Fernando Bryce & Andrea Mastrovito

L'histoire est à nous! Printemps de septembre 2012
Exposition
Arts plastiques
Pavillon Blanc Henri Molina Médiathèque | Centre d’art de Colomiers Colomiers
Les fusillés de Chateaubriant de Fernando Bryce et installation avec ventilateur de A Mastrovito. Photo Y Gachet

Ici, l'histoire ne se regarde pas comme un monument. Elle est le récit mouvant des événements qui la font, revus au filtre des médias et des personnes qui la racontent. D'une manière qui leur est propre, les artistes réunis dans cette expostion, Fernando Bryce et Andrea Mastrovito , affirment la primauté du point de vue, à travers une même technique : le dessin.

De l’individu à la main et de la main au dessin, leur pratique tire les traits de la grande histoire. Autour de la figure du martyr, omniprésente dans l’exposition, ils affirment un art en prise avec le monde, inspiré par le document, l’événement et fait de références, de partis pris, d’appropriation et de révision. L’histoire est à moi ! affirme cette édition du Printemps de Septembre. Comme si l’histoire était un matériau souple, une matière à redessiner.

APPROPRIATION DE L’HISTOIRE

Les deux artistes puisent dans les images du passé pour construire leur oeuvre. Fernando Bryce, artiste fasciné par le document, copie ici les portraits photographiques des martyrs de Châteaubriant d’après une publication commémorative de la résistance datant de 1951. Il réactive des souvenirs historiques. Si ses dessins sont mimétiques, ils se révèlent aussi analytiques. L’artiste questionne le processus permanent de reconstruction de l’histoire et le rôle de chacun dans la construction de la mémoire collective.

Andrea Mastrovito, lui, puise autant dans le répertoire classique que moderne, autant dans les figures de l’histoire de l’art que dans les figures contemporaines, Sainte Cécile côtoie des rockeurs. Il restitue l’ensemble dans un mixte des personnages et des genres où le sens réside dans les liens qui peuvent se faire entre les signes des différentes époques. A Colomiers, les références à l’histoire de l’art côtoient celles à l’histoire. Reprenant le titre du célèbre tableau de Delacroix La liberté guidant le peuple, l’artiste présente des personnages animés au souffle de ventilateurs, s’accrochant à des drapeaux fixes. Andrea Mastrovito joue avec les symboles. Ce ne sont plus les drapeaux qui flottent au vent mais les hommes, qui, manipulés par les étendards, deviennent les jouets d’idéologies véhiculées par les nations.

FIGURE DU MARTYR

Les deux artistes s’attachent à revisiter la figure du martyr, personnage dont la souffrance cristallise les valeurs et que l’on retrouve dans la religion comme en histoire. Traitée de façon objective, avec une grande précision dans les copies des portraits des fusillés dessinés par Fernando Bryce, cette figure devient subjective dans les collages et les manipulations d’images qu’effectue Andrea Mastrovito. Les Saints qu’il présente sont issus de l’histoire de la religion chrétienne et par là même de l’art. Inspirées de L’évangile selon Jesus Christ de José Saramago, ouvrage paru en 2000, les figures chrétiennes sont mises en situation dans des scénettes provenant de l’imagination de l’artiste. Il reste de nombreuses parallèles entre les tableaux religieux et les saints d’Andrea Mastrovito, notamment, grâce à la lisibilité de signes en lien avec la torture subie par chacun (le feu pour Jeanne d’arc, l’hémorragie venant d’une nuée de clous pour Sainte d’Ore qui, dans l’histoire, a été forcée à s’asseoir sur une chaise emplie de pointes, la décapitation pour Sainte Cécile, l’éviscération pour Saint Erasmo…)

