visiblement

Thomas Lévy-Lasne
Projet soutenu par le Cnap
Exposition
Arts plastiques
Galerie Isabelle Gounod Paris 03

 

Publication du catalogue « Thomas Lévy-Lasne », Editions Particules, 2013. Cet ouvrage a bénéficié du soutien du Centre national des Arts plastiques (CNAP), Ministère de la Culture et de la Communication (aide au premier catalogue).

 

Thomas Lévy-Lasne célèbre « le fait qu'il y ait quelque chose plutôt que rien ». Sans être ostentatoire, son travail nous prouve qu'on peut prendre le monde contemporain à bras le corps et s'inscrire dans l'histoire de l'art. Une peinture comme Laetitia au lit qui montre une jeune femme nue, allongée avec un MacBook, est à la fois une icône de notre temps et une actualisation sans manière de la Vénus au Miroir de Velázquez. Le rendu subtil de la peau et des plis de la couette Habitat témoigne de l'engagement du peintre dans le moindre détail. Comme objet de peinture, une bouteille de Coca Light ne mérite pas moins notre attention qu'un iPhone, des tags sur les cabines téléphoniques, une robe transparente, des gobelets en plastique ou une chute de rein gourmande. Pour nous le prouver, Lévy-Lasne s'impose un régime très strict : tout rendre avec la même tendresse, chercher l'expression juste pour chaque objet.

L'exposition visiblement à la Galerie Isabelle Gounod  apparaît comme un condensé des réponses qu'il donne à une question qui l'obsède depuis des années : Qu'est-ce qui se passe quand il ne se passe rien ? Pour y répondre, il est prêt à travailler mois après mois, 12 heures par jour, pour peindre une rue apparemment banale, une tablée de fin de fête, un couple absorbé dans ses pensées respectives, ou des touristes face à une installation. Son implication se fait sentir : ses meilleurs tableaux nous permettent de retrouver le goût d'un monde si familier que nous ne savions plus le voir, un étonnement. Si les sujets diffèrent avec le support, tout est empreint d'un réalisme très personnel qu'il oppose de front à l'hyperréalisme d'une certaine peinture contemporaine. S'il travaille d'après des montages photographiques, Thomas Lévy-Lasne abhorre pourtant les effets que la peinture emprunte à ce médium : pas de flous optiques chez lui. 

Une production plus discrète, mais non moins palpitante, accompagne sa peinture à l'huile : des aquarelles de fêtes et, fruit des dernières explorations en date, des dessins de webcams, ici exposés pour la première fois.

Son travail s'enracine directement dans sa vie. Evoquant ses aquarelles de fêtes dans un entretien, Lévy-Lasne explique : « J’aime faire la fête et je me sens terriblement coupable quand je ne travaille pas, j’ai l’impression de mourir plus vite. C’est comme ça que m’est venue l’idée d’en faire des aquarelles ». Dans ses prises de parole comme dans sa peinture, il se tient comme un funambule sur la ligne mince qui sépare la banalité du sublime. La tension entre la scène ordinaire, le cadrage de type photo ratée et le médium de l'aquarelle, confère à la série des fêtes une beauté difficile à décrire.

Les dessins au crayon rendent compte de ses visites régulières sur un site internet de webcams sexy. Comme un chasseur de papillons, il y cherche la bête ou le moment rare où l'individu apparaît derrière la pose et l'action sur commande. Il prend un plaisir fou à révéler les détails qui échappent aux protagonistes mêmes : le poster Harry Potter sur le mur du fond, un regard mélancolique ou stupéfait gode à la bouche, un moment de tendresse là où l’on n'attendrait que du cul. Il redessine ces scènes sans forcer le trait, et leur confère une persistance qui s'oppose au caractère foncièrement passager du sexe en live.

Coucher de soleil ou scène d’orgie, ses œuvres sont autant de tentatives de nous faire partager « un énorme appétit d’apparences » qui caractérise la pratique de Thomas Lévy-Lasne, visiblement.

 

Klaus Speidel, octobre 2012.

Philosophe, critique d’art.

Complément d'information

Thomas Lévy-Lasne est né en 1980 à Paris. Vit et travaille à Paris. DNSAP, Ensba, Paris, 2004.
Expositions personnelles (sélection) :
visiblement, Galerie Isabelle Gounod, Paris (2013) ; Les choses muettes, Orangerie du Château de la Louvière, Montluçon (2012) ; Centre culturel Henri-Dunant, Les Lilas (2010).
Expositions collectives (sélection) :
Family & friends, Backslash Gallery, Paris (2012) ; Drawing Now Paris, artiste majeur, stand Galerie Isabelle Gounod, Paris (2012) ; Voir en Peinture III, une proposition d’Eric Corne, La Box, Bourges (2012) ; Les grandes figures, une proposition de Laurent Quenehen, Salaisons, Romainville (2012), Novembre à Vitry, Galerie Municipale Jean Collet, Vitry sur Seine (2011) ; Le Royaume & L’Exil second volet: L’exil, une proposition de Gaël Charbau ; BackSlash Gallery, Paris (2011) ; Artiste invité Salon de mai, Paris (2011) ; Jeune Création,104, Paris (2010) ; Parcours Carne, Paris (2010) ; Salon de Montrouge, Montrouge (2010) ; Novembre à Vitry, Vitry sur Seine (2009) ; Novembre à Vitry, Vitry sur Seine (2008).
Thomas Lévy-Lasne, conférences : Pourquoi annonce-t-on le retour de la peinture tous les dix ans ?, Musée des Avelines, Saint-Cloud (2012) ; Lucian Freud, l’aventure de sa peinture, Shakers, Montluçon (2011) ; L’anti-narrativité en peinture, Science-Po Poitiers (2010).
Thomas Lévy-Lasne, acteur : premier rôle dans Vilaine fille, mauvais garçon de Justine Triet, Ecce film production, 16mm, 30min. (Grand prix du jury du festival Premier Plan d’Angers 2012, Prix du meilleur film européen de la Berlinale, Festival international de Berlin 2012, Prix de la meilleur réalisatrice, Festival de Kiev 2012, Prix Ciné plus du Festival de Brive 2012, Prix de la presse et Prix d’interprétation féminine du Festival de Pantin 2012, Prix d’interprétation féminine du Festival Silhouette 2012).

Adresse

Galerie Isabelle Gounod 13 rue Chapon 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022