language depuis la fin des années 60 à propos et contre les positions des tenants d’une modernité abstraite, tel Clément Greenberg - chantre d’un art apolitique et autonome suspendu à une expressivité et à une spontanéité évacuant la pensée critique de la création picturale. Tel qu’à PS1 à New York ou à la Fondation Tapiès à Barcelone, en 1999, cette installation murale de peintures (5m x 15m) recouvre le grand mur de l’atrium de l’école d’art. Elle forme un patchwork ou suivant les termes appropriés, un index des procédures qui se réfèrent à l’ensemble des périodes de ce presque demi-siècle de production. Certains tableaux sont de vrais Art&Language, d’autres sont de vrais faux Art&Language. Les vrais faux, qui sont des copies de vrais tableaux de Art&Language, choisis par les artistes eux-mêmes, auront été peints avec la bouche par les étudiants de l’école d’art du Mans dans le cadre d’un workshop organisé avec les artistes anglais via internet. Ces vrais faux Art&Language sont aujourd’hui validés par le groupe d’artistes comme appartenant à leur production puisqu’ils répondent aux conditions forgeant les assises conceptuelles et théoriques des années 60 consistant, notamment, à prendre position pour une pratique collective et anonyme, questionnant ainsi la notion d’auteur. Il est à souligner que cette exposition n'aurait pu avoir lieu sans la complicité de Philippe Méaille, "Grand amateur", de l'œuvre de Art&Language.