DESSIN

La pratique de chacun des artistes est d’une précision extrême. Fernando Bryce copie avec méticulosité les pages des journaux jusqu’à l’obtention d’un dessin que l’artiste nomme lui-même, « dessin mimétique ». La copie dessinée ramène les reproductions à l’unicité de l’oeuvre et engage une réflexion chère à l’histoire de l’art sur l’écart soulevé entre une image mécanique et un dessin. Par ce geste, les dessins s’entourent d’une « aura liée à l’unicité de la présence de l’oeuvre au lieu où elle se trouve » tel que le définit Walter Benjamin dans L’OEuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1955). L’oeuvre multiple circule simultanément dans de nombreux lieux. Elle relève de l’actualité plus que de l’art. Fernando Bryce, par le dessin, substitue à un phénomène de masse, un évènement : regarder une oeuvre unique. Le choix de la monstration de l’oeuvre dans une mise en espace particulière est signifiant. L’alignement des tableaux des Fusillés de Chateaubriant, offre une similitude avec les cases de la bande dessinée tout en évoquant la position des condamnés de Châteaubriant avant leur mise à mort. Si la précision se retrouve dans les découpages d’Andrea Mastrovito, sa pratique du dessin s’expérimente avec des ciseaux, en découpant à vif dans la couleur. On peut voir des similitudes entre les papiers découpés d’Andrea Mastrovito et la ligne claire utilisée dans la bande dessinée, notamment par Hergé dans Tintin. Comme les personnages de ces albums, les dessins d’Andrea Mastrovito sont détourés, sans épaisseur et évoluent dans des décors réalistes. Dans la série des dessins mobiles L’intifada (2012), La liberté guidant le peuple (2012), l’artiste, en mettant en mouvement les dessins avec le souffle des ventilateurs, nous fait basculer littéralement dans le dessin animé. Autre référence, la façon dont opère l’artiste en bricolant le dessin, l’inscrit dans la veine des collagistes, dont Braque et Picasso, fondateurs du mouvement cubiste, furent les précurseurs.

NARRATION

Dans l’espace d’Andrea Mastrovito, il n’y a pas de production de nouvelles formes. Son travail consiste à agencer, manipuler les signes récupérés. Avec des moyens simples et des matériaux pauvres, avec le papier, la ligne due à la découpe et le dessin, il crée son monde comme Platon la caverne, une narration s’installe. La grande Histoire sert un récit subjectif. Fernando Bryce en copiant avec une extrême précision des archives, conserve, quant à lui, le document historique dans son objectivité. Les fusillés de Chateaubriant restent fidèles à l’ensemble du journal duquel ils sont extraits Ses dessins font figure de double. Son oeuvre, n’est néanmoins pas exempte de subjectivité. L’ensemble de l’oeuvre de l’artiste, par association d’évènements choisis, crée du sens et forme un récit. On y lit en filigrane les effets de l’impérialisme sur le monde, le racisme, le totalitarisme.

EXPANSION

L’art d’Andrea Mastrovito et de Fernando Bryce ne relève pas de l’invention. Tandis que le premier accumule des images et des signes de toutes les époques et dans tous les répertoires pour les combiner à l’infini dans une production frénétique, le deuxième copie de façon méthodique et exponentielle. Par les différentes combinatoires opérées, les projets de ces deux artistes engagent une réflexion sur les liens entre les différentes cultures de l’image, celle véhiculée par les média et celle véhiculée par l’exposition, critique pour Fernando Bryce et un brin humoristique voire cynique pour Andrea Mastrovito.

FERNANDO BRYCE

Né en 1965 à Lima (Pérou), vit et travaille à Berlin et à Lima Fernando Bryce traduit les archives par un dessin méticuleux. On peut rattacher son travail au courant simulationniste. Le simulationnisme est un mouvement artistique né aux États-Unis au début des années 1980. Il consiste à produire des « reproductions de reproductions ».

 

ANDREA MASTROVITO

Né en 1978 à Bergamo (Italie), vit et travaille entre Bergamo et New York. Si l’artiste utilise des techniques qui vont de la peinture en passant par le collage et les installations en papier, le dessin reste une technique de référence chez Andrea Mastrovito. On retrouve dans son oeuvre un usage de l’histoire comme un prétexte pour revisiter les mythologies et des sujets tels que la mort ou la souffrance.

Complément d'information

Festival Le Printemps de Septembre - « l’histoire est à moi ! » - 28 septembre – 21 octobre Nocturnes les 28-29 septembre et 5-6 octobre

Commissaires d'exposition

Adresse

Pavillon Blanc Henri Molina Médiathèque | Centre d’art de Colomiers 1 place Alex Raymond 31770 Colomiers France

Comment s'y rendre

Bus Tisséo :

Ligne 21 – arrêt Lauragais – Pavillon Blanc

TAD 118 – arrêt montel

Linéo 2 - arrêt Pavillon Blanc

Lignes 150 et 32 – arrêt Pavillon Blanc

Train ligne C :

Depuis gare des Arènes Toulouse : arrêt Colomiers. Tarif Tisseo

Voiture :

N124 sortie 4, parking gratuit de 190 places, place Alex Raymond face à la Mairie

Dernière mise à jour le 11 mai 2021