area revue)s( n°5

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- Quelle est la ligne éditoriale et rédactionnelle d'area revue)s( ?

Nous disons que l'art pense le monde parce que nous savons que les pratiques artistiques et les objets d'art constituent une vivante contribution à l'interprétation et à la transformation de notre société.
Tandis que l'on constate que les revues d'art, et les logiques éditoriales dans la presse se focalisent sur l'actualité - ce qui revient toujours à faire la part belle au marché - il est bon de se rappeler que l'art est né, avant qu'on en parle,
de nécessités intimes ou comme forces
d'expression de minorités que le marché n'est jamais le premier à reconnaître.
Le spectaculaire des expositions produit des discours où la parole de l'artiste est amoindrie, soumise à l'expectative d'une reconnaissance qui est ordonnée ailleurs que dans le champ de l'art.
Cela est vrai pour l'art qui se fait, comme pour celui tout proche de nous qui n'a pas la faveur des rétrospectives. Pourtant il y a des paroles qu'il est bon de ré-entendre. Celle de François Mathey, qui introduit Picasso, Calder et quelques autres dans les musées et qui permit la construction de la chapelle de Ronchamp. N'est-il pas bon de se rappeler que voilà quarante ans cette construction était l'objet d'une cabale
intégriste qui faillit faire capoter sa réalisation...
Et la parole de Pierre Descargues qui
accompagna tant d'artistes et permit à ceux-ci d'émerger... Aller d'une même célérité dans les ateliers des plus jeunes et accompagner Tinguely quand il s'installe passage Ronsin...
Regarder l'art dans son mouvement qui le fait s'imposer, en considérant que la parole des témoins vaut plus que le commentaire. Parole donnée aux acteurs, aux artistes et à ceux qui
sont derrière, qu'ils soient dans les musées, vendent ou écrivent... Faire resurgir leurs figures, non par nostalgie, mais poussé par la nécessité que la culture en art s'appuie sur une
connaissance qui fait défaut dans les
commentaires. Ainsi, ce n'est pas un luxe que d'aborder sur un très grand nombre de pages le parcours de ces figures. Faire le portrait de ces acteurs généreux et mal connus qui ont imposé
l'art au rang de nécessité reconnue. Dans les quatre premiers numéros, il y a eu François Mathey, Gérard Barrière, Pierre Descargues, Jean Grenier, dans les prochains, il y aura Bernard Lamarche Vadel, Jean-Claude Lemagny,
Jean Clair, Jacques Charbonnier... dont on fera revivre ce qui aura toujours ressemblé à un combat.
Dans chaque numéro, il y a aussi des
thématiques qui permettent transversalement de considérer l'art sous les perspectives de la politique, de la sociologie... que ce soit Jean
Lacouture, Alain Finkielkraut, Jean-Didier
Vincent, Bernard Pontalis et tant d'autres...
Enfin, la caractéristique de la revue est de réunir des acteurs de l'écriture et des pratiques artistiques, non par défiance vis-à-vis de la critique d'art, mais plutôt pour la compléter en profondeur.

- Quelle est la singularité de la revue ? A-t-elle des concurrents ?

Pour que ces ambitions soient atteintes, il fallait que la revue s'installe sur un format qui lui soit propre, qu'elle ait l'étendue de 200 pages, qu'elle ne soit pas contrainte au marchandage,
le plus souvent inconscient, on est bien d'accord, de la publicité ou des produits dérivés... Il nous fallait faire une revue atypique, qui laisse à celles qui font de l'information toute leur place, comme à celles, plus universitaires, leur discours spécialisé. C'est dire que je ne vois pas
vraiment de concurrence, que je penserais d'avantage à des filiations : "Le minotaure" pour
la présence d'artistes et l'ouverture à tout ce qui fait forme, à "20ème siècle" pour l'écho à l'actualité et la pluralité des opinions, à "L'art vivant" pour ne pas être la revue d'une chapelle mais constater que l'art n'existe que comme une mosaïque de pratiques qui s'enchevêtrent, se superposent, s'opposent souvent, pour faire ce
tout qu'est l'art contemporain...

- A quel lectorat s'adresse-t-elle en particulier ?

Aux amoureux de l'art comme nous le sommes, à ceux qui ont envie de découvrir qui est Leigh Bowery, auquel aucune revue ne peux consacrer
quatre lignes parce que son actualité n'a pas la forme d'une exposition mais celle de dynamiter depuis plus de dix ans la mode et la jeune scène artistique anglaise. A ceux qui n'ont pas peur de
voir l'échange formidable qu'entretenait Eugène Leroy avec son modèle et compagne.
Aux amoureux de la typographie, et des belles images.
A ceux qui aiment lire, à ceux qui pensent que c'est toujours en définitive le propos de l'artiste qui contient plus de vérité et de force que le commentaire qui interprète son oeuvre.
A ceux pour qui tout simplement l'art fait rimer connaissance et plaisir, jouissance de l'oeil et prise de position en face d'un monde écrasé par des produits, ayant paradoxalement de plus en plus besoin d'art.
L'art pense le monde, n'est pas une formule mais un acte de foi que la revue offre en partage.

Alin Avila - mai 2003

area revue)s(, trimestriel, 200 pages couleur, 20 †
Directeur de publication : Alin Avila
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