Jacques Villeglé: Le Chaos Socio-Politique

Communiqué de presse

« Je recueille les affiches lorsqu’elles sont lacérées, je note les écritures murales lorsqu’elles sont surchargées de signes par un Caliban contemporain, et que leur objet publicitaire et propagandiste s’efface. La lacération, le graffiti, par leur spontanéité sont pour moi des traces physiologiquement proches de la nature animale. L’absence de préméditation, de toute idée préconçue, de tout parti théorique qui éclate est un non. » (Jacques Villeglé)

Né à Quimper en 1926, Jacques (Mahé de la) Villeglé étudie l’architecture à l’école des Beaux Arts de Nantes. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il entame sa collecte d’objets trouvés sur les plages : des débris du Mur de l’Atlantique à Saint-Malo.

Dès 1949, il commence en compagnie de son ami Raymond Hains, à récupérer des affiches lacérées, en les décollant des murs, des palissades urbaines. Dès ce moment, sa démarche d’appropriation de fragments du réel se limite à ces seules affiches. La rue devient son inépuisable atelier. Les affiches sont volées, décollées, déchirées dans divers quartiers de Paris, Lille, Clermont-Ferrand...

Les oeuvres sont nommées selon le lieu et le moment de la trouvaille. Une fois arraché à la rue, l’objet livre sa substance : taches de couleur, formes, lettres. Ces subtilités captées in-situ par l’oeil de l’artiste, sont sorties de la cacophonie visuelle de la rue et livrées aux regards des spectateurs des galeries ou des musées.
Depuis 50 ans, Villeglé récupère des instantanés de vie qui jouent sur des slogans, des mots et des images déjà dénaturés par des passants anonymes ou par les intempéries, et les élève au rang d’oeuvres d’art. « Les affiches, je les ai toujours choisies lorsque les lacérations rendaient illisible le slogan politique, lorsque le sourire commercial était détourné. Cette illisibilité, ce détournement, créait un autre discours, une autre narration. »

A la fin des années 50,Villeglé en compagnie de Raymond Hains, rencontre le peintre Yves Klein, le sculpteur Jean Tinguely, les artistes Daniel Spoerri, Arman et César, et, sous l’égide du critique d’art Pierre Restany, constituent le groupe des Nouveaux Réalistes. Ce mouvement français, souhaite donner une signification universelle et poétique à des fragments du monde urbain et industriel qu’ils s’approprient.

A partir de la fin des années 60, il commence une nouvelle forme de collecte, celle des signes graphiques, hiéroglyphes modernes et urbains, porteurs d’idéologies, inscrits dans la ville. Il développe un alphabet socio-politique, à base de signes religieux, politiques... récoltés çà et là. Ces signes, il les intègre sur la « graphie ordinaire de notre alphabet », le « S » se transforme en « $ », le« L » devient un « £ », le « G » est une faucille et un marteau, le « A » l’emblème anarchiste.
Aujourd’hui, à 77 ans il ne pratique le décollage d’affiche que très rarement, le développement de son alphabet surchargé de codes est devenu sa principale occupation.

De janvier à mars 2004, la Galerie d'Art Contemporain des Urbanistes, propose une exposition exceptionnelle conçue par Villeglé lui-même. Ce grand artiste nous fait l'honneur de revenir sur ses trente dernières années de pratique en montrant des oeuvres datées de 1970 à aujourd'hui (affiches, estampes, sérigraphies...)

Il nous invite dans l'intimité de sa démarche à partager son regard poétique mais lucide sur notre environnement.