Marion Tampon-Lajarriette
Marion Tampon-Lajarriette modifie l’espace de la chapelle en obturant totalement les fenêtres et la rosace pour faire venir de l’intérieur une lumière artificielle projetée sur les vitraux transformés en écrans, qui se substitue aux rayons du soleil. Mais si elle établit avec la lumière un renversement radical, Marion Tampon-Lajarriette ne nie pas pour autant l’architecture du bâtiment néo-gothique. En effet, le cadre des images épouse parfaitement celui des vitraux en arc brisé. Ainsi, Marion Tampon-Lajarriette métamorphose les vitraux décoratifs de la nef en des surfaces où se jouent des scènes dynamiques : un naufrage et un ensevelissement dénués d’effroi ou de violence, mais qui nous emportent et nous envoûtent.
A sa manière, Marion Tampon-Lajarriette retrouve la fonction narrative des vitraux du Moyen âge qui devaient tenir le peuple en grande frayeur. Son récit nous rappelle quelques thèmes fondateurs : le Déluge, la Chûte des Anges rebelles, qu’on retrouve chez Jérôme Bosch, pour ne citer que lui. Mais aussi l’élévation, perceptible dans l’image de la rosace. Pourtant, les scènes de chaos qu’elle met en oeuvre, dans leur relation avec la vision céleste de la rosace, portent en elles une régularité qui peut aussi nous apaiser. Là est la complexité du travail de Marion Tampon-Lajarriette qui explore une illusion issue notamment du cinéma.
Au sous-sol est présentée une pièce récente intitulée Erehwon. Elle nous donne la sensation de nous embarquer pour un
déplacement sans fin qui ne nous emmène nulle part, à la croisée du réel et de la science fiction.
Le parcourt s'achève sur une affiche conçue par l'artiste, selon un protocole qu'elle respecte scrupuleusement pour chacune de ses expositions, consistant à reprendre le titre d'un film emblématique de l'histoire du cinéma. C'est donc bien dans un rêve vertigineux digne du cinéma que Marion Tampon-Lajarriette nous entraîne, un rêve à la fois inquiétant et apaisant dans la nuit artificielle de la Chapelle Jeanne d'Arc.
Jean-Luc Dorchies