7 ans de réflexion

Les sept années écoulées ont vu plusieurs milliers d'objets venir enrichir les collections du musée Nicéphore Niepce, sous forme d'achats, de donations ou de legs. Un tel chiffre n'est pas rassurant. Quelle logique a présidé à un tel rassemblement ? L'institution dont la vocation est de couvrir le photographique sous ses aspects les plus variés, se doit de mener une veille permanente sur l'actualité d'un champ en constante évolution. La politique d'acquisition définie depuis la création du musée Niépce en 1974, et réaffirmée depuis, vient servir le propos à la fois généraliste et pointu que celui-ci s'est assigné. L'exposition propose de mettre en valeur plus particulièrement les acquisitions en lien avec la création contemporaine. L'enrichissement des collections dans ce domaine passe par les commandes auprès d'artistes confirmés (Roger Ballen, John Batho, Jean Le Gac, Ange Leccia, Jean-Luc Moulène, Denis Roche…), mais aussi par le soutien apporté à de jeunes talents prometteurs au cours de résidences (Virginie Marnat, Gérald Petit, Philippe Pétremant). Le musée, en mettant à disposition son expertise, des moyens financiers et surtout techniques (laboratoire de tirages numériques), joue ainsi un rôle des plus primordiaux pour la création photographique et sa diffusion. Axe majeur de la politique d'acquisition, la photographie contemporaine revêt au musée Niepce différents aspects : « action conceptuelle », « plasticienne » ou « reportage sur le monde et l'homme qui le façonne », peu importe. Ce qui compte ici est l'originalité de la pratique ou du regard photographique, une expertise en décalage avec les pratiques quotidiennes. Des choix forcément subjectifs des conservateurs successifs se dégagent cependant une cohérence et une particularité qui consiste à accompagner tout au long de leur carrière un certain nombre d'artistes choisis : Antoine d'Agata, Patrick Tosani, Gérard Collin-Thiébaut… A l'opposé du « picorage » pratiqué dans la plupart des institutions, le musée Nicéphore Niépce constitue de la sorte de véritables corpus pour un même auteur, regroupant les séries dans leur intégralité. Plusieurs générations se retrouvent ici côte à côte, toutes initiatrice de nouveaux langages photographiques : les recherches graphiques de Peter Knapp côtoient les fictions imaginées par Jean Le Gac et Mac Adams ; les jouets disséqués de Philippe Pétremant accompagnent les reines de beauté de Jean-Luc Moulène ; les implosions d'immeubles de Mathieu Pernot répondent aux entrées de Paris d'Eustachy Kossakowski ou aux mégapoles de Claire Chevrier ; les ombres noires de John Batho semblent engager le dialogue avec les visages flous de Patrick Tosani. A la suite de l'exposition « Photographie : détrônera la peinture » consacrée à un important dépôt du Centre Georges Pompidou, de l'entrée dans les collections d'une oeuvre de Luc Delahaye (Dépôt Aforge Finance, 2007), 7 ans de réflexion prouve, s'il en était encore besoin, que le musée Nicéphore Niepce à Chalon-sur-Saône occupe une position déterminante dans la production et la diffusion de la photographie contemporaine.