Myriam Diop My : Mon OEuvre invisible

Une invisibilité bien présente

Myriam Diop My est née en 1986 à Dakar. Elle a fait ses études à l’Ecole Nationale des Arts du Sénégal. En quelques années d’un parcours cohérent, cette jeune artiste sénégalaise fait incontestablement partie des figures montantes de l’art contemporain.
Beaucoup d’ artistes émergents cherchent à étonner, à choquer, à provoquer, s’enfermant dans des mythologies subjectives souvent difficiles à percer. Ce n’est pas le cas avec Myriam Diop My. Pour son exposition à la Bergerie - Lieu d’Art Contemporain, elle présente "Mon OEuvre invisible", d'après l’"OEuvre invisible" d’Antoine Moreau, réalisée pour la Biennale de Paris en 2006. Cette oeuvre surprendra car il n’y a rien à voir. L’oeuvre invisible est pourtant réelle. Myriam s’est appliquée à rendre l'oeuvre réelle en son invisibilité. Il n'y a pas rien, il y a l'oeuvre invisible. L'oeuvre réellement invisible existe par sa prise en considération vraie. Les artistes doivent poser sur le monde un regard pertinent et original. Myriam Diop My ne réduit pas l’inventivité à des périmètres convenus et elle bouscule ici les idées reçues. Son oeuvre invisible n'est pas un désistement, mais la mise à distance de ce qui, trop souvent, est traits épais et lourds en matière d'art. Cette jeune artiste reconnaît l’influence de Robert Barry sur son travail. Par exemple l’ oeuvre invisible de l’artiste américain que l’on pouvait trouver en juillet 1969 dans la revue "0 TO 9". Elle était décrite ainsi : « The Space Between Pages 29 & 30 », c’est-à-dire « l’espace entre les pages 29 et 30 ». Il y eut aussi « Invitation piece » qui consistait dans l'envoi pendant 8 mois de l'annonce d'une exposition qui allait de lieu en lieu sans jamais avoir lieu. Toutes ces oeuvres existaient (comme d'autres encore) sous la forme d'une inscription dans une publication mais pas sous une forme matérielle visible dans une exposition.
Ce n'est pas parce qu'il n'y a rien à voir que l'artiste ne nous expose rien. Elle présente une idée débarrassée de toute fonction servile et magistralement délivrée de tout autre but que celui de présenter l'immatériel comme dispositif à produire du sens. Comme le dit Ghislain Mollet-Viéville dans un texte sur une oeuvre de David Vincent (appartenant à la collection Yoon Ja et Paul Devautour) : « une oeuvre sans forme ne serait-elle pas la seule forme apte à refléter idéalement la diversité illimitée des constituants de la pensée artistique ? » Myriam désire affirmer, par la négative, un art toujours possible. Un art qui prenne en compte la réalité de l'immatériel.
Mise sous copyleft avec la Licence Art Libre (http://artlibre.org/licence/lal/), cette oeuvre peut être librement copiée, diffusée et transformée. Personne ne peut en avoir une jouissance exclusive
Myriam Diop My fait partie des artistes qui sont les plus proches et les plus cohérents avec ce qui est l’actualité de la création contemporaine. « Mon OEuvre invisible » est un objet d’art qui contient plus que son agencement de matières, de formes et de couleurs ; il va au-delà de l’idée de beauté et de plaisir esthétique. Il amène au questionnement. Il y a là une manière salubre de nous rafraîchir les idées.
Pierre Monjaret