Sans socle ni-double-fond
Le lieu des contingences installation, Muriel Rodolosse. Crédit photo Yohann Gozard/ MAGP2014
L’exposition Sans socle ni double-fond invite à faire l’expérience d’une peinture qui s’appréhende dans le déplacement.
Le procédé d’exécution des tableaux lui-même n’est pas étranger à ce principe. Muriel Rodolosse n’a jamais peint sur toile, refusant l’autorité de sa texture et de sa souplesse, lui préférant un support lisse, plus neutre. Depuis 1996, elle peint sous Plexiglas. Rigide et transparent, il permet de franchir le plan zéro du support et de passer toute la peinture à l’arrière. L’artiste construit le tableau dans son inversion : elle commence par les détails et finit par le fond. La hiérarchisation des plans est donc inversée, parfois même mélangée. Dans ce mouvement entre la face lisse - offerte au regardeur et qui interdit tout repentir - et la face intérieure - les coulisses en quelque sorte, qui accueillent le geste, la touche, l’intimité de l’oeuvre - se joue le lieu de la peinture entre ce qui est montré et ce qui est caché. Ainsi, Muriel Rodolosse renverse la vision perspectiviste de la fenêtre ouverte sur le monde et interroge la nature de l’oeuvre regardée.
Pour cette exposition, elle joue le paradoxe de la frontière entre le visible et l’invisible, entre l’aspect lisse et la face cachée, en l’occurence ici, la matière de la peinture fixée sous Plexiglas. Le titre évoque plus largement les interrogations de Muriel Rodolosse quant aux outils de l’exposition : le cadre, le socle, la cimaise… Sans socle ni double-fond est d’abord conçue comme une déambulation, un aller-retour, dans ce double mouvement vers l’extérieur -le regard porté sur, la lumière- et vers l’intérieur- la vision géologique, l’ombre.
« Je pars toujours de l’analyse des espaces afin d’y inscrire une exposition qui interpelle le lieu mais aussi le déplacement des regardeurs » (Muriel Rodolosse, janvier 2014).
Martine Michard
commissaire de l’exposition