VIEWS ON POLITICS AND POETICS
L’exposition collective « Views on politics and poetics » rassemble les travaux d’artistes
dont l’ancrage formel et conceptuel atteste d’une pratique instruite par une histoire des formes,
héritage dont elle interroge la descendance non sans dissidence. En jouant sur les ambiguïtés
catégoriques du modernisme artistique et de ses possibles réversibilités, chaque oeuvre libère un sens
multiple, laissant apparaître ses sources tout en remettant en question leur légitimité. En usant de
stratégies de contournement, par des effets d’ambivalences formelles, ces oeuvres échappent à la
pure opposition frontale avec l’histoire qu’elles convoquent et dont elles assument pourtant
porter les stigmates.
En choisissant de présenter ces travaux dans un même champ spatial, il s’agit alors de penser une
unité dispersée pour (ré)inscrire l’oeuvre dans un devenir qui échapperait à toute interprétation
systématique ou totalisante, à tout discours global sur la pratique d’un artiste, bref à tout contexte
d’interprétation qui précèderait l’oeuvre . C’est aussi proposer de s’arrêter, simplement, en regard
ou en pensée, sur des oeuvres qui se seraient échappées de leur contexte originaire de monstration,
soustraites aux limites factuelles de leur propre actualité pour engendrer de nouvelles perspectives
d’interprétation.
Ces pièces, aussi divers soient les matériaux qui les façonnent, les motivations esthétiques ou
conceptuelles qui président à leur création, les références qu’elles convoquent, ont en commun de
questionner la notion d’objet par la reprise de motifs symptomatiques et/ou symboliques de notre
modernité, éléments qui participent d’une archéologie visuelle dont elles interrogent la pertinence
par de multiples réappropriations et déplacements. La notion de reste, d’empreinte ou de trace
opère comme un leit-motiv visuel et il semblerait que ces travaux, avec les singularités qui leur
sont propres, entendent poser la question d’un renouvellement des formes, ceci dans les termes
d’une écologie politique et poétique de la "reprise" ou d'un recyclage mental.
Ici, le tapis fonctionne comme cadre, hébergeant des oeuvres qui échappent à la simple opposition
binaire peinture/sculpture, ramenant à un même champ des formes qui à la fois investissent et
excèdent leur propre ancrage historique. Parce que la peinture et la sculpture renvoient ici dans
leur process toujours à autre chose qu’elles-mêmes, la généalogie d’une oeuvre ne peut être tracée
que dans la rupture, entre retour et renouvellement, "déjà vu" et disjonction, répétition et
décollement. Les modèles, les influences sont souvent pleinement assumés, et même lorsqu’elles
demeurent à l’état de trace, la force de ces oeuvres tient dans leur capacité à en creuser les écarts
anachroniques, ironiques ou même nostalgiques. L’image devient symptôme, son sens, sa forme
sont à géométrie variable. Laissant le temps y inclure ses métamorphoses, oeuvrant à champ
ouvert, l’artiste affirme la dimension intempestive de son geste. Appelées à se déplacer dans le
temps, par l’action du regard qui la visite mais aussi par la mise en contact, la confrontation avec
d’autres images, d’autres « pairs », les oeuvres présentées gagnent une nouvelle lisibilité. Ainsi, il
apparaît que l’enjeu de cette confrontation d’oeuvres, au-delà de toute perspective inventoriale ou
de cristallisation d’oppositions catégoriques, est bien plutôt d’ouvrir des brèches, de mettre à jour
des points de contact inusités sur le mode d’une actualité différée. L’autonomie de l’oeuvre entre
alors en résonance avec le collectif, loin de l’isoler elle l’ouvre à un dialogue en constante
rénovation.
Clara Guislain
Commissaires d'exposition
Artistes
Autres artistes présentés
Michael BAUER,
Donelle WOOLFORD