Arash Hanaei / Anaïs Lelièvre / Thomas Van Reghem

Bordures / Failles, à travers les oeuvres de 3 artistes aux pratiques multiples, propose d'explorer des espaces ou territoires de transition, des constructions virtuelles ou plus concrètes traduites par la video, les dessins numériques pour Arash Hanaei, par l'installation et la céramique chez Anaïs Lelièvre, par la photo et le dessin numérique pour Thomas van Reghem. Les créations de ces artistes actuellement en résidence à Poush, Porte Pouchet, Paris, entrent en résonance avec le thème de la saison à Poush-Manifesto, Frontières, pour cette exposition à la galerie la Ferronnerie.

Arash Hanaei, de Morad Montazami, 2019 Curator at the Tate Modern, London, Art historian (extraits)

‘Since 2014, when he relocated between Paris and Tehran, Arash Hanaei’s work progressively shifted from documentary and photographic practices to inter-media speculations, from strict urbanism spaces to psycho-geographic wanderings and from representation issues to post-Internet strategies…’
‘…Hanaei’s large spectrum of concerns (the migration crisis in a digital age, the suburban or post-urban social life and goods circulation, the relation of labour, citizenship and architecture) almost sounds like a provocation or a statement for working outside of a stable art market representation; as a matter of fact he has often been avoiding to take part in it. A market or commodity system, which in Paris, France traps the artist in the unresolvable dilemma: to emphasize your oriental identity or to remain an anonymous migrant artist subjected to humanitarian grants…’ ‘… The general title Pop-Up Clouds stands as a metaphor for the overlaps of the domestic and public spheres, but also in another way of computer based and natural sciences; or a palimpsest of contradictory images to the point of becoming a system of alienation – following the fragmentation of one’s memory. In a more positive stream of ideas, Pop-Up Clouds also speaks of Hanaei’s installations as producers of delayed vision: something to be seen or witnessed has been delayed in favour of ghost apparitions, unconscious landscapes…’

Anaïs Lelièvre, Silicium 2, 2021, Installation modulaire, Production DRAC Centre-Val-de-Loire / Résidence au Lycée agricole Bourges-Le Subdray / Réalisation métal par les étudiants en BTS TSMA

Dans la suite de Cristal (Recife) issu d'une résidence au Brésil et de Silicium 1 au Québec, l'ensemble modulaire Silicium 2, produit à Bourges* (en traversant cathédrale et serres agricoles), cristallise à la fois l'éclatement et la concrétion de plusieurs expériences de lieux. La forme synthèse d'une maison-cristal, qui semble se dresser, pointer ou vaciller, contenant et contrecarrant sa possibilité de brisure, est à l'image d'un processus de création qui se construit à travers des résidences multiples, au risque de sa diffraction.
Amplifiant ce vertige d'échelles (spatiales et temporelles), le dessin, répété et agrandi, qui compose ces micro-architectures, est une vue microscopique de cristaux de silice, matière brute à l'origine du matériau verre, et dont la structure évoque déjà la cassure. Leurs lignes droites et inclinées en tous sens, déterminent également le dessin général qui cerne les modules, entre bris et bâtisses : elles y sont reprises, contenues autant qu'impactantes, identité et rapport de force.     Suivant une démarche nomade et processuelle, Silicium 2 appelle à sa prolifération et dissémination, empruntant son mode d'existence à celui du cristal, entre croissance de germe et éclatement en particules. *

Thomas van Reghem : Le jardinage comme reconstruction, par Nala Aloudat, 2021 (extraits) 

‘…Thomas n’a pas grandi au Liban. Pourtant, son enfance a aussi connu son lot d’attaques et de violence. C’est peut-être ce qui l’a poussé vers la Serbie, l’Ukraine et enfin Beyrouth. La recherche de réponses à ses propres interrogations, à une en particulier : que doit-on oublier et que doit-on se remémorer pour pouvoir avancer ?
A cette question il me répond : “Tout ce qui nous entoure est chargé d’histoire. Or nous n’avons ni la capacité, ni l’utilité, ni la curiosité de nous souvenir de tout”. De plus, «à chaque fois que nous nous souvenons de quelque chose, nous le modifions. Plus nous nous souvenons, plus nous le changeons. Peut-être, alors, que l’idéal de mémoire se situe dans l’empreinte, dans la trace”.
Les oeuvres suivantes sont des empreintes de l’Histoire et des histoires personnelles qui la composent. Elles font mémoire avec sensibilité, conscience et écoute. Elles invitent à un face à face fugace avec le passé, avec le pays de mon coeur, avec nous-mêmes…’

‘..On appelle communément les lignes de front des “lignes vertes” car seule la végétation y survit. 
A Beyrouth, la ligne verte est là comme une cicatrice que l’on aimerait oublier avant même qu’elle ne soit guérie. Cette ligne, Thomas l’a photographiée avec rigueur et patience. C’était là chose aisée, tourner l’objectif vers le sol détourne l’attention des curieux. Auprès de ces herbes, des dessins organiques évoquent des architectures bien bâties, des plans maîtrisés. Ces gracieux flacons sont destinés à contenir du glyphosate, un herbicide qui se vante d’éradiquer totalement et systématiquement les mauvaises herbes. Mais ne dit-on pas que l’on ne se débarrasse jamais vraiment des mauvaises herbes ? J’ajouterai qu’il en est de même des mauvais souvenirs.'