Tome 6 Replay

Exposition
Arts plastiques
Préface Paris 03

Pour cette exposition de rentrée, la galerie Préface est heureuse de rassembler le travail d’artistes et de designers en un même espace.

       En prenant des allures de commanditaire, la galerie a soumis un protocole de création aux artistes Mikael Belmonte, Elvire Bonduelle, Josué Rauscher et aux designers Jean Couvreur, David des Moutis, Studio Monsieur. Protocole dont le cahier des charges tient sur quelques lignes. La première contrainte consiste à s’inspirer d’une icone du design, la seconde d’être directement impliqué dans la fabrication des objets, la troisième, découlant de la seconde, repose sur la production d’éditions limitées ou de pièces uniques.

       Dans cette économie de contraintes, rien ne stipule que l’objet doit être fonctionnel.  Il peut avoir une valeur documentaire à l’image du diagramme de matériaux réalisé par Mikael Belmonte : un échantillon tridimensionnel du pourcentage de matériaux - marbre, essence de bois, mélaminé,…- présents dans les productions du mouvement Memphis. David des Moutis revisite quant à lui la période où Ettore Sottsass, à travers sa collaboration avec la manufacture de Sèvres et le CIRVA déclina une série d’œuvres composées de céramique et de verre. Il prend à son compte la conviction du designer italien selon laquelle l’expérimentation devait être au cœur du processus de fabrication des objets. Inspiré des combinaisons de matières par voie de superposition et de jonction opérées par Sottsass, des Moutis s’est mis à la recherche de la fusion de ces mêmes matières. Jean Couvreur donne de nouveaux attributs à la Ball Clock de Georges Nelson (1948) en remplaçant les sphères multicolores de l’original par des hameçons prêts à rattraper les minutes quand Studio Monsieur trace d’un câble électrique la ligne si reconnaissable de la lampePotence (1949) conçue par Jean Prouvé en collaboration avec Charlotte Perriand. Seule pièce antérieure à la requête des commanditaires, la pièce Wood is Good (2012) de l’artiste Elvire Bonduelle incarne simultanément l’œuvre d’art (le tableau) et le design (l’assise) mais surtout le geste, qui d’une articulation et d’un pliage peut transformer l’un en l’autre. L’évocation du langage minimal de Donald Judd (Chair, 1984, Bank, 1982) interroge à nouveau la perméabilité et la frontière existant entre l’œuvre et l’objet.

       Dans les années 60, le mouvement de l’Anti-design qui découlait du design radical italien avait non seulement remis en cause l’assujettissement des arts appliqués face à l’industrie (production de masse, fonctionnalité, durabilité) mais avait surtout permis d’établir une proximité avec les arts plastiques. Les objets pouvaient enfin s’émanciper de leur vocation fonctionnelle au profit de formes exaltées, ironiques et éphémères pour devenir à leur tour des objets autonomes et critiques. Pourtant, de la hiérarchie entre les beaux-arts et les arts appliqués à la négation de celle-ci par la formulation d’un art total, de l’imperméabilité revendiquée de ces domaines à la mise en avant de la transversalité et de la transdisciplinarité dans les arts et la culture, l’étude des rapports entre arts appliqués et arts plastiques a débouché sur de nombreux postulats contradictoires. Aujourd’hui encore et malgré les tentatives de cohabitation [1], les rencontres entre artistes et designers contemporains demeurent complexes. L’un et l’autre se Le travail se nourrissent mutuellement mais restent à distance. D’où la nécessité de proposer à nouveau [2] des situations intermédiaires où artistes et designers reconnaissent leur inspiration réciproque.

       Ettore Sottsass disait que toute chose pouvait être considérée comme du design dans la mesure où toute production émane d’un projet. Cela est d’autant plus juste aujourd’hui lorsqu’artistes et designers utilisent des stratégies obéissant à des processus similaires. Néanmoins, tout n’est pas et ne doit pas être design industriel. Ainsi, les modalités choisies dans cette exposition dessinent les contours d’un espace de liberté questionnant les possibilités d’un art appliqué coopératif mais désobéissant, « joli » mais réfléchi où même la production d’une œuvre mystère réalisée par Josué Rauscher en tout point méconnue des commanditaires jusqu’à sa date de livraison, peut avoir lieu dans une attente sereine.

 

 

1  En 1970, un département Design au sein du Centre Pompidou est crée sous l’impulsion de François Mathey.

2  Ces quelques repères donnent un aperçu des propositions de passerelles qui ont été opérées entre art et design :

a  L’exposition Antagonisme 2. L’objet organisée par Julien Alvard et François Mathey en 1962 au Musée des Arts Décoratifs de Paris ainsi que L’objet 2. Pour un mobilier contemporain organisée à la galerie Lacloche à Paris en 1966 par François Mathey et Michel Ragon consistaient à appréhender l’objet « hors des normes décoratives, industrieuses et fonctionnelles généralement admises ».

b  En 1989, l’agence Meta Memphis invite des artistes (Laurence Weiner, Michelangelo Pistoletto, Franz West, Sandro Chia,…) à créer des objets fonctionnels.

c  En 2001, la maison d’édition Coopérateurs fondée par Vincent Beaurin, Laurent Maréchaux et Cyrille Putman proposait à des néophythes de créer du mobilier (Fabrice Hybert, Bertrand Lavier, Edouard Mérino).

Autres artistes présentés

Mikael Belmonte
Studio Monsieur

Horaires

Du mardi au samedi de 14h à 19h00

Adresse

Préface 68 rue des gravilliers 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022