Une place apparemment inoffensive

un choix de Régis Durand parmi les photographies de la collection d'Isabelle Darrigrand
Exposition
Photographie
MABA Nogent-sur-Marne

Télé-spectateurs, copyright Olivier Culmann courtesy Galerie Tendance floue.

Depuis son ouverture en 2006, la Maison d’art Bernard Anthonioz a souhaité faire écho aux manifestations d’automne du Mois de la Photo et de Paris Photo en consacrant son exposition de fin d’année à la découverte de collections privées de photographies. Ce cycle a débuté avec m+m & friends, un parcours autour du corps, dans la collection de Michèle et Michel Auer. A partir de 2007, la Maison d’art Bernard Anthonioz a demandé à Régis Durand de s’associer à sa démarche. C’est ainsi qu’ont été présentées, associées en triptyques, des pièces de la collection de Madeleine Millot-Durrenberger dans l’exposition Un mur, un trou, un visage, du 16 novembre 2007 au 6 janvier 2008. Cette année c’est la collection d’Isabelle Darrigrand, directrice de rédaction du magazine Photos Nouvelles, qui a été choisie par Régis Durand. Le titre, Une place apparemment inoffensive, est emprunté à Georges Pérec, et caractérise bien le caractère à la fois discret et intense de cette collection très personnelle.  ............ "Je regarde les images qui nous entourent. Comme une pensée magique, elles font barrage. Et comme les aériennes racines du banian, elles dessinent ensemble un paysage unique où les nouvelles venues se tressent aux plus anciennes. Voilà que désormais, elles sont assez nombreuses pour qu’on en parle comme d’une collection. Et donc leur ombre protectrice s’étend. Voilà que désormais, elles occupent quelque part dans le monde, cette « place apparemment inoffensive », à la fois bienveillante et désarmée, pacifique et innocente. Tout autant inoffensive qu’est la place du collectionneur au milieu des objets aimés et parfois redoutés. Ces photographies au mur, je les reprends comme on reprendrait un livre sur l’étagère, mille fois ouvert, reposé, feuilleté. Comme les livres elles dévorent l’espace. Comme les livres, elles gagnent forcément. Comme les livres elles en appellent d’autres. Pas forcément la photo suivante, une autre tout simplement, pour entrer en résonance, pour dérouler le fil des racines, pour faire naître une nouvelle histoire. Et c’est ainsi qu’une à une, elles sont entrées, et ont pris la place." Isabelle Darrigrand ............ Le programme de présentation de collections privées à la Maison d’art Bernard-Anthonioz, permet une passionnante plongée dans l’univers de ce que l’espagnol appelle très joliment « collectionnisme ». On voit parfois figurer sur les cartels des expositions la mention « collection particulière » ; et particulières ces collections le sont assurément, dans plus d’un sens du terme. Celle d’Isabelle Darrigrand est difficile à caractériser en quelques mots, et tout aussi difficile à représenter par un nombre restreint de photographies. La chronologie n’y est pas un critère décisif ; des repères thématiques sont toujours possibles, mais semblent peu productifs, comme s’ils redoublaient l’évidence. Il y a bien sûr quelques constantes ou récurrences fortes-- la présence d’enfants, de la nuit, de portraits (plutôt que de paysages). Ce qu’on y voit surtout, ce sont des traces de certains moments ou de certains événements, comme s’ils avaient laissé derrière eux une rémanence lumineuse. Ces moments ou événements peuvent appartenir au monde réel, celui de lieux bien définis, de rencontres, de guerres, d’abandons ou de célébrations. Mais ils appartiennent tout aussi certainement à des mondes intérieurs ou imaginaires dont ils constituent le chiffre énigmatique. Cette double logique est elle aussi une évidence, plus qu’un principe organisateur. Si un tel principe existait, je serais tenté de le chercher du côté de métaphores végétales—le rhizome, la bouture, la dissémination, tout ce qui évoque des systèmes de croissance non-linéaires. La collection croît ainsi par associations et rencontres, une photographie prenant sa place à côté d’une autre qui semble l’avoir appelée et qu’elle déplace légèrement. L’amitié y tient une grande part, celle qui se nourrit d’une passion partagée. Rendre compte de cela dans une exposition est pratiquement impossible. Tout au plus peut-on s’y essayer avec légèreté, sans imposer à la collection un cadre qui lui serait étranger. En même temps, celui qui en a la charge doit s’efforcer d’y tracer quelques lignes de sens, d’en donner une lecture, particulière elle aussi. Isabelle Darrigrand a souhaité placer cette exposition sous le signe de Georges Pérec, auquel elle a emprunté son beau titre. Je prendrai à mon tour appui sur le même texte pour définir un des grands axes qui serait susceptible de l’organiser sans lui faire violence. La formule « quelque chose qui ressemblerait à de la compréhension » dit assez bien, à mon sens, ce qui, dans cet ensemble d’œuvres, cerne au plus près les émotions, les passions, la douleur, tout ce qui, chez tant de photographes, relève d’une muette empathie avec autrui. L’autre grand axe, j’en trouve une possible indication chez un autre écrivain, Julien Gracq, lorsqu’il tente de dire la secrète affinité du voyage et du rêve, la manière dont le chemin, le cheminement enlève aux choses leur poids de réalité : « En fait, au fil de la route, quand on y roule un peu à l’aventure, la succession brusquée des ombres et des lumières intérieures semble tenir du rêve non seulement sa toute-puissance sur l’esprit, mais aussi sa soudaineté sans cause, et son éclairage sans foyer lumineux (…) Le grand chemin, à partir d’un certain seuil, d’étendue et de durée, ne nous déconnecte guère moins que le rêve de l’univers trivial de la causalité » * Une partie importante de cette collection semble faire écho à cela, et dépasser ou déplacer l’opposition entre document et imaginaire. En sorte que chaque observation, chaque voyage se double d’une expérience intérieure. Ainsi pourrait-on tenter de donner à lire cette collection, parmi beaucoup d’autres lectures possibles. Régis Durand *Julien Gracq, Carnets du grand chemin, José Corti, 1992, p. 60

Autres artistes présentés

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Mécénat

Fondation nationale des arts graphiques et plastiques

Horaires

Tous les jours sauf les mardis et les jours fériés de 12h à 18h, entrée libre.

Adresse

MABA Centre d'art contemporain 16 rue Charles VII 94130 Nogent-sur-Marne France

Comment s'y rendre

RER A : Nogent-sur-Marne, puis bus 114 ou 210 - Arrêt Sous-Préfecture
RER E : Nogent-Le Perreux, puis direction Tribunal d’instance
Métro ligne 1 : Château de Vincennes, puis bus 114 ou 210 - Arrêt Sous-Préfecture
Station Vélib'

Une navette depuis Paris est mise en place pour les vernissages : maba@fondationdesartistes.fr ou t : 01 48 71 90 07

Dernière mise à jour le 24 février 2022