WHAT DID YOU EXPECT ?

Jeremy Shaw, Gareth Long, Eric Stéphany, Christian Andersson, Mandla Reuter
Exposition
Arts plastiques
Galerie TORRI Paris 03

Jeremy Shaw, Unseen Potentials (Psilocybe Atlantis - Sclerotia), 2011, Kirlian polaroïd, courtesy TORRI, Paris

Suite de l’exposition Triptychos Post Historicus (2011) présentée à la galerie cet automne, What did you expect ? développe la problématique de Braco Dimi- trijevic sur la valeur de l’œuvre d’art. L’exposition réunit cinq artistes qui repla- cent le référent artistique de leur proposition dans le champ large de la culture collective. Chaque objet d’art se voit ainsi amplifié par ses antécédents histo- riques et l’imaginaire auquel il se rattache, réactivé avec ironie, intérêt ou distance.

 

Né en 1977 à Vancouver, Jeremy Shaw vit et travaille à Berlin et au Canada. Membre du groupe New Wave Circlesquare, il se définit par ses activités de performeur et un intérêt de longue date pour le psychédélisme et les effets de la drogue sur la perception sensorielle. Comme un point de folie à l’entrée de la galerie, Unseen Potentials (2011) se présente sous la forme d’un Polaroïd laissant apparaître, grâce à un support fluorescent placé der­ rière l’image, l’empreinte de la molécule toxique du champignon hallucinogène. Reprenant le procédé Kirlian des années 1950-1960 censé visualiser l’aura d’une personne, Jeremy Shaw ouvre la valve des sciences occultes et détonne par cette expectative énigmatique.

 

Conçus par Eric Stephany (1971), les quatre photogrammes de la série One blotted another I, II, III, IV (2011) conjuguent l’héritage moderniste avec les spectres des pre- mières expériences de William Henry Fox Talbot réalisées en 1834 dans son ate- lier faisant office de camera obscura. Eric Stephany a déniché sur le net une image de l’immeuble Starco, construit à Beyrouth en 1957 par les architectes suisses George Addor et Dominique Julliard. Plaçant sa reproduction calque sur un pa- pier photosensible, il a ouvert par alternance les fenêtres de la pièce pour influer sur le rendu, faisant ainsi du geste un paramètre supplémentaire au résultat plastique.

 

Christian Andersson jette, lui, un autre pont au modernisme. Habitué à réfléchir à la symbolique des lieux, ce plasticien suédois (1973) a choisi de confronter dans le même espace visuel un emblème du design puriste et son déni le plus redoutable. Détra- qué, le célèbre fauteuil de Mies Van Der Rohe souffre d’être placé devant un decorum kitsch en papier peint à moitié recouvert par un rideau rouge, le comble du baroque. Exposé au Moderna Museet de Stockholm, Interieur Mies Van Der Rohe (2011) dialogue non sans humour avec l’œuvre de Gareth Long, artiste new-yorkais très attentif aux codes des tendances esthétiques et récemment exposé à la galerie dans l’exposition Four Stories. Vraie copie de la lampe Potence de Jean Prouvé, mais fausse originale, cette suspension au mur pousse la complexité du vrai et du faux en un point abyssal.

 

Né en 1973, Mandla Reuter est un artiste conceptuel d’origine sud-africaine qui joue volontiers avec le lieu qui l’accueille. Sa plaque d’aluminium maculée de peinture blanche interdit toute forme d’introspection. Transformé en objet peinture, ce faux mo- nochrome cache honteusement ses aspirations narcissiques. Ainsi Reuter annule-t- il l’un dans l’autre deux modèles antithétiques que l’histoire n’a jamais pu réconcilier.

Adresse

Galerie TORRI 7 rue Saint Claude 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020