Vertigo

Lilian Bourgeat
Exposition
Arts plastiques
Galerie du Dourven Trédrez-Locquémeau

Lilian Bourgeat, Le dîner de Gulliver, 2008, Résine de polyester, porcelaine, verre et métal inoxydable. 400x200x150 cm (table), 196 x 125 x 115 cm (chaque chaise) © Lilian Bourgeat, photographie, Stéphane Chevillon

Le plus souvent, les installations de Lilian Bourgeat sont composées de sculptures ayant pour modèles des objets qu’il choisit de représenter de façon surdimensionnée. Ampoule, bottes en caoutchouc, mètre, gobelets en plastique s’en trouvent ainsi promus au rang d’oeuvre d’art. La sculpture génère chez son spectateur à la fois l’admiration par le savoir faire impliqué par la dimension monumentale, et le rêve, l’extatique nostalgie de l’enfance de devenir grand, autant que le sentiment d’être rétréci. Par ailleurs, ces sculptures conservent l’aspect utilitaire des objets modèles et confrontent le public à des expériences singulières ; leur utilisation est parfois si acrobatique qu’elle se révèle dans certain cas impossible, à tel point que l’on peut se demander si ce n’est pas la sculpture qui se joue de celui qui la convoite. Dans, Vernissage, Université de Dijon, 2003, les gobelets font 42 cm de haut sur 36 cm de diamètre, soit près de dix fois la taille des verres modèles. Les buveurs doivent composer avec ces sculptures et leur fonctionnalité problématique. Un geste quotidien devient alors laborieux voire impossible. Il suffit d’un simple agrandissement pour faire basculer ce moment important de l’acte d’exposition dans le grotesque. En effet, le principe d’agrandissement appliqué aux objets modèles n’est pas une fin en soi. Ce que signe l’artiste n’est pas tant la sculpture que la situation que celle-ci génère et les nouvelles relations induites entre les personnes présentes au vernissage de Vernissage. Nos comportements, nos gestes, nous racontent au même titre que notre apparence ou notre nom ; ils contribuent à constituer le prisme de notre identité, notre rapport aux autres et au monde qui nous entoure. Cette oeuvre de Lilian Bourgeat intervenant sur les postures, les attitudes, les gestes, affecte de l’intérieur l’expérience des protocoles de l’art. La galerie du Dourven présente Le Dîner de Gulliver. Table, chaises de jardin, vaisselle et couverts sont les modèles de la sculpture ; ces modèles sont agrandis à l’échelle 2,5. Cette installation s’accompagne d’organisation de repas. Découper les ingrédients, faire parvenir les morceaux à la bouche, boire dans les verres à pied devient fastidieux ; tout cela en se tenant assis sur une chaise beaucoup trop grande, le nez au niveau d’une table démesurée. L’organisation de ces repas a ainsi le rôle d’activateur de l’installation. (Tout comme dans Mary Poppins, les blagues permettent de transformer le moment du thé en expérience de lévitation). À l’entrée de l’exposition et pour introduire cet esprit domestique lié à l’architecture du lieu. Le visiteur est accueilli par Invendus-Botte, 2006, une sculpture prenant comme modèle une paire de bottes en caoutchouc agrandie dix fois. Mais ces bottes, même en imagination sont impossibles à enfiler car elles correspondent à deux pieds gauches. Ici, Lilian Bourgeat joue à contrarier le scénario fantaisiste de notre imaginaire. Tout en glissant vers l’expression se lever du pied gauche, il nous rappelle ces moments de frustration où notre corps ne peut s’adapter à la forme. La sculpture de Lilian Bourgeat applique au readymade les principes de représentation et d’utilisation : en effet il ne s’agit pas d’objets présentés en tant que sculpture mais d’objets représentés en trompe l’oeil quoique agrandis et donnés à manipuler comme des objets réels. L’histoire de la sculpture est ainsi convoquée : la nature morte comme catégorie de la représentation, la mimésis, les matériaux de la sculpture et l’imaginaire qu’ils impliquent, le readymade, l’impact du lieu d’exposition sur la lecture de la sculpture, la sculpture et sa gestuelle. Lilian Bourgeat fausse la perception non seulement des sculptures (qu’il nous fait prendre pour les objets euxmêmes : la mimésis), mais aussi de l’espace dans lequel ils s’insèrent un peu comme le ferait au cinéma l’effet vertigo. «…Il ne s’agit pas d’agrandir pour agrandir. Je cherche plutôt à chaque fois à créer une situation ou un événement en perturbant légèrement le cours normal des choses.»

Commissaires d'exposition

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Lilian Bourgeat

Partenaires

CCC, Tours. Galerie Lange + Pult, Zürich.

Horaires

15h-19h les samedis, dimanches et jours fériés. Pendant les vacances scolaires, tous les jours sauf le lundi.

Adresse

Galerie du Dourven Allée du Dourven 22300 Trédrez-Locquémeau France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